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se fit sentir par la paresse universelle, et que, tout étant préparé, le chef fut porté en triomphe; et cette idée d'un chef a saisi l'espoir ridicule de quelques personnages qui croient déjà se voir sur le pavoi : la patrie est déjà partagée entre les conjurés, flattés tous par l'espoir d'une grande fortune. Ainsi l'étranger a su caresser et les folies, et les ridicules, et la corruption de chacun.

» Ce plan de conjuration, le plus atroce qui se puisse concevoir, puisqu'il immole la vertu et l'innocence pour l'intérêt du crime, ce plan s'exécute ainsi.

>> Des Italiens, des banquiers, des Napolitains, des Anglais sont à Paris, qui se disent persécutés dans leur patrie. Ces nouveaux Sinons s'introduisent dans les assemblées du peuple; ils y déclament d'abord contre les gouvernemens de leurs pays; ils s'insinuent dans les antichambres des ministres ; ils épient tout; ils se glissent dans les sociétés populaires; bientôt on les voit liés avec des magistrats qui les protègent. Vous aviez rendu une loi contre les étrangers : le lendemain on vous propose une exception en faveur des artistes; le lendemain tous vos ennemis sont artistes, même les médecins ; et si l'on poursuit ces fabricateurs de complots, on est tout étonné de les voir en crédit. Les hommes qu'ils ont corrompus les défendent, parce que leur cause est commune. Attaquez-les, vous les trouvez unis; interlocuteurs apprêtés, ils s'interpelleront; l'un joue Caton, l'autre Pompée. L'affaire de Chabot vous apprendra qu'après des scènes concertées avec les partisans de l'étranger on y riait de l'importance qu'ils avaient su se donner en public.

>> Cette scène a été renouvelée plusieurs fois. Les nobles, les étrangers, les oisifs, les orateurs vendus, voilà les instrumens de l'étranger, voilà les conjurés contre la patrie, contre le peuple. Nous déclarons la guerre à ces tartuffes en patriotisme; nous les jugerons par leur désintéressement, par la simplicité de leurs discours, par la sagesse des conseils, et non par l'affectation.

>>

L'esprit imitatif est le cachet du crime. Les contre-révolutionnaires d'aujourd'hui, n'osant plus se montrer, ont pris plus d'une fois les formes du patriotisme. Un Marat était dans

Nancy il y a quelque mois, qui pensa y allumer une autre Vendée un Marat était à Strasbourg; il s'appelait le Marat du Rhin; il était prêtre et autrichien ; il y avait fait la contrerévolution. Il n'y eut qu'un Marat; ses successeurs sont des hypocrites dont rougit son ombre. On n'imite point la vertu ; mais on est vertueux à sa manière, ou l'on est hypocrite. Si Pitt venait en France espionner le gouvernement il prendrait les formes d'un honnête homme pour n'y être point reconnu. Il en est de même de ceux qui ont la modestie d'usurper les noms des grands hommes de l'antiquité; cette affectation cache un sournois dont la conscience est vendue.

» Un honnête homme qui s'avance au milieu du peuple avec l'audace et l'air tranquille de la probité n'a qu'un nom, comme il n'a qu'un cœur. Cette dépravation est le fruit de la conspiration de l'étranger : c'est sous ces noms qu'il faut chercher une partie des conjurés.

» Le simple bon sens, l'énergie de l'âme, la froideur de l'esprit, le feu d'un cœur ardent et pur, l'austérité, le désintéressement, voilà le caractère dn patriote au contraire, l'étranger a tout travesti. Un patriote de ce jour a rougi du nom de son père, et a pris le nom du héros qu'il n'imite en rien le héros tua un tyran, et vécut modeste; il défendit le peuple; il sortit pauvre des emplois : son imitateur est un effronté qui tue la patrie, qui s'enrichit, dont la vie est dégoûtante d'indignités, qui cache son nom pour échapper à la mémoire de ses attentats. Que veut-il? Faire parler de lui, acquérir du pouvoir, et se vendre demain plus cher.

