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de nos paysans soit encore assoupie au sein de l'ignorance, que s'ils avaient l'esprit faussé, le cœur aigri ou rongé de passions

mauvaises. >>

<«< Tel est, en effet, ajoute M. Colins, le résultat de l'instruction matérialiste actuelle. »

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<«< L'instruction n'est pas l'éducation, dit M. Néison, à l'occasion des statistiques invoquées à son avantage. Si le terme instruction signifiait la culture et l'élévation du caractère moral, il est évident qu'elle aurait pour conséquence essentielle et immédiate la destruction des crimes dans ce sens, l'éducation et la bonne conduite. présenteraient, l'une à l'égard de l'autre, le rapport de la cause avec l'effet; quand l'éducation serait à son maximum, le crime serait nécessairement à son minimum. Mais si le terme éducation n'implique pas autre chose que son acception ordinaire, et s'il ne signifie que l'instruction, alors on peut douter que l'éducation ainsi étendue exerce une influence quelconque sur le mouvement du

crime. »

<< Vous dites aux partisans du progrès des lumières, ajoute M. L. Faucher, qu'il est à propos de fonder des écoles et de cantonner un maître dans chaque village, comme le missionnaire délégué pour le civiliser; vous encouragez la publication des livres élémentaires, et vous voulez populariser la science, aujourd'hui l'héritage de quelques privilégiés. Jusque-là les vœux de tous les hommes éclairés suivront vos efforts. Mais pensez-vous que le nombre des crimes va diminuer et les mœurs s'épurer d'elles-mêmes, quand il n'y aura plus un seul enfant qui ne sache lire, écrire et compter? Prenez-vous la science pour la morale, et confondez-vous l'instruction avec l'éducation? »

Nous pourrions, sur cet important et grave sujet, multiplier les citations; mais celles que nous venons de faire seront plus que suffisantes pour démontrer les sérieux inconvénients de prendre, comme on l'a presque toujours fait, surtout dans ces derniers temps, l'instruction pour l'éducation. Nous devons actuellement, afin de mieux comprendre l'influence particulière et l'application spéciale de ces deux grands modificateurs de la nature humaine, de ces deux

moyens essentiellement curatifs ou prophylactiques du paupérisme moral, en étudier isolément la valeur et l'influence..

ÉDUCATION.

«Nous ne saurions nous étonner, dit Kératry, de l'importance attachée, dans les différents pays et dans les différents âges, à l'instruction de la jeunesse. Ainsi que les pères se voient revivre dans les enfants, les peuples se survivent par l'éducation; c'est leur vraie, leur unique manière de se perpétuer. »

« Aujourd'hui, dit Montesquieu, nous recevons trois éducations. différentes ou contraires celle de nos pères, celle de nos maîtres, celle du monde. Ce qu'on nous dit dans la dernière renverse toutes les idées des premières. Cela vient, en quelque partie, du contraste qu'il y a parmi nous entre les engagements de la religion et ceux du monde; chose que les anciens ne connaissaient pas. »

Nous lisons, dans le Moniteur du 7 août 1853, un article dont l'auteur a bien apprécié le véritable caractère et l'immense portée de l'éducation sur l'avenir des citoyens et des États. « Examinons, dit-il, pourquoi les révolutions sont si rares aux États-Unis, et pourquoi tout le monde s'y occupe tranquillement d'agriculture et de commerce. Il cite, à cette occasion, ce document de l'Edimburgh Review: «Le comité de Winchendow, dans sa circulaire envoyée à tous les chefs d'institution aux États-Unis, comprend ainsi la culture morale du peuple: L'objet de l'éducation ne consiste pas seulement à apprendre, aux élèves, l'écriture, la lecture, l'histoire, etc. Ils doivent recevoir de bons conseils de morale et de religion, pour les préparer à entreprendre dignement les travaux auxquels le ciel les destine. Les professeurs doivent s'attacher à leur donner l'amour de l'étude, à développer leur intelligence; à leur apprendre à obéir, à respecter leurs chefs, et à se maintenir toujours dans la voie du bien. »

<< Dans l'éducation sociale, dit J.-B. Say, c'est l'instruction qui nous manque, et surtout l'instruction dans l'art de vivre en société.» Cet art, si nécessaire au bien-être; au bonheur des peuples, à

l'ordre, à la stabilité des États, qui fait surtout connaître les droits et les devoirs, est assez rare, assez négligé de nos jours pour que le pouvoir social ait à s'en préoccuper sérieusement, et c'est dans une bonne et solide éducation qu'il en trouvera le principe et les moyens. A ce point de vue de la culture morale, nous voyons même cette éducation marcher avant l'instruction, qui sans elle pourrait devenir plus nuisible qu'utile.

C'est dans ce sens que Leibnitz fit entendre ces mémorables paroles, si souvent répétