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le rôle de ce capitaine, qui semble bien avoir semé la discorde dans son propre parti.

Ce n'est jamais sans tristesse qu'on lit un livre intéressant, qui a coûté à son auteur de patients travaux, où l'on trouve de fort bonnes choses, et auquel il n'a manqué, pour être un bon livre, qu'une méthode plus saine, des connaissances bibliographiques plus étendues et plus précises, plus de rigueur scientifique. M. DE BRIMONT, avant d'écrire ses deux volumes sur le XVIe siècle et les guerres de la Réforme en Berry', s'est installé dans les archives locales et à la Bibliothèque nationale, il a dépouillé un très grand nombre de plaquettes. Mais son ignorance presque totale de la littérature du sujet l'amène à commettre des erreurs 2, à rééditer des textes déjà connus3. Au lieu de faire la critique des principales sources qu'il emploie1, il a préféré les fondre en un récit continu, sans tenir compte de leurs discordances.

Son livre contient deux parties bien distinctes : une description de ce qu'était le Berry à l'époque vers laquelle la Réforme s'y propagea; une narration des guerres religieuses. On trouvera dans la première beaucoup de détails précieux, mais les faits essentiels ne sont pas toujours aperçus 6; les détails épars, notamment en matière économique, ne sont pas réunis en une synthèse, les dates ne sont pas suffisamment distinguées. Sur les guerres elles-mêmes, c'est un

1. Alph. Picard, 1905, in-8°, v-470 et 474 p. Une héliogravure (le siège de Bourges en 1562, sans autre indication d'origine que le nom d'André Thevet). 2. Il paraît ignorer jusqu'à l'existence du Bulletin du protestantisme français, qui lui aurait cependant fourni tant de détails. Il donne, t. II, p. 19, cette référence: Archivalische Beitragen (sic), sans nom d'auteur; il s'agit d'Ebeling. Sur la rivalité de de Beaune et d'Épinac, il ignore le livre de M. Richard.

3. P. 58 et 151, sur Colin, le prieur de Saint-Ambroix, il ne connaît pas le livre et les appendices de M. Bourrilly.

4. Pas de bibliographie au début. A peine, de temps en temps, quelques notes critiques, singulièrement imprécises, au bas des pages. Les références sont incomplètes.

5. P. 108, il note qu'en Berry, comme ailleurs, la propagande réformée se fera, surtout au début, dans les métiers de la laine.

6. C'est dans une note de la p. 43 que se dissimule, comme dénué d'importance, le fait capital de la diffusion de la librairie et de l'introduction de l'imprimerie. Presque rien sur Marguerite (p. 46-47), trop peu de choses sur l'Université.

7. Il énumère avec soin les familles de la province, mais il faut glaner de ci de là pour se faire d'après lui une idée de la situation de la noblesse.

8. Par exemple, sur les métiers. P. 107, un texte très intéressant sur la « conduite des compagnons est inutilisable, parce qu'il est donné sans date ni référence. Si c'est un texte déja donné par Boyer, Compagnonnage à Bourges, p. 18, il est de 1583, et, par conséquent, n'a rien à voir dans un état du Berry au début du xvi° siècle.

récit assez complet, où il y a même trop de choses qui ne concernent pas cette province, si importante pour l'histoire de la Réforme. On y trouve de nouveaux éléments pour l'étude de cet irritant problème, dont on n'aperçoit pas la solution: comment se fait-il que les mêmes classes où la Réforme trouva ses premiers et, d'abord, ses plus nombreux adhérents soient aussi celles où se recruta la Ligue? On ne peut reprocher à M. de Brimont d'avoir laissé cette question sans réponse, mais on doit regretter qu'ayant ouvert son livre par une étude sur le Berry avant la Réforme, il ait passé si vite sur le Berry après les guerres de religion, et plus vite encore sur l'application de l'Édit dans cette province où il y avait encore tant de réformés1.

On cherche donc vainement une conclusion à cet estimable livre qui, entre autres mérites, a celui d'une suffisante impartialité2.

M. F. BELIN poursuit sa savante Histoire de l'ancienne Université de Provence. Son nouveau volume, appuyé comme le précédent sur une documentation de premier ordre1, va de 1679 à 1730, c'est-àdire qu'il expose comment, d'abord dans l'ordre du droit, puis dans celui de la médecine, le pouvoir royal (en l'espèce le chancelier) absorbe complètement l'ancienne autonomie universitaire et réduit l'Université à n'être plus qu'une fabrique de praticiens. Son livre est surtout l'histoire de la résistance opposée par les docteurs à la centralisation unitaire, et ces luttes y tiennent plus de place que l'enseignement lui-même.

Depuis que s'est arrêtée, dès son début, la publication officielle des mémoires des intendants de 1698, plusieurs de ces mémoires ont heureusement été édités par des érudits provinciaux. Il faut avouer que celui de Le Vayer sur la généralité de Moulins

1. P. 46, Michel d'Arande, expulsé de la cathédrale en 1523; en réalité, comme il est dit p. 132, c'est en 1524; l'année précédente, il avait eu, au contraire, un grand succès. - P. 134, Marguerite d'Angoulême, la pis que morte, est ainsi décrite : « Débordante de vie, correspondant si bien par ses goûts aux habitudes sensuelles de son siècle... » Qu'en pense M. Abel Lefranc? et M. de Brimont n'a-t-il pas confondu la Marguerite des princesses et la grosse Margot? P. 313, je ne vois pas qu'on puisse raconter bout à bout, comme du même ordre, les gestes de Madame la cardinale de Châtillon » et ceux de la très catholique Me de Tavanes. T. II, p. 11, pourquoi la mort de du Jon (entre 1563 et 1565, probablement 1564) est-elle racontée avec les événements de 1570? T. II, p. 18, sur quelles preuves s'appuie l'auteur pour affirmer que, dès avant les noces navarraises, Catherine avait décidé l'assassinat de Coligny ?

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2. L'auteur est quelque peu crédule. Il raconte, en faisant valoir le nombre des témoins, le miracle du sang de Jeanne de France.

3. Alph. Picard, 1905, in-8°, XIX-338 p. Index.

4. Les Pièces justificatives, à elles seules, remplissent les p. 199-317.

5. P. 54, n. 1, « l'air de Jean Levert », corriger en « Jean de Vert ».

n'est pas des plus intéressants'. Ni sur les diversités géographiques de sa généralité (qui comprend, outre le Bourbonnais, le Nivernais, des parties de Morvan, d'Auvergne, de Marche), ni sur les religionnaires (nombreux à Aubusson), ni sur les conditions économiques 2 il ne nous apprend rien d'essentiel. M. Pierre FLAMENT a d'ailleurs accru, grâce à des notes précises 3, la valeur de ce texte, d'une sécheresse tout administrative.

:

Deux bons travaux sur l'histoire économique provinciale du XVIIIe siècle les Subsistances en Bourgogne et particulièrement à Dijon à la fin du XVIIIe siècle (1774-1789), par M. P.-E. GIROD1, et le Régime de la corvée en Bretagne au XVIIIe siècle, par M. J. LETACONNOUX, travaux éclos dans les « séminaires » de deux Universités. J'ai quelque scrupule à dire du premier tout le bien que je pense; je crois bien pouvoir cependant rappeler que, s'il existait des travaux généraux sur le sujet, jamais encore on n'avait présenté un exposé aussi précis de la question des subsistances dans un pays grand producteur de blé et des tentatives multiples et contradictoires du pouvoir central pour la résoudre. L'enquête de M. Girod est favorable, en somme, à Turgot, dont la réforme n'a échoué que parce qu'elle a été appliquée avec maladresse et mauvaise foi et pendant trop peu de temps.

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M. Letaconnoux avait des précurseurs, notamment M. P. Boyé pour la Lorraine. Mais l'administration des grands chemins présente, dans ce pays d'États très autonome qu'est la Bretagne, un caractère original, originalité qui consiste surtout dans la résistance opposée par la province à tous les projets d'amélioration et de centralisation. La corvée proprement dite ne fut d'ailleurs introduite en Bretagne que vers 1730. Cet établissement y est rendu difficile par la grandeur des paroisses et la dispersion des lieux habités, par la mauvaise volonté

1. Mémoire sur la généralité de Moulins par l'intendant G. Le Vayer, 1698. Moulins, L. Grégoire, 1906, in-8°, xvi-214 p. Index.

2. Sauf peut-être sur les routes (la route de Paris à Lyon passait encore par Moulins) et sur l'exploitation du charbon de terre.

3. Elles pourraient être encore plus abondantes. J'admets que des lecteurs bourbonnais n'ont pas besoin d'être renseignés sur le Mantegna d'Aigueperse; mais pourquoi (p. 57) n'avoir pas pensé à ceux qui ne connaissaient pas le pays?

4. Dijon et Paris, 1906, in-8°, e-xxш-144 p., graphiques (t. XVI, no 4 de la Revue bourguignonne). Préface par l'auteur du présent Bulletin.

5. Rennes, Plihon et Hommay, 1905, in-8°, 116 p. (extrait des Annales de Bretagne).

6. Un travail de M. Letaconnoux sur les Subsistances en Bretagne ne nous est connu que par un résumé des Annales de Bretagne.

REV. HISTOR. XCIV. 1er FASC.

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des corvoyeurs ». La corvée y est plus lourde qu'ailleurs, en raison même de la nature du sol. Et si d'Aiguillon, contrairement aux accusations de ses ennemis, a cherché à l'alléger, l'édit de suppression de 1776 ne fut ni enregistré ni publié en Bretagne : « Le mauvais état des chemins ne permit pas d'en cesser l'entretien », dit l'intendant. Mais l'écho de la grande mesure libératrice était venu jusqu'aux corvoyeurs bretons qu'il fallut contraindre par la force à revenir sur les chantiers. Les États, représentants des privilégiés, défendaient d'ailleurs l'institution de la corvée. Et pourtant la corvée n'avait même pas le mérite de donner à la province des voies bien entretenues. Une dizaine de monographies comme celles-ci rendraient à l'histoire économique un sérieux service.