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» Il semble qu'on voudrait introduire parmi nous ce trafic de quelques membres du parlement anglais, qui se font insolens pour devenir ministres. Parmi nous une classe d'hommes prend un air hagard, une affectation d'emportement, ou pour que l'étranger l'achète, ou pour que le gouvernement le place.

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Quoi! notre gouvernement serait humilié au point d'être la proie d'un scélérat qui a fait marchandise de sa plume et de sa conscience, et qui varie, selon l'espoir et le danger, ses couleurs, comme un reptile qui rampe au soleil! Fripons, allez aux ateliers, allez sur les navires, allez labourer la

terre! Mauvais citoyens, à qui la tâche imposée par l'étranger est de troubler la paix publique et de corrompre tous les cœurs, allez dans les combats, vils artisans des calamités, allez vous instruire à l'honneur parmi les défenseurs de la patrie!... vous n'irez point; l'échafaud vous attend!

Mais non,

» Il est dans les desseins de l'étranger de diviser Paris contre lui-même, d'y répandre l'immoralité, d'y semer un fanatisme nouveau sans doute, celui des vices et de l'amour des jouissances insensées. Les jacobins ont renversé le trône par la violence généreuse du patriotisme; on veut combattre le gouvernement libre par la violence de la corruption : aussi la conspiration devait-elle égorger les jacobins. Les prétextes de cet abominable attentat étaient le bien public, comme cet affreux Anne Montmorenci, qui, priant Dieu, faisait égorger les citoyens pour la plus grande gloire du ciel! Ce funeste projet avait séduit le patriotisme trompé. Patriotes, réfléchissez-donc ! Et que ne disiez-vous à ceux qui proposaient le crime : Le peuple n'est pas un tyran; si vous voulez faire contre l'ordre présent des choses ce que le peuple a fait contre la tyrannie, vous êtes des méchans qu'il faut démasquer. C'est le peuple aujourd'hui qui règne; c'est lui que l'aristocratie veut détrôner. Voulez-vous des emplois, défendez les malheureux dans les tribunaux; voulez-vous des richesses, sachez vous passer du superflu: voyons vos tables, vos draperies. Vous voit-on parler au peuple des vertus civiles? Etes-vous des exemples de rigidité? Vous voit-on lui enseigner à diriger le cœur et l'esprit des enfans? Où sont les opprimés dont vous avez essuyé les larmes? Malheur à vous qui savez les chemins qui conduisent à la fortune, et ne connaissez pas les chemins obscurs qui conduisent dans les asiles de la misère ! Vous poursuivez avec acharnement le pouvoir qui est au dessus de vous; vous méprisez le reste, et vous ne songez guère à ceux qui souffrent au dessous de vous; et si la justice populaire vient à vous poursuivre, vous prenez la justice pour l'oppression.

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Voilà ce qu'il fallait répondre. Le caractère des conjurarations est le déguisement; on serait imprudent d'annoncer ses desseins et son crime : il ne faut donc point s'arrêter à la

