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que

la coalition de plusieurs membres des pouvoirs contre le peuple, contre la liberté, contre la représentation nationale, s'est déjà fortifiée.

» Il nous manque une déclaration des principes de notre droit public qui soit une loi sainte et redoutable, qui soit la loi suprême du salut du peuple. Il ne faut point que l'aristocratie puisse braver le gouvernement; il ne faut pas qu'un rebelle qui vend son pays puisse résister à la justice en disant qu'il résiste à l'oppression; il ne faut point que des traîtres conspirent contre la vérité même, qui les poursuit, et le pouvoir légitime, qui les châtie.

Voilà le fruit de cette patricide indulgence contre laquelle je me suis déclaré ces jours derniers. Avez-vous remarqué depuis ce temps, malgré l'opinion et le cri du patriotisme, quelle couleur a prise la faction de l'étranger? Un bruit sourd s'est répandu de l'ouverture des prisons ; des lettres répandues dans les halles demandaient un roi; elle a tenté de s'emparer de l'impulsion que vous donnâtes à la justice contre elle-même; elle a redouté les cœurs malheureux que ce décret bienfaisant conciliait à la liberté ; elle s'est cru perdue; elle a éclaté plutôt qu'elle ne l'avait résolu; elle a voulu reporter la mort contre les patriotes et le gouvernement, et a tourné contre la sûreté publique cette violence que nous implorâmes contre cette faction même car tous les complots sont unis ; ce sont les vagues qui semblent se fuir, et qui se mêlent cependant. La faction des indulgens, qui veulent sauver les criminels, et la faction de l'étranger, qui se montre hurlante parce qu'elle ne peut faire autrement sans se démasquer, mais qui tourne la sévérité contre les défenseurs du peuple; toutes ces factions se retrouvent la nuit pour concerter leurs attentats du jour; elles paraissent se combattre pour que l'opinion se partage entre elles ; elles se rapprochent ensuite pour étouffer la liberté entre deux

crimes.

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L'indulgence ne consiste pas seulement à ménager les criminels qui sont détenus; cette indulgence n'est pas moins coupable qui épargne les ennemis dissimulés du peuple.

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Que votre politique embrasse un vaste plan de régénération: osez tout ce que l'intérêt et l'affermissement d'un état

libre commande. Où donc est la roche Tarpéienne? ou n'avezvous point le courage d'en précipiter l'aristocratie, de quelque masque qu'elle couvre son front d'airain? Quoi! le lendemain que nous vous eûmes conseillé une sévérité inflexible contre les détenus ennemis de la révolution, on tenta de tourner contre les patriotes l'essor que cette idée avait donné à l'opinion! Cela peut vous convaincre de l'adresse des ennemis de la patrie. Tandis que les bons citoyens se réjouissaient du nouveau triomphe de la liberté, il se fit une éruption soudaine, imprévue. Nous vous parlâmes du bonheur : l'égoïsme abusa de cette idée pour exaspérer les cris et la fureur de l'aristocratie; on réveilla soudain les désirs de ce bonheur, qui consiste dans l'oubli des autres et dans la jouissance du superflu. Le bonheur ! le bonheur ! s'écria-t-on. Mais ce ne fut point le bonheur de Persépolis que nous vous offrîmes; ce bonheur est celui des corrupteurs de l'humanité : nous vous offrîmes le bonheur de Sparte et celui d'Athènes dans ses beaux jours; nous vous offrîmes le bonheur de la vertu, celui de l'aisance et de la médiocrité; nous vous offrîmes le bonheur qui naît de la jouissance du nécessaire sans superfluité; nous vous offrîmes pour bonheur la haine de la tyrannie, la volupté d'une cabane et d'un champ fertile cultivé par vos mains; nous offrîmes au peuple le bonheur d'être libre et tranquille, et de jouir en paix des fruits et des mœurs de la révolution; celui de retourner à la nature, à la morale, et de fonder la République. C'est le peuple qui fait la République par la simplicité de ses mœurs : ce ne sont point les charlatans, qu'il faut chasser au préalable de notre société si vous voulez qu'on y soit heureux. Le bonheur que nous vous offrîmes n'est pas celui des peuples corrompus; ceux-là se sont trompés qui attendaient de la révolution le privilége d'être à leur tour aussi méchans que la noblesse et que les riches de la monarchie : une charrue, un champ, une chaumière à l'abri du fisc, une famille à l'abri de la lubricité d'un brigand, voilà le bonheur.