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VII. HISTOIRE COLONIALE. La colonisation de la NouvelleFrance', quel plus beau sujet d'histoire coloniale! A une condition cependant c'est de mettre délibérément au second plan les histoires de << sauvages » 2 et tout ce qu'on peut appeler l'anecdote coloniale, d'analyser surtout les causes du mouvement colonisateur, d'en mesurer l'intensité et le volume, de montrer pourquoi il prit en partie la direction du Canada, de déterminer la place occupée par le Canada, non seulement à côté, mais pour ainsi dire en dehors des colonies de l'ancien régime; bref, de considérer l'histoire coloniale. comme un chapitre de l'histoire économique. Pourquoi et comment les Français allèrent chercher, bien au nord de toutes les colonies européennes du Nouveau-Monde, d'abord un passage vers « les Indes »3, ensuite un Eldorado', plus tard une station de pêche3, plus tard encore un pays à fourrures, et avant tout le pays du castor; comment ils en firent une terre de peuplement, comment s'enracina dans le sol une population de race française, venue surtout

1. Émile Salone, la Colonisation de la Nouvelle-France. Étude sur les origines de la nation canadienne française. Guilmoto (s. d.), in-8°, xu1-467 p. Carte.

2. La hache iroquoise » revient vraiment trop souvent.· P. 90 « Ils leur coupent les doigts, ils leur arrachent les ongles »; ceci n'est pas d'une chronologie très exacte. Que signifie (p. 91) ‹ épargner certains tableaux à la sensibilité du lecteur »? Cela n'est pas d'un historien. Puisque les horreurs de ces guerres ont été pour quelque chose dans le ralentissement de l'immigration, il faut tout dire. P. 53 Gloire à Champlain, père de la NouvelleFrance! >

3. Voy. Abel Lefranc, les Navigations de Pantagruel. M. Salone ne jette qu'un mot en passant, à propos du rapide de « la Chine », p. 23.

4. Rien sur cette recherche de l'or. Le fait qu'on n'en avait pas trouvé est l'une des raisons de l'opposition que Sully fit au Canada.

5. Très insuffisant sur ce point, si amplement traité par Biggar, The early companies of New-France.

des pays de l'ouest; pourquoi cette prise de possession fut si lente, et comment réagirent sur le Canada l'économie, la politique, les idées de la métropole; quelle est, dans ce demi-succès, la part et la responsabilité de l'administration locale et du gouvernement de Versailles, celle de la religion, celle des circonstances extérieures (guerres contre les sauvages ou contre des Européens), celle de la race; pourquoi la conquête anglaise fut si facile et, malgré les efforts tentés depuis pour ébranler le loyalisme canadien, si durable; et comment, cependant, de ces colons trop peu nombreux abandonnés par Louis XV une nation est née, singulièrement résistante et vivace, et qui exerce à l'heure actuelle une action prépondérante sur les destinées de l'une des grandes fédérations de l'Amérique du Nord; en quelle mesure cette nation devait rester «< française », en quelle mesure devenir « canadienne »; quelles qualités, quels défauts, nés de ses origines et de son éducation, elle devait apporter à l'œuvre commune? A ces questions essentielles, l'on ne peut dire que le livre de M. Émile SALONE donne des réponses précises. Il se lit avec intérêt, et le séjour qu'a fait l'auteur aux rives du Saint-Laurent le pare d'un charme de plus. Mais, attiré par les archives canadiennes et par celles du ministère des colonies, il a trop peu utilisé celles du quai d'Orsay, les Archives nationales et le cabinet des manuscrits, complètement négligé les archives de nos villes maritimes et les dépôts londoniens'. Il a mis une sorte de coquetterie à ignorer ses devanciers, dont quelques-uns l'auraient, cependant, renseigné sur plusieurs des problèmes canadiens2. Aussi ne nous explique-t-il point le pourquoi du Canada. Sur le comment de la colonisation, l'on souhaiterait des vues plus larges, une aperception plus nette des difficultés énormes, et peut-être contradictoires, de l'œuvre imposée aux compagnies3; avec moins de sévérité pour certains pionniers de la première heure1,

1. Rouen, Saint-Malo. A défaut d'un voyage à Londres, on pouvait dépouiller les Calendars : Colonial series.

2. Biggar, si utile pour les débuts, est totalement ignoré. Lorin, Garnault, Parkman sont cités à peine, très tardivement, très insuffisamment. Deschamps, à la fois pour son Histoire de la question coloniale et pour son Razilly, était à lire.

3. Fournir des peaux de castor et faire du peuplement.

4. Les huguenots « ont fait pis que de mériter, à un moment donné, d'être chassés du Canada. Ils l'ont eu entre les mains et ils n'en ont rien fait ». Reproche comique, s'il n'était injuste. Des compagnies, qui comptent des huguenots parmi leurs membres, ont eu des concessions au Canada de 1603 à 1627, c'est-à-dire en un temps où la colonisation cherchait ses voies, où l'on hésitait entre l'exploitation et le peuplement; depuis 1611, les protestants sont soumis à la surveillance des Jésuites; depuis 1625, le vice-roi interdit à de Caen

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