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de cette dernière localité, où il avait planté ses tentes, Édouard III envoyait à la reine Philippa ce laconique billet :

<< Très douz cuer, comme nous eoms escrit à noz chanceller et tresorer q'ils ordeinent convenablement pur l'enterement du corps monseigneur Robert d'Artois, nous voloms, douz cuer, qe vous les chargez q'ils le facent solonc nostre volenté susdit. Douz cuer, Dieu soit gardein de vous. Donné souz nostre secré seal, à la ville de Grant Champ, le jour de Seinte Katerine'. »

La lettre à laquelle le roi d'Angleterre fait allusion avait été envoyée le 24 novembre au chancelier Robert Parvyng et au trésorier Guillaume de Cusance. Robert venait d'expirer, et le roi, respectant sans doute ses dernières volontés 2, envoyait le cercueil en Angleterre avec ordre de faire les obsèques à Londres et d'inhumer le corps dans l'église des Frères Prêcheurs :

« Edward, par la grace de Dieu roi d'Engleterre et de France et seigneur d'Irlande, à nostre cher et foial monseigneur Robert Parvyng, nostre chanceller, et nostre cher clerc William de Cusance, nostre tresorer, saluz. Por ce que monseigneur Robert d'Artoys, nostre cousin, est à Dieu commandez, et pur l'affection qe nous avons devers lui, si enveons son corps as parties d'Engleterre, si vous mandons et chargeons que vous le facez enterrer à les Freres Prescheurs de nostre cité de Londres, selonc qe vous verrez qe soit affaire pur nostre honur en celle partie. Donné souz nostre privé seal à Grant Champ, le xxi jour de novembre, l'an de nostre regne d'Engleterre seizisme, et de France tierz 3. »

Contrairement donc à ce que racontent Jean le Bel et Froissart, Robert d'Artois mourut en France pendant l'expédition de Bretagne, à la suite des blessures qu'il avait reçues, sans doute au siège de Vannes (20 novembre 4342). Il ne revint donc pas mourir en Angleterre. Les restes furent déposés non pas à Saint-Paul de Londres ni aux Augustins, mais dans l'église des Frères Prêcheurs. L'enterrement eut lieu dans les premiers jours de février 1343. Le 30 janvier 1343, du manoir de Kenington, le prince de Galles, duc de Cor

1. Public Record Office, Ancient Correspondence, vol. LVI, n° 79.

2. De son vivant, Robert avait désigné le clerc maître Jean de Thoresby comme son exécuteur testamentaire (Record Office, Patent rolls, 17, Édouard III, p. 1, m. 23; Rymer, t. II, p. 143). Westminster, 1er mai 1343. « De conveniendo cum creditoribus Roberti de Artois defuncti. »

3. Record Office, Privy Seals, file 287, n° 15169. Des extraits ont été publiés par A. de Laborderie, Histoire de Bretagne, t. III, p. 473.

REV. HISTOR. XCIV. 1er FASC.

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nouailles et comte de Chester, gardien d'Angleterre en l'absence de son père, avisait le chancelier d'Angleterre que Thomas Crosse, clerc de la garde-robe du roi, était chargé de faire « les pourveances necessaires pour l'enterement de messire Robert d'Artois »' :

« Edward, eisnez filz au noble roi d'Engleterre et de France, duc de Cornewaille, counte de Cestre et gardein Dengleterre, à nostre tres cher et bien amé monseigneur Robert Parvyng, chaunceller, nostre tres cher seignur et piere le Roi, salutz. Come nous eioms mandé par noz autres letres à nostre cher et bien amé sire Thomas Crosse, clerc de la grant garderobe nostre dit seignur et piere le Roi, qe des choses qe appendent à son office, il face purveance pur les enterrementz de dame Blaunche, nostre tres amee soer, et de monseigneur Robert d'Artoys, nostre tres chier cousin, et en manere come affiert à leur estat, et aussi q'il face purvoier et trover totes maneres des choses touchantes son office, qi busoignables serront pur les relevailles nostre tres redoutée dame et mere la Royne, vous mandoms qe par brief souz le grant seal, facez mander as tresorer et chamberleins de l'Escheqier nostre dit seignur et piere le Roi qe de son tresor esteant en lour garde ils facent liverer au dit sire Thomas pur la dite purveance faire et les parcelles qi faillent achater tant pur les ditz enterrementz come pur les relevailles dessus dites, tant de somme qe busoignera resonablement. Et ce ne lessez. Donné souz nostre privé seal, à nostre manoir de Kenyngton, le xxx° jour de janever, l'an du regne nostre tres cher seignur et piere le Roi Dengleterre dis et septisme et de France quart. »

Des obsèques proprement dites, nous savons fort peu de chose, sauf que 38 porteurs de torches accompagnèrent le convoi2. Édouard, en souvenir du défunt, avait distribué des pensions viagères aux personnes de son entourage, et notamment au valet Druet Godin, son fidèle serviteur3. Mais tout permet d'inférer que les funérailles ne furent pas somptueuses. L'argent faisait défaut et la royauté anglaise, dans la détresse, avait alors à peine de quoi payer les obsèques.

E. DÉPREZ.

1. Record Office, Regents warrants and other Privy Seals, file 1535. 2. Ibid., Issue Rolls, 17, Édouard III, Michaelmas, m. 23.

3. Ibid., Privy Seals, file 287, n° 15172.

BULLETIN HISTORIQUE

FRANCE.

MOYEN AGE.

OUVRAGES GÉNÉRAUX RELATIFS A L'HISTOIRE DES PROVINCES ET DE L'ÉGLISE. L'impression des Rôles gascons, décidée il y a plus de vingt ans, vient de s'achever. Ces Rôles, ou du moins les débris qui nous en restent, conservés jadis à la Tour de Londres et actuellement au Public Record Office, s'étendent de 1242 à 1460. Ils se composent de 1,847 peaux de parchemin, cousues bout à bout, dont certaines sont écrites des deux côtés et contiennent les actes de l'administration anglaise en Gascogne. L'historique de cette publication mérite d'être rappelé.

Dès 1673, un archiviste anglais, d'origine française, ayant fait savoir à la municipalité de Bordeaux qu'il existait à la Tour de Londres plusieurs documents utiles aux intérêts de la commune, une délibération de la jurade chargea Durriban, l'un des ses membres, de faire venir la copie de ces pièces. Il s'agissait sans doute d'extraits des Rôles gascons. En 1741, un Anglais, réfugié en France, Th. Carte, annonçait le projet de publier ces Roles, mais il n'en donna qu'un catalogue avec table. En 1764, Bréquigny se rendit à Londres et en rapporta les innombrables copies qui sont conservées aujourd'hui, comme on sait, à la Bibliothèque nationale. A sa suite, Delpit partit pour Londres, afin de compléter les séries de documents rapportés. Les projets de publication de la Record Commission et de Félix Solar n'aboutirent pas. Enfin le ministère de l'Instruction publique en décida la publication in extenso dans la Collection des Documents inédits, et en 1885, M. Francisque Michel donna le tome I, comprenant les années 1242 à 1254. Mais l'honneur de l'édition de la majeure partie des Rôles gascons et de son achèvement revient à M. Ch. BÉMONT. Dès 1896, celui-ci publiait un Supplément au tome I, dans lequel il relevait les trop nombreuses erreurs de son prédécesseur, éditait des pièces de 1254 à 1255, avec une table du tome I et une introduction sur la diplomatique et la valeur historique des documents relatifs à la double

expédition d'Henri III d'Angleterre (1242-1243 et 1253-1254) et à l'administration du prince Édouard. Le tome II, comprenant une partie des actes du règne d'Édouard Ier, embrasse les années 1273 à 1290. Ces actes fournissent encore beaucoup plus de détails sur l'administration de la Guyenne que les précédents. Le tome III' et dernier est le plus considérable de tous. Il renferme des documents des années 1290-1307 et une très importante Introduction.