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Que voulez-vous, vous qui ne voulez point de vertu pour être heureux? Que voulez-vous, vous qui ne voulez point de terreur contre les méchans? Que voulez-vous, ô vous qui, sans vertu, tournez la terreur contre la liberté ? Et cependant vous

êtes ligués, car tous les crimes se tiennent, et forment dans ce moment une zone torride autour de la République.

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Que voulez-vous, vous qui courez les places publiques pour vous faire voir, et pour faire dire de vous: vois-tu un tel qui parle? voilà un tel qui passe. Vous voulez quitter le métier de votre père, qui fut peut-être un honnête artisan dont la médiocrité vous fit patriote, pour devenir un homme influant et insolent dans l'Etat.

» Vous périrez, vous qui courez à la fortune, et qui cherchez un bonheur à part de celui du peuple!

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Citoyens, je reviens à cette cruelle idée qu'après que nous vous eûmes parlé de bonheur le parti de l'étranger s'efforça d'incliner l'idée du bonheur vers l'infamie, vers l'égoïsme, vers le mépris de l'humanité, vers la haine d'un gouvernement austère qui peut seul nous sauver. Que le peuple réclame sa liberté quand il est opprimé, qu'il suive le conseil de Minos, qu'il poursuive les magistrats; mais quand la liberté triomphe, et quand la tyrannie expire, que l'on oublie le bien général pour tuer la patrie avec un mieux particulier, c'est une lâcheté, c'est une hypocrisie punissable ! C'est ainsi qu'on assiége la liberté; toutes les idées se confondent. Dites au méchant : nous avons remporté vingt batailles l'année dernière ; nous avons douze cent mille combattans cette année.- Cela n'est rien, répondra-t-il ; j'ai un ennemi personnel dont il faut que je me délivre. Ainsi sont conduites nos affaires; tout est renversé un fripon que le tribunal révolutionnaire va condamner dit qu'il veut résister à l'oppression, parce qu'il veut résister à l'échafaud.

» Je ne sais si quelqu'un oserait vous dire toutes ces choses s'il se sentait en rien coupable ou complice des maux de son pays : je vous parle avec la franchise d'une probité déterminée à tout entreprendre, à tout dire pour le salut de la patrie. La probité est un pouvoir qui défie tous les attentats.

» Si le peuple aime la vertu, la frugalité; si l'effronterie disparaît des visages; si la pudeur rentre dans la cité, les contrerévolutionnaires, les modérés et les fripons dans la poussière ; si, terrible envers les ennemis de la révolution, on est aimant et sensible envers un patriote ; si les fonctionnaires s'enseve

:

lissent dans leurs cabinets pour s'y assujétir à faire le bien sans courir à la renommée, n'ayant pour témoin que leur cœur; si vous donnez des terres à tous les malheureux, si vous les ôtez à tous les scélérats, je reconnais que vous avez fait une révolution mais s'il arrive le contraire, si l'étranger l'emporte, si les vices triomphent, si d'autres grands ont pris la place des premiers, si les supplices ne poursuivent point les conspirateurs cachés, fuyons dans le néant, ou dans le sein de la Divinité; il n'y a pas eu de révolution ; il n'y a ni bonheur ni vertu à espérer sur la terre.