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surface des discours, mais juger un homme par ce que la probité conseille aujourd'hui. La probité conseille maintenant de rester uni, et d'accorder au peuple les fruits pénibles de cinq ans de révolution; la probité conseille la perte de tous les ennemis de la révolution; mais elle ne conseille pas d'attaquer ces ennemis de manière à frapper du même coup la patrie. Guillaume Tell, forcé d'enlever une pomme de la tête de son enfant avec une flèche meurtrière, est l'image du peuple armé contre lui-même. Soulevons le voile qui cache les complots; épions les discours, les gestes, l'esprit de suite de chacun. Si quelqu'un courait dans Paris criant: il faut un roi, il serait arêté et périrait sur l'heure; si quelqu'un dans une société populaire osait dire : rétablissons la tyrannie, il serait immolé. Que doivent donc faire ceux qui n'osent point parler ainsi? Ils doivent dissimuler. Ceux qui auraient dit sous les rois dans les places publiques : il ne faut point de roi, renversons le trône, auraient été pendus. Que faisaient alors les ennemis de la tyrannie? Ils dissimulaient. C'est une chose reconnue que quiconque conspire contre un régime établi doit dissimuler; ne jugeons donc point toujours les hommes sur leurs discours et leur extérieur : nous pouvons convaincre de dissimulation ceux qui font et disent aujourd'hui ce qu'ils ne faisaient pas et ne disaient pas hier. Il y a donc un parti opposé à la liberté, et ce parti est le parti qui dissimule. Ceux qui sont du parti du peuple n'ont plus à dissimuler aujourd'hui; et cependant celui-là se déguise qui s'est déclaré le chef d'une opinion, et qui, quand ce parti a du dessous, déclame pour tromper ses juges et le peuple contre sa propre opinion. Je laisse ce miroir devant les coupables.

» Ainsi commença la révolte de Prescy dans Lyon. Il dissimula longtemps; il biaisait, il interprétait ce qu'il avait dit la veille; s'il n'avait point réussi, il s'accommodait à la liberté ; il était à toute heure, en toute circonstance ce qu'il fallait paraître; il temporisait; l'accusait-on, il était patriote. Il éclata enfin ; il entraîna les faibles, il dirigea ceux qui étaient plus forts, il se dépouilla de sa dissimulation, prit la cocarde blanche, et se battit.

» Ainsi finira tout parti. Tout parti veut le mal dans la

République fondée. Il y a dans Paris un parti; des placards royalistes, l'insolence des étrangers et des nobles, qui se parlent sous la main et à l'oreille, tout l'annonce.

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Lorsqu'un parti s'annonce il y a un piége nouveau, quelque couleur qu'il prenne. La vérité n'est pas artificieuse; mais ils sont artificieux les comptables à la justice du peuple qui veulent lui échapper, les fonctionnaires qui se lèvent entre le peuple et la représentation nationale pour opprimer l'un et l'autre, les complices de Chabot, qui veulent le sauver; il est artificieux le parti de l'étranger, qui, sous prétexte d'une plus grande sévérité que vous contre les détenus, n'attend qu'un moment de tumulte pour leur ouvrir les prisons. Je vois les imitateurs de Prescy, qui mit Lyon en révolte contre la liberté; les imitateurs de Charrette, qui souleva la Vendée contre le peuple français.

» Les sociétés populaires étaient autrefois des temples de l'égalité; les citoyens et les législateurs y venaient méditer la perte de la tyrannie, la chute des rois, les moyens de fonder la liberté ; dans les sociétés populaires on voyait le peuple, uni à ses représentans, les éclairer et les juger : mais depuis que les sociétés populaires se sont remplies d'êtres artificieux, qui viennent briguer à grands cris leur élévation à la législature au ministère, au généralat, depuis qu'il y a dans ces sociétés trop de fonctionnaires, trop peu de citoyens, le peuple y est nul. Ce n'est plus lui qui juge le gouvernement; ce sont les fonctionnaires coalisés, qui, réunissant leur influence, font taire le peuple, l'épouvantent, le séparent des législateurs, qui devraient en être inséparables, et corrompent l'opinion, dont ils s'emparent, et par laquelle ils font taire le gouvernement, et dénoncent la liberté même. Qui ne voit point tous les piéges que l'étranger a pu nous tendre par nos propres moyens? » La démocratie en France est perdue si les magistrats y ont plus d'influence que le peuple, et si cette influence est un moyen d'élévation. On n'a point osé dire encore ces vérités simples, par cette raison même que, la hiérarchie du gouvernement étant renversée, aucune idée, aucun principe n'est à sa place; par la raison que le gouvernement même semble redouter l'influence usurpée par ses comptables; par la raison

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