Cette Introduction comprend, en effet, 182 pages. Dans le chapitre 1, on trouve successivement diverses remarques sur les registres euxmêmes, leurs caractères extrinsèques, leur paléographie, leur chronologie, des recherches sur l'itinéraire d'Édouard Ier, la diplomatique. La chronologie et la diplomatique auraient peut-être pu être réunies; les deux études paraissant pouvoir se compléter sur plus d'un point, et l'itinéraire d'Édouard Ier aurait été un excellent appendice à l'ensemble. Des raisons d'ordre pratique ont sans doute déterminé l'auteur à adopter le plan suivi, qui est du reste excellent et très clair. Dans l'étude paléographique, les restitutions et interprétations de mots douteux ou des graphies spéciales et défectueuses sont relevées et groupées avec le plus grand soin. Il est seulement dommage qu'un fac-similé de l'écriture des Rôles n'ait pas pu être donné. Enfin la diplomatique des actes transcrits, déjà tracée dans le Supplément au tome I, est complétée par une analyse très détaillée des nombreuses lettres de protection, d'attournement, de répit, etc., qui se multiplient à l'occasion de la guerre anglo-française (1293-1297). Le chapitre II, relatif à l'administration, ne renferme pas un tableau complet des institutions de la Guyenne, mais une liste chronologique avec la biographie des principaux fonctionnaires, représentants du pouvoir royal, sénéchaux de Guyenne et connétables de Bordeaux, et une autre liste des bailies et prévôtés, des bastides, des châteaux et châtellenies mentionnés dans les Rôles, groupes administratifs secondaires. Les notices individuelles relatives aux fonctionnaires apportent une notable contribution à l'histoire de la province. Le chapitre III est tout entier consacré à l'histoire de la guerre anglo-française de 1293-1297. Bien que l'auteur nous annonce qu'il ne nous donnera qu'un résumé aussi précis que possible, les détails les plus curieux et les plus intéressants pour l'organisation militaire de l'époque abondent.

On aurait pu concevoir cette Introduction sur un plan différent et y donner peut-être une plus large place à l'étude des institutions

1. Roles gascons transcrits et publiés par Ch. Bémont, t. III. Paris, Impr. nat., 1906, in-4°, cc-792 p. (Coll. des Documents inédits sur l'hist. de France.)

locales, civiles et ecclésiastiques, et à leur fonctionnement, mais l'essence d'un travail de cette nature est de préparer des matériaux, non d'achever l'édifice historique.

En ce qui concerne l'édition du texte même, on ne saurait trop louer la remarquable exactitude de transcription et l'interprétation, juste en général, d'un manuscrit hérissé de noms de personnes et de lieux. Cette multitude de noms devait nécessairement amener quelques erreurs de détail: ainsi, dans l'acte n° 1932, Clayrac en Agenais, non identifié, est évidemment Clairac, en Lot-et-Garonne, arrondissement de Tonneins, dont la célèbre abbaye fut plus tard donnée par le roi de France Henri IV au chapitre de Saint-Jean de Latran, à Rome, et « Monoz » doit être corrigé en « Monor », c'està-dire Monheurt (ibid., canton de Damazan). De même, au tome II, sous les n° 1364 et 1366, il s'agit non de Prouille (Aude), mais de Prouillan, sis prope Condomium » (Gers).

Ces légères imperfections, inhérentes à toute publication de caractère local qui n'est pas faite par des érudits de la région, n'ôtent rien à la haute valeur de ce volumineux ensemble de documents, mine infiniment précieuse, d'une variété et d'une richesse sans égales. L'histoire anglaise et française de la fin du XIIIe siècle en sera grandement éclairée. La biographie de plus d'un illustre personnage pourra être précisée sur bien des points, grâce aux Rôles, et cette masse énorme d'actes (5,108) jette une réelle lumière sur les coutumes et la jurisprudence, les prérogatives de la couronne, la puissance du clergé et de la noblesse, la situation du peuple au point de vue moral et politique, l'état de la propriété, les généalogies des diverses familles et leurs alliances, et nous ne parlons pas de la correspondance diplomatique ni des traités entre les souverains de France, d'Angleterre et d'Allemagne. On ne saurait donc trop louer M. Ch. Bémont d'avoir mené à bien aussi heureusement la tâche difficile de cette publication longtemps attendue et appelée à rendre, non seulement à l'histoire de la Guyenne, mais à l'histoire des rapports anglo-français, les plus grands services.

L'histoire provinciale sollicite depuis quelques années l'attention des érudits. La Lorraine, la Bretagne, la Bourgogne, le Poitou ont ainsi eu successivement leurs historiens, qui ont traité, avec les secours de la science moderne, ces questions d'histoire locale pour lesquelles nous étions encore contraints de recourir aux travaux vieillis des Bénédictins ou des historiens du XVIIIe siècle. Depuis plus d'un siècle, en effet, les études sur des points particuliers et les articles se sont succédé, infiniment nombreux, mais les ouvrages d'ensemble font défaut, et les quelques essais que nous signalions à

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