» Savez-vous quel est le dernier appui de la monarchie? C'est la classe qui ne fait rien, qui ne peut se passer de luxe, de folies; qui, ne pensant à rien, pense à mal; qui promène l'ennui, la fureur des jouissances et le dégoût de la vie commune ; qui se demande que dit-on ? qui suppose, qui prétend deviner le gouvernement, toujours prête à changer de parti par curiosité. C'est cette classe qu'il faut réprimer. Obligez tout le monde à faire quelque chose, à prendre une profession utile à la liberté. Tous ces oisifs n'ont point d'enfans; ils ont des valets qui ne se marient pas, qui sont toujours de leur avis, et qui se prostituent aux influences de l'étranger. N'avons-nous point des vaisseaux à construire, des manufactures à accroître, des terres à défricher? Quels droits ont dans la patrie ceux qui n'y font rien? Ce sont ceux-là qui ont du bonheur une idée affreuse, et qui sont les plus opposés à la République.

» Il y a une autre classe corruptrice; c'est le ménage des fonctionnaires. Le lendemain qu'un homme est dans un emploi lucratif il met un palais en réquisition; il a des valets soumis ; son épouse se plaint du temps; elle ne peut se procurer l'hermine et les bijoux à juste prix; elle se plaint qu'on a bien du mal à trouver des délices; le mari est monté du parterre aux loges brillantes des spectacles; et tandis que ces misérables se réjouissent, le peuple cultive la terre, fabrique les souliers des soldats, et les armes qui défendent ces poltrons indifférens. Ils vont le soir dans les lieux publics se plaindre du gouvernement: si j'étais ministre, dit celui-ci, si j'étais le maître, celui-là, tout irait mieux. Hier ils étaient dans l'opprobre et

dit

déshonorés. La compassion les a comblés de biens; ils ne sont point assouvis; il faut une révolte pour leur procurer les oiseaux

du Phase.

>> Considérez tous ceux qui se plaignent du temps : ils ne sont point les plus malheureux ; la médiocrité se plaint beaucoup moins. Dans les départemens de la Haute-Vienne et de la Corrèze on a toujours vécu de châtaignes; dans le département du Puy-de-Dome le peuple vit de pain et de légumes cuits dans l'huile : cet usage est antique dans ce pays heureux par ses mœurs; toutes les campagnes ne vivent que de fruits, et les bestiaux, qu'elles élèvent comme des ilotes, ne sont ni pour les nourrir ni pour les vêtir; le commerce leur revend au poids de l'or la toison dont ils ont pris soin. Ce sont ceux qui ont le plus qui insultent le plus le peuple en vivant à ses dépens. Quel mérite avez-vous à être patriotes lorsque vous êtes comblés de biens, lorsqu'un pamphlet vous rapporte trente mille livres de rente, que vous opprimez les citoyens, et que vous êtes libres et puissans?

» Comme l'amour de la fortune, l'amour des réputations aura fait beaucoup de martyrs : c'est encore un piége que l'étranger tend aux âmes faibles; c'est ainsi que s'est grossi le nombre des conjurés. Il est tel homme qui, comme Erostrate le fit à Delphes, brûlerait plutôt le temple de la Liberté que de ne point faire parler de lui : de là ces orages soudain formés. L'un est le meilleur et le plus utile des patriotes; il prétend que la révolution est finie, qu'il faut donner une amnistie à tous les scélérats. Une proposition si officieuse est accueillie par toutes les personnes intéressées, et voilà un héros! L'autre prétend que la révolution n'est point à sa hauteur: chaque folie a ses tréteaux. L'un porte le gouvernement à l'inertie, l'autre veut le porter à l'extravagance; et le dessein de tous les deux est de devenir chef d'opinion, et d'arriver à la renommée suprême.

» Voilà la vérité. S'occuper du peuple modestement est une chose trop obscure sans doute! Mettez donc la justice dans tous les cœurs, et la justesse dans tous les esprits, afin que le gouvernement soit garanti.

>> Tout le monde veut gouverner; personne ne veut être citoyen. Où donc est la cité? Elle est presque usurpée par les

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