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veillent sur la sûreté du peuple, en même temps que le gouvernement poursuivra les conspirateurs. La guerre sera continuée avec fureur. Plus de repos que les ennemis de la révolution et du peuple français ne soient exterminés! Plus de pitié, plus de faiblesse pour les coupables qui osent attenter à la liberté de leur patrie!

» Nous vous rendrons un compte honorable des périls dont nos devoirs nous auront environnés : les conjurés bravent la vertu; nous les bravons eux-mêmes. Agrandissons nos âmes pour embrasser toute l'étendue du bonheur que nous devons au peuple français: tout ce qui porte un cœur sensible sur la terre respectera notre courage. On a le droit d'être audacieux, inébranlable, inflexible, lorsqu'on veut le bien.

» Peuple, punis quiconque blessera la justice; elle est la garantie du gouvernement libre: c'est la justice qui rend les hommes égaux. Les hommes corrompus sont esclaves les uns des autres; c'est le droit du plus fort qui fait la loi entre les méchans. Que la justice et la probité soient à l'ordre du jour dans la République française! Le gouvernement désormais ne pardonnera plus de crimes. Peuple, n'écoute plus les voix indulgentes, ni les voix insensées; chéris la morale; juge par toi-même; soutiens tes défenseurs; élève tes enfans dans la pudeur et dans l'amour de la patrie; sois en paix avec toi-même, en guerre avec les rois : c'est pour te ralentir contre les rois qu'on veut te mettre en guerre avec toi-même. Quoi! l'on a pu te destiner à languir sous une régence de tyrans qui t'aurait rendu les Bourbons! Quoi! tout le sang de tes enfans morts pour la liberté aurait été perdu! Quoi! tu n'aurais plus osé les pleurer ni prononcer leur nom! La statue de la liberté aurait été détruite, et cette enceinte souillée par le reste impur des royalistes et des rebelles de la Vendée! Les cendres de tes défenseurs auraient été jetées au vent! Loin de toi ce tableau! Ce n'est plus que le songe de la tyrannie; la République est encore une fois sauvée. Prenez votre élan vers la gloire; nous appelons à partager ce moment sublime tous les ennemis secrets de la tyrannie qui, dans l'Europe et dans le monde, portent le couteau de Brutus sous leur habit.

» Il vous sera fait dans quelques jours un rapport sur les per

sonnages qui ont conjuré contre la patrie : les factions criminelles seront démasquées; nous les environnons. L'intérêt du peuple et de la justice ne permet pas qu'on vous en dise davantage, et ne permettait pas qu'on vous en dit moins, parce que la loi que je vais vous proposer était instante, et devait être motivée.

» Je vous propose le décret suivant. »

DÉCRET. (Adopté dans la méme séance, sans discussion, et à l'unanimité.)

« La Convention nationale, après avoir entendu le de son comité de salut public, décrète :

rapport

>> Le tribunal révolutionnaire continuera d'informer contre les auteurs et complices de la conjuration ourdie contre le peuple français et sa liberté ; il fera promptement arrêter les prévenus et les mettra en jugement.

» Sont déclarés traîtres à la patrie, et seront punis comme tels, ceux qui seront convaincus d'avoir, de quelque manière que ce soit, favorisé dans la République le plan de corruption. des citoyens, de subversion des pouvoirs et de l'esprit public; d'avoir excité des inquiétudes à dessein d'empêcher l'arrivage des denrées à Paris; d'avoir donné asile aux émigrés; ceux qui auront tenté d'ouvrir les prisons; ceux qui auront introduit des armes dans Paris dans le dessein d'assassiner le peuple et la liberté; ceux qui auront tenté d'ébranler ou d'altérer la forme du gouvernement républicain.

» La Convention nationale étant investie par le peuple français de l'autorité nationale, quiconque usurpe son pouvoir, quiconque attente à sa sûreté ou à sa dignité, directement ou indirectement, est ennemi du peuple, et sera puni de mort.

» La résistance au gouvernement révolutionnaire et républicain, dont la Convention nationale est le centre, est un attentat contre la liberté publique. Quiconque s'en sera rendu coupable, quiconque tentera, par quelque acte que ce soit, de l'avilir, de le détruire ou de l'entraver, sera puni de mort.

» Le comité de salut public destituera, conformément à la loi du 14 frimaire, tout fonctionnaire public qui manquera d'exécuter les décrets de la Convention nationale, ou les

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arrêtés du comité, ou qui se sera rendu coupable de prévarication ou de négligence dans l'exercice de ses fonctions; il le fera poursuivre selon a rigueur des lois, et pourvoira provisoirement à son remplacement.

» Les autorités constituées ne pouvant déléguer leurs pouvoirs, elles ne pourront envoyer aucun commissaire au dedans ni au dehors de la République sans l'autorisation expresse du comité de salut public; les pouvoirs ou commissions qu'elles peuvent avoir donnés jusqu'à ce moment sont annulés dès à présent; ceux qui, après la promulgation du présent décret, oseraient en continuer l'exercice, seront punis de vingt ans de fers. Les agens de la commission des subsistances, des armes et poudres, continueront provisoirement leurs fonctions.

» Il sera nommé six commissions populaires pour juger promptement les ennemis de la révolution détenus dans les prisons. Les comités de sûreté générale et de salut public se concerteront pour les former et les organiser.

» Les prévenus de conspiration contre la République qui se seront soustraits à l'examen de la justice sont mis hors de la loi.

» Les comités de surveillance qui auront laissé en liberté les individus notés d'incivisme dans leur arrondissement seront destitués et remplacés.

» Tout citoyen est tenu de découvrir les conspirateurs et les individus mis hors de la loi lorsqu'il a connaissance du lieu où ils se trouvent.

> Quiconque les recélera chez lui ou ailleurs sera regardé et puni comme leur complice.

» Les individus arrêtés pour cause de conspiration contre la République ne pourront communiquer avec qui que ce soit, ni verbalement ni par écrit, sous la responsabilité capitale de ceux qui sont préposés à leur garde et à celle des prisons ; quiconque aura participé ou aidé à ces communications sera puni comme leur complice.

» Le comité de salut public est chargé de veiller sévèrement à l'exécution du présent décret; il en rendra compte à la Con

vention selon la loi. L'insertion au bulletin tiendra lieu de promulgation.

La Convention ordonne que le rapport et le décret seront imprimés, distribués au nombre de six exemplaires à chacun de ses membres, insérés au bulletin, et envoyés dans tous les départemens, aux armées et aux sociétés populaires.

Saint-Just avait en partie développé le vaste plan d'épuration dont les bases avaient été jetées par Robespierre dans son rapport du 17 pluviose.

L'assentiment que ces mesures recevaient d'abord de tous les membres du comité de salut public (1), les applaudissemens, la sanction solennelle que leur donnait la Convention nationale, les acclamations publiques qui les saluaient ensuite comme décrets, tout encourageait leurs auteurs à tout oser pour établir leur système, fondé sur la plus déplorable erreur. Forts qu'ils étaient de leur conscience, de leurs mœurs, de leur intacte probité, égarés par la haine qu'ils portaient aux institutions de la monarchie, par leur passion pour les principes démocratiques, ils crurent à la possibilité de régénérer en même temps et les mœurs et les institutions; républicains par nature, ils voulurent républicaniser leur pays par l'exemple ou par la violence; et cette erreur, ou plutôt cette calamité, qui livra la France à deux guerres et à deux révolutions, ne fut aperçue, signalée que par l'égoïsme blessé, après plusieurs mois de larmes et de malheurs !

C'est ainsi que Robespierre, Saint-Just et Couthon vont marcher à un despotisme dont la cruauté sera l'ouvrage de la pusillanimité ou de l'insouciance des uns, de l'ignorance des autres, des vices du plus grand nombre : tous aideront à tremper la faux révolutionnaire; tant qu'elle ne frappera

(1) Les membres du comité de salut public s'étaient partagé entr'eux les différens travaux selon le genre de leurs études, de leurs talens ou de leurs goûts; mais ils discutaient en commun les questions et les résultats généraux du reste ils ont longtemps prouvé que la responsabilité solidaire n'effrayait aucun d'eux ; ils avaient appris à se connaître et à s'apprécier. Robespierre, Saint-Just et Couthon étaient chargés de la direction de l'esprit public.

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que des coupables isolés, des victimes de la prévention ou de la calomnie, tous garderont un silence inhumain; mais aussitôt qu'elle menacera le crime adroit et puissant, tous se ligueront pour la briser.

Imposer aux magistrats l'extrême rigueur pour première loi; paralyser les turbulens et les ambitieux; ôter à l'étranger la ressource des intrigans et des traîtres; arracher à une dangereuse nullité les indifférens et les quiétistes ; porter la crainte et la honte dans l'âme des hommes esclaves du faste, plongés dans la mollesse, accessibles à la corruption, avides d'or et de jouissances; tenir le glaive de la loi suspendu, l'œil de l'opinion ouvert sur les agens de l'autorité, sur les comptables, sur les fournisseurs; enfin centraliser les pouvoirs, et préparer le peuple à la sévérité, à la défiance, au sacrifice de réputations qui lui étaient chères, tel est le premier point qu'avaient à remplir les réformateurs, et ils y étaient parvenus. Des exemples devenaient nécessaires pour justifier la théorie; il fallait frapper : tout était prêt.

On a vu que deux grands pouvoirs existaient, se heurtaient à Paris; la Convention et la commune. Chacun d'eux avait une espèce de satellite; le club des Cordeliers suivait la commune; celui des Jacobins s'attachait à la Convention des représentans du peuple faisaient partie des deux sociétés. La commune de Paris, qui par de grands services s'était fait pardonner ses nombreuses usurpations, ne reprenait jamais qu'à regret le second rang après les momens de crise. Elle avait renversé le trône, sauvé la représentation nationale, et marché son égale; elle avait abattu les girondins, et protégé les montagnards; mais à leur tour elle osait les défier: habile dans l'insurrection, pour prix de son amitié elle exigeait le partage du pouvoir. La montagne l'écrasa : l'échafaud reçut les Hébert, les Chaumette, ses principaux chefs, et une foule de leurs complices, ramas d'hommes sans honneur et perdus de débauche, vendus à tous les partis, capables de tout favoriser, de tout entreprendre pour assouvir leurs viles passions et leur fureur démagogique.

En terminant son dernier rapport Saint-Just avait dit :

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