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sens défavorable au Saint-Siège. Il déclara que les décrets de réforme seraient, dès ce moment, observés dans le royaume avec les modifications votées par l'assemblée, sans que cela pût être considéré comme une alteinte à l'autorité du concile; puis comme les gens d'Église lui avaient aussi rappelé les franchises du clergé, il ajouta que son intention était que les ecclésiastiques pussent jouir en France des mêmes privilèges qu'au temps de saint Louis et de Philippe le Bel. L'ordonnance ou plutôt la Pragmatique Sanction expédiée à Bourges le 7 juillet 1438 contenait un préambule, dans le style familier aux orateurs gallicans, qui accentuait encore le caractère agressif à l'égard du Saint-Siège; il n'y était question que de cupidités déchaînées, depuis qu'avait été mise en oubli l'antique discipline, de bénéfices tombés aux mains d'étrangers et de mercenaires, du culte supprimé, de piété attiédie, d'édifices ruinés, d'écoles délaissées, d'or transporté hors du royaume, tous abus auxquels les décrets de Bâle semblaient devoir apporter un remède nécessaire.

L'expérience de l'application amena bien des déboires. Elle obligea notamment à constater que les procès entre clercs se multipliaient et que l'ordonnance de 1438, de la manière du moins dont on l'interprétait, ne faisait guère qu'ajouter une complication de plus aux relations, déjà si embrouillées, des bénéficiers, des collateurs, du gouvernement et du Saint-Siège. Aussi jusqu'à la fin du règne de Charles VII, bien que la Pragmatique fût maintenue, quoique violée et attaquée, les négociations, si patiemment reprises par Eugène IV et Nicolas V, ne cessèrent presque complètement que sous Calixte III et Pie II, sans que les papes aient renoncé pour cela à protester énergiquement contre un système qu'ils jugeaient préjudiciable à leurs intérêts et attentatoire à leur « magistrature suprême ».

Si toutes les négociations échouèrent du vivant de Charles VII, ce ne fut pas que ce prince fût le moins du monde intransigeant, comme on l'a dit, mais plutôt parce qu'habitué à en prendre à son aise avec les règles de la Pragmatique, il n'éprouvait pas un besoin urgent de la révoquer. Il y voyait un moyen commode d'empêcher l'ingérence de la cour de Rome, quand celle-ci le gênait, et une manière d'alléger les charges d'un royaume appauvri. Il se faisait une large part dans les dépouilles du clergé et mettait sa conscience en paix en s'abritant derrière l'autorité du concile de Bâle.

Cet exposé, présenté de la façon la plus agréable et la plus brillante par l'historien du Grand Schisme, rend cette publication de beaucoup la plus intéressante de celles qui ont paru jusqu'ici dans les Archives de l'histoire religieuse de la France ».

Ph. LAUER.

ÉPOQUE MODERNE.

(Suite et fin1.)

II. HISTOIRE Religieuse. L'Histoire de la tolérance religieuse : évolution d'un principe social, par M. Amédée MATAGRIN2, est remplie de bonnes intentions. Mais les meilleures ne sauraient suppléer aux lacunes d'une exégèse qui est empruntée presque tout entière à Voltaire et à Condorcet et d'une sociologie religieuse qui dépasse à peine le niveau de la philosophie du XVIIIe siècle. Sur l'Islam, l'auteur paraît s'être documenté moins encore dans l'Essai sur les mœurs que dans Mahomet. Ce n'est guère que pour les faits postérieurs au XVIe siècle que son érudition devient un peu plus solide3. Ce livre n'ajoute donc rien d'essentiel à notre connaissance historique du sujet. Quant à la définition de l'intolérance, où M. Matagrin voit une forme de l'individualisme », elle sera difficilement acceptée par la science des religions. La religion, en tant que fait social, n'est-elle pas au contraire, suivant la formule de M. Durkheim, une contrainte exercée par la collectivité sur l'individu? C'est par là même qu'elle est intolérante; et contre cette contrainte sociale se dresse la protestation de l'individu, d'abord celle de l'hérétique, de celui qui a << une opinion particulière », ensuite celle du sceptique, de celui qui proclame la nécessaire relativité de toutes les opinions.

