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jours tirer la couverture à soi, l'imprudence des « idéalistes généreux », des passionnés de justice qui répètent la belle et décevante formule Pereat mondus! M. Rod appartient à cette phalange d'esprits distingués et moroses qui voudraient bien le triomphe de la vérité et de la justice, mais à condition qu'il n'en coutât rien à la tranquillité publique, au respect des traditions. C'est vouloir que l'histoire ne soit plus l'histoire. Il est très vrai que les combattants ne << se réclament dans la bataille... de ces grandes abstractions, liberté, vérité, justice », que « pour les mieux fouler aux pieds dans la victoire ». Mais, s'il était également vrai que ces luttes, << engagées parfois, à l'origine, pour les motifs les plus honorables, ... n'aboutissent qu'à réduire la part, déjà si modeste dans les choses humaines », de ces grandes abstractions, on se demande ce qu'il en resterait à l'heure présente. En dépit des apparences, les révolutionnaires genevois, en s'emparant comme d'un drapeau du « citoyen de Genève », travaillaient au progrès de l'humanité'.

IV. HISTOIRE des sciences ET DE L'ART. M. Gabriel MARESCHAL DE BIÈVRE consacre à son ancêtre, Georges Mareschal, premier chirurgien du grand roi, un volume où il y a beaucoup d'inutilités et de choses déjà connues, soit sur l'histoire même de la communauté de SaintCôme, soit sur les événements politiques auxquels la chirurgie (et particulièrement la phlébotomie) se trouve associée 2. Mais le rôle joué par Mareschal dans des circonstances décisives, la confiance qu'avait en lui le roi font de sa biographie une lecture intéressante3.

D'un intérêt bien plus général est le livre de M. Paul DELAUNAY Sur le Monde médical parisien au XVIIIe siècle. Si le plan n'est pas tou

rément, peu de chances qu'il se produisit souvent des livres aussi extraordinaires qu'Emile et le Contrat », et le cas Rousseau « ne se serait pas reproduit deux fois en un siècle ». Mais c'est en luttant contre ces illégalités éclatantes qu'on arrive à réduire, dans la vie de tous les jours, la part de l'illégalité. Nous ne serons pas tous victimes d'une monstrueuse erreur judiciaire; mais (sans parler de l'égoïsme qu'il y aurait à ne pas se préoccuper d'un mal qui ne nous menace pas directement) nous avons tous intérêt à la réforme du code de procédure et d'instruction criminelle. L'agitation qui se fait autour d'une victime illustre sauve des milliers de pauvres diables.

1. P. 294: « La légendaire retraite des patriciens (sic!)... » Les textes cités par M. Rod sont écrasants pour Voltaire, qui en toute cette affaire se montre haineux, jaloux et perfide, bas et hypocrite (voy. notamment, p. 136, lettre à François Tronchin du 21 janvier 1765).

2. Georges Mareschal, seigneur de Bièvre, chirurgien et confident de Louis XIV (1658-1735). Plon, 1906, in-8°, ш-600 р. Index, 2 héliogr. et 15 grav. 3. Une confusion p. 8 : le tuteur n'est pas nécessairement « pris parmi les échevins, mais choisi par les échevins.

4. Jules Rousset, 1906, in-8°, VIII-479-xcп p. Bibliographie, index, gravures. Le titre porte: «Deuxième édition, revue et augmentée. »

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jours d'une netteté très rigoureuse, si le style est recherché et inutilement littéraire », si la succession des tableaux vous laisse l'impression fatigante d'un kaleidoscope, l'érudition très riche, très informée et très sûre de M. Delaunay font de son livre un recueil inestimable. L'enseignement, les habitudes professionnelles, les théories médicales, les hommes, médecins, chirurgiens et charlatans, sans oublier clients et clientes, la presse médicale, toutes les faces du sujet sont tour à tour éclairées d'une vive lumière. Ce qui ressort de cette étude, c'est que tous les progrès scientifiques se sont alors produits en dehors de la « très salubre » Faculté de Paris. Les novateurs, ce sont des docteurs de Montpellier ou quelquefois d'une minuscule université provinciale (Reims, Pont-à-Mousson ou Perpignan), des professeurs du Jardin du Roi ou du Collège de France, de simples chirurgiens, des étrangers. Ce n'est pas à la Faculté, c'est à l'Académie des sciences, à la Société de médecine, à l'Académie de chirurgie que s'élaborent les idées fécondes. Aussi, tout en partageant, à l'égard du « progrès médical, le doux scepticisme de l'auteur', faut-il conclure avec lui que, sur ce terrain comme sur les autres, une révolution était nécessaire 2.

Est-ce dans l'histoire de la médecine qu'il faut classer le livre que M. Henry TRONCHIN consacre à son aïeul, Tronchin-Esculape3 ? Évidemment, puisque l'élève du grand Boerhaave a joui d'une réputation européenne, que sur l'hygiène du mouvement et de l'alimentation il a émis des vues neuves et dont plusieurs ont fait fortune', puisqu'il a soulevé contre lui les jalousies et les colères de la saluberrime Faculté. Mais Tronchin n'a rien écrit; du moins le peu qu'il a écrit n'a pas, il s'en faut, contribué à sa gloire. Même dans la pratique de son art, il n'est pas à louer de tout point, et il y avait bien

1. Voy. p. 233, n. 1, sur la saignée : « Pour paraitre très moderne, on parlera d'auto-intoxication et du tissu cellulaire émonctoire, tout en agissant comme feu le docteur Renard, l'Esculape du Marais. »

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2. Voici les principales divisions du livre études et profession médicales, fonctionnaires et médecins de cour, médecins et chirurgiens, cypridologistes, inoculation, remèdes secrets, médecins bibliophiles et naturalistes, obstétrique, journalisme médical.

3. Un Médecin du XVIIIe siècle Théodore Tronchin (1709-1781), d'après des documents inédits. Paris, Plon, et Genève, Kündig, 1906, in-8°, ш-417 p. Un portrait en héliogravure et de nombreuses pièces justificatives.

4. Voy. surtout ch. 11, le Médecin, l'homme, III, l'Inoculation, et iv, les Maladresses de Tronchin. Comme tout est mode, les idées de Tronchin sur l'hygiène des femmes enceintes (p. 63) ne sont plus, aux dernières nouvelles, la vérité thérapeutique, tandis que sa lettre sur le régime alimentaire du prince de Prusse (p. 57) pourrait être signée par les plus célèbres spécialistes de nos jours.

une pointe de vérité dans les accusations de charlatanisme dont on l'accabla. Mais l'intérêt du livre est ailleurs. Il est dans ces bizarres relations de Voltaire avec son médecin, dans la merveilleuse agilité avec laquelle l'éternel malade exécute les plus étonnantes cabrioles d'esprit, dans le mépris tout calviniste que le médecin, son devoir accompli, témoigne à ce vieux comédien, « pour qui la mort est le roi des épouvantements ». Il est dans ses relations orageuses avec Jean-Jacques, et c'est ainsi que M. Henry Tronchin' se trouve amené à effleurer le sujet dont M. Rod a tiré son livre. C'est surtout avec les archives de sa famille que l'auteur a établi un volume, dont le plan est un peu flottant, mais qui est riche en renseignements, et où l'on a le plaisir de trouver du Voltaire et du Diderot inédit, et du Rousseau tantôt complètement inédit, tantôt corrigé.

Robert de Cotte, élève de Jules-Hardouin Mansart, puis son successeur comme premier architecte du roi, n'a pas seulement beaucoup construit. Il a laissé un très grand nombre de papiers, plans, dessins, qui ont malheureusement été dispersés entre trois départements de la Bibliothèque nationale. M. Pierre MARCEL en a dressé un inventaire complet, de 886 numéros, abondant en détails, non seulement sur l'histoire de l'architecture, mais sur bien des sujets d'histoire de l'art ou d'histoire économique 3. M. Pierre Marcel explique dans sa préface que de Cotte fut un des apôtres de cette nouvelle distribution des appartements, plus commode et plus plaisante, qui caractérise le XVIIIe siècle.

V. HISTOIRE ÉCONOMIQUE. Nous ne signalons sous cette rubrique que deux travaux généraux, car c'est de plus en plus dans les œuvres d'histoire locale que s'élabore l'histoire économique.

Écrire, à l'heure actuelle, une Histoire du travail et des travailleurs paraîtrait à tous les spécialistes une entreprise prématurée, - même en restreignant cette entreprise à la France et aux temps postérieurs au XIIIe siècle. Il est, malgré tout, heureux que des non spécialistes, moins timides, fournissent de temps en temps au

1. Tronchin, dit l'auteur (p. 75), n'avait d'ailleurs rien de sectaire. » Cette affirmation suit un passage où ce médecin conseille à son fils de se conduire à l'égard des philosophes comme on se conduit à l'égard de la peste Argumente-t-on contre la peste? Non, sans doute, on la fuit. » Et que faites-vous du pestiféré? P. 83 Des Lutèces », lisez « Des Lucrèces. » P. 324, barbare emploi d'un infinitif : « On courre le cerf. »

2. Documents relatifs à l'histoire de l'architecture française. Inventaire des papiers manuscrits du cabinet de Robert de Cotte... (1656-1735) et de JulesRobert de Cotte (1683-1767)... H. Champion, 1906, in-8°, xxx-268 p. Index.

3. Canaux Saint-Maur, du Centre. Travaux de soieries, égouts. Manufacture des glaces, des Gobelins. Mémoire constatant l'état alarmant du commerce (838). Incendies. Eaux minérales, etc.

grand public un résumé rapide et facilement lisible des travaux de détail accumulés sur ces questions.

On n'étonnera personne en disant que le résumé de M. Pierre BRISSON' est très éloigné de la perfection. Les travailleurs de la terre n'y occupent qu'une place restreinte. Les divisions chronologiques y sont insuffisamment précises 2. Et, si près d'une moitié du volume est consacrée au XIXe siècle, l'analyse des nouveaux phénomènes économiques reste très vague. Les passages relatifs à l'histoire de la technique se bornent trop souvent à une simple énumération de machines ou de procédés d'inventions dont nous n'apercevons pas les répercussions sociales 3. M. Brisson s'est imprudemment aventuré, à la suite de d'Avenel, sur le terrain monétaire, et ses excursions n'y ont pas toujours été heureuses. Malgré tout, son petit livre peu! servir à attirer l'attention sur ces matières trop négligées 5.

Les érudites et piquantes notices que M. Alfred FRANKLIN a semeés dans ses volumes sur la Vie privée d'autrefois devaient tout naturellement s'ordonner un jour ou l'autre en un lexique. Le Dictionnaire

1. Delagrave, [1906], in-12, 538 p., fig.

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2. P. 35 la Misère des apprentis, qui est du xvm siècle, et la Farce du cousturier ont l'air de se placer sur le même plan chronologique. Le ch. v, sur la révolution économique du xvre siècle, après des chapitres où il a été parlé du xvIII. Même imprécision dans le choix des gravures. Si l'idée d'éclairer par des documents graphiques l'histoire du travail, si le choix des deux recueils consultés (Jost Amman et l'Encyclopédie) est très louable, il est beaucoup trop restreint. M. Brisson, qui nous parle (p. 9) des vitraux de Chartres, aurait pu leur faire des emprunts. Des planches du xvIe siècle ne nous apprennent rien sur les corporations du XIII. Et que dire de ces teinturiers de l'Encyclopédie (p. 16), à côté d'un texte d'Estienne Boileau!

3. Sur la géographie industrielle en 1789, il aurait fallu souligner le caractère de dispersion relative de l'industrie et les faits qui amènent un commencement de concentration ports, combustible végétal, mines, routes royales. 4. P. 233, M. Brisson me fait dire que les typographes lyonnais gagnaient cinq francs de nos jours, sans tenir compte du pouvoir d'achat de l'argent, soit « vingt francs actuels ». Si M. Brisson veut bien se reporter à la p. 185 de mes Ouvriers, il verra que j'ai tenu compte du pouvoir de l'argent (il s'agit de l'équivalent en blé du salaire nominal). Je ne plaide pas les circonstances atténuantes pour une conjecture aventureuse (et je crois d'ailleurs même ce chiffre de cinq francs exagéré), mais je n'ai jamais parlé de vingt francs.

5. P. 30 « Un quatrième degré occupé par les jurés. » Il s'agit d'un échelon que tous les maîtres purent gravir. - P. 49, compagnonnage: insuffisant sur le rôle économique de l'institution. P. 208, contre-sens sur le mot « fief ».

P. 260, les Anglais n'ont pas attendu la fin du XVIe siècle pour apprécier le claret. P. 261, à signaler l'invasion des emblavures par la vigne dès le début du xvre siècle; c'est une plainte générale alors.

6. Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le XIII° siècle. Paris et Leipzig, Welter, 1906, in-8°, xxvi-856 p.

rédigé avec amour par l'aimable et savant conservateur honoraire de la Mazarine nous permet, comme le dit dans la préface M. Levasseur, de faire un voyage à travers les âges dans la vie intime du peuple parisien »'. Mais il faut avoir le courage d'ajouter que ce n'est pas encore le répertoire alphabétique (peut-être, au reste, impossible à établir à l'heure actuelle) où l'historien économiste pourra se documenter en toute sûreté.

La première observation à laquelle m'oblige le souci de la vérité, c'est que, si l'érudition de M. Franklin est étendue, elle est quelque peu défraîchie2. En second lieu, le Dictionnaire des métiers de Paris n'est pas assez exclusivement parisien, et plusieurs articles ne sont pas ici à leur place 3. Sur l'histoire même de l'organisation du travail, M. Franklin me semble dominé par un préjugé favorable à l'institution corporative. Il ne tient pas compte des métiers libres,

1. Les articles extraits intégralement de la Vie privée sont précédés d'un astérisque.

2. M. Franklin ne connaît d'autre édition du Livre des métiers que celle de Depping, d'autres travaux sur les monnaies que ceux de de Wailly. De toute la littérature historico-économique de ces dix dernières années, il ignore tout, et, dût-on me reprocher d'être « orfèvre », je ne puis taire que cette omission est regrettable.

3. Que fait ici un article, nécessairement incomplet, sur les Mineurs? Des détails donnés à Animaux féroces (où voisinent, en un désordre étrange, Henri III, Henri IV, Charlemagne, Louis IX et Louis XIII) quelques-uns n'intéressent que Dieppe (cf. Baleines). A Sabotiers, une anecdote lyonnaise de l'époque révolutionnaire, donc doublement étrangère à l'objet du dictionnaire. Rubriques relatives à des professions » ou « fonctions », non à des <métiers Asseyeurs de tailles, Champart, Quartiniers.

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4. Chambrelans les seuls textes cités sont de 1583, 1673, 1743; or, l'on pouvait trouver des détails très abondants dès le xv siècle. Confréries: définition beaucoup trop étroite. On postule trop aisément l'identité confrérie métier; il aurait fallu remonter jusqu'au XIV et non au XVIe siècle. Rien de bien net sur le « droit de boutique »; par suite, rien sur l'évolution qui, dans beaucoup de métiers libres, rapproche de plus en plus la confrérie de la jurande. Rien non plus sur le rôle de plus en plus effacé des compagnons, sur la fondation de confréries de compagnons, leurs luttes avec les confréries des maîtres. A Ouvriers : « L'élection [des jurés] se faisait au suffrage universel, maîtres et ouvriers réunis. » Cela peut avoir été vrai à une certaine date; mais énoncer cette formule sans parler des modifications postérieures qui ont fait de la communauté de métier une oligarchie patronale, c'est fausser l'histoire. Grèves article beaucoup trop court et qui ne remonte pas au delà du XVII siècle; ce qui pourrait laisser croire que l'ancienne organisation corporative ignorait les conflits. Compagnonnage : M. Franklin y voit une première atteinte portée au principe de confraternité sur lequel reposaient les corporations. » Il s'occupe seulement du stage imposé à l'ouvrier entre l'apprentissage et la maîtrise. Quant à l'institution même du compagnonnage, il ne donne sur elle, à Enfants de maître Jacques et à Devoirs, que des détails sans intérêt.

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