Mettre à la disposition des laïques une sorte de bref manuel de droit canon; les. faire pénétrer dans le détail de l'organisation de l'Église, et des Églises; - leur montrer comment cette organisation, rigide en apparence, peut s'adapter aux situations les plus variées, tel est le service que rend M. André MATER par son livre l'Église catholique, sa constitution, son administration1. Droit commun et droit coutumier de l'Église, doctrine de la societas perfecta, rôle des laïques dans l'Église, droit d'association dans l'Église, organisation paroissiale toutes ces questions, qui présentent actuellement pour

1. Voir Rev. hist., t. XCIII, p. 339.

2. Fischbacher, 1905, in-8°, 447 p.

3. Et encore! p. 169, les placards de 1534 attribués à Farel; ils sont d'Antoine Marcourt. P. 174 « Henri II, plus cynique que son père, ne dédaignait pas d'assister lui-même aux supplices... » François Ier avait fort bien assisté à ceux de janvier 1535. Rien sur la fameuse consultation des évêques en 1698. Pour la période moderne, c'est surtout Jules Simon qui partage avec les encyclopédistes le rôle d'apologiste de la tolérance.

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4. A. Colin, 1906, in-18, iv-461 p. Index.

la France un intérêt pratique, sont ici étudiées, sans le moindre parti pris, sur le terrain de l'histoire et de la géographie politique. La diversité même des solutions que la curie a trouvées ou acceptées pour un problème identique (depuis le parochialisme » quasi absolu des cantons suisses protestants ou de la Prusse jusqu'au « cléricalisme» irlandais, en passant par les diverses formes du trusteism américain) ne permet pas de douter que l'Église de France ne réussisse enfin à découvrir, elle aussi, l'organisation qui lui convient.

Il est peu d'institutions de l'ancien régime qui soient aussi intéressantes que les assemblées du clergé de France, seules assemblées qui survivent au triomphe de l'absolutisme centralisateur, à la disparition des États généraux. Nées de la nécessité de répartir les décimes, elles deviennent permanentes avec les décimes elles-mêmes. Le contrat de Poissy lie étroitement leur existence à celle des rentes sur l'Hôtel-de-Ville; les nouvelles constitutions de rentes, les aliénations leur donnent une périodicité qui forme, dans le désordre administratif de l'ancienne France, une exception éclatante. Mais, d'organes financiers qu'elles sont en principe, ces assemblées de clercs deviennent, par la force des choses, des assemblées spirituelles ce double caractère se marque dès Poissy. Elles sont une des pièces essentielles de la constitution de l'église gallicane.

M. Louis SERBAT' ne s'est point contenté de les étudier dans le recueil de Duranthon, lequel ne reproduit que très infidèlement la physionomie des assemblées; il a dépouillé les procès-verbaux euxmêmes, les cartons des archives du clergé, les nombreux traités composés par ordre de Colbert, les registres de la nonciature. Il a pu ainsi reconstituer, pour toute la durée du xvI° siècle, le mécanisme des assemblées, le rôle des syndics généraux, puis des agents généraux, des bureaux diocésains, etc. C'est un travail complet, que l'on pourra consulter avec confiance, et qu'enrichissent de nombreuses pieces justificatives (1573-1610), extraites presque toutes (30 sur 32) des archives de la nonciature, et très importantes pour l'histoire de la Ligue et de la contre-Réformation2.

Le volume IV des lettres de saint François de Sales3 comprend

1. Les Assemblées du clergé de France: origines, organisation, développement, 1561-1615. H. Champion, 1906 (fasc. 154 de la Bibl. de l'Éc. des hautes études), in-8°, 410 p.

2. Je signalerai, comme présentant un intérêt biographique, les n° XI (plaintes et accusations contre René Benoît) et XXXI (plaintes sur Palma Cayet).

3. Euvres de saint François de Sales... T. XIV: Lettres, vol. IV. Lyon et

208 lettres', dont plusieurs inédites, qui vont d'avril 1608 à la fin de 1610. Elles sont donc contemporaines de la publication de l'Introduction à la vie dévote2 et de la fondation de la Visitation; elles montrent le saint en pleine possession de ses moyens, à l'heure où il savait le mieux, comme le dit M. J.-J. NAVATEL dans sa sobre préface, montrer agréablement comment on pouvait allier ensemble ces deux choses tenues jusqu'alors comme antipathiques: la vie de société et la pratique de la dévotion ». Il y est question des tentatives faites par Henri IV pour attirer François à Paris, du rétablissement de la messe dans le pays de Gex et de son audacieuse traversée de Genève. Le saint y donne aux controversistes, sur la façon dont on doit conférer avec les Genevois, des conseils où la prudente suavité de l'évêque se nuance d'un aristocratique dédain à l'égard de ces plébéiens3. Félicitons les éditeurs de l'exacte fidélité avec laquelle ils s'acquittent de leur tâche.

Le nouveau volume de M. FÉRET passe en revue, suivant la méthode chère à l'auteur, les docteurs de la Faculté de théologie de Paris au XVIIe siècle. Richer, le grand cardinal, Retz, de Rancé, sans parler de Jean Boucher, de Cospéan, de Le Camus, de Godefroi Hermant, d'Antoine Arnauld, de Jacques de Sainte-Beuve, d'Isaac Habert, c'en est assez pour que l'on entende encore l'écho des fureurs ligueuses et pour que crépite le feu des batailles gallicanes, jansénistes, quiétistes. Inutile de dire qu'il ne faut pas demander à M. F. Féret de garder en présence des hommes et des choses l'impassibilité de l'historien selon la formule lucianesque, mais il faut lui

Paris, Emmanuel Vitte, 1906, in-8°, víш-477 p. Glossaire, index, tables de concordance. Un fac-similé.

1. Plus, en appendice, quelques lettres de ses correspondants. 2. Voy. notamment, p. 124, la lettre à Pierre de Villars.

3. Curieuse minute inédite (p. 188) du 17 août 1609 ne pas entrer trop avant dans la controverse sur les versions, car le peuple pourrait bien demeurer plus engagé en leur parti [des ministres]. Et quand je dis le peuple, je veux dire les seigneurs des deux Conseils, qui ne sont que marchands et certains gens de peu ».

:

4. La Faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres. Époque moderne. T. IV : XVIII® siècle. Partie littéraire. Alphonse Picard, 1906, in-8°. 5. P. 1 Nous avons en Edm. Richer une célébrité de mauvais aloi. » Les jansénistes passent aussi quelques mauvais quarts d'heure. Quant à Élie Benoît (p. 70), n'a-t-il pas manifesté « une certaine humeur de sectaire »? En effet, il se plaignit que François Véron, curé de Charenton, vînt assister aux sermons des ministres, « et aussitôt qu'il les avoit entendus, il montoit sur une espèce de théâtre, élevé sur quelques tréteaux à la porte de son église, où il tachoit de les réfuter ». Il était, comme chacun sait, loisible aux ministres d'en faire autant.

savoir gré de l'étendue, de la richesse de son érudition, de l'astucieuse patience avec laquelle il a pourchassé les moindres brochures et découvert chez les bibliographes au moins les titres de celles qu'il n'a pu manier lui-même. Le xvIIe siècle exigera encore un volume : nous avons en celui-ci ubiquistes et sorbonnistes.

Passons à l'une des victimes de M. Féret, Godefroi Hermant.

M. GAZIER publie les t. II (1653-4655) et III (4656-4657) des Mémoires du chanoine de Beauvais1. Ce serait évidemment dépasser la mesure que de prétendre que la lecture de ces deux volumes est attrayante. Nous n'avons plus la patience de nous intéresser à ces arguties, nous ne nous passionnons plus pour les véritables « potins >> théologiques que recueille partout l'écrivain janséniste. Son indignation continue nous fatigue. Ce qui sort des mains des Jésuites mérite trop uniformément chez lui les épithètes d'« atroce » ou d'« abominable ». L'Almanach des Pères est un « horrible sacrilège », tandis que la réponse de de Sacy, les Enluminures, est « une ingénieuse et innocente raillerie ». Quant à la riposte, l'Estrille du Pégase janséniste, c'est un tissu des « plus infâmes et noires calomnies ». Toujours est-il qu'Hermant nous renseigne sur l'histoire provinciale du jansénisme, et en particulier sur les efforts dirigés par les Jésuites contre l'indépendance des Universités 2. Il nous montre, et cette révélation ne manque point de piquant, - comment des évêques français, et qui n'étaient point tout à fait d'accord avec le pape, finirent par être obligés, même avant l'établissement de l'infaillibilité, de publier les constitutions romaines. Il nous indique aussi, bien involontairement, sur quelle pente scabreuse marchaient les jansénistes, la pente qui mène à Charenton3, - et que de là vint leur faiblesse. Il nous donne quelques détails sur la publication des Provinciales et sur le miracle, ou plutôt les miracles, de la Sainte

-

1. Mémoires de Godefroi Hermant, t. II, Plon, 1905, in-8°, 744 p.; t. III, 1906, 618 p. Au début du t. II, les chap. I-XIV (et plus loin xx1) du livre VIII sont sautés comme citations textuelles du Journal de Saint-Amour.

2. Particulièrement celle de Caen.

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Livre XII,

3. P. 90, entretien de Taignier avec Conrart et deux ministres. chap. v, curieux passage sur l'attitude de Mazarin à l'égard des huguenots. P. 92 du t. III, procès-verbal d'une émeute huguenote à Montauban, 1656. Si ce procès-verbal est véridique, les protestants se seraient opposés par la violence à l'accomplissement des dernières volontés d'un catholique.

4. Il est étrange et regrettable qu'il ne soit question des lettres qu'à partir de la cinquième. M. Gazier nous apprend qu'ensuite Hermant a pris le soin, craignant peut-être une destruction totale », de les reproduire en style indirect dans son manuscrit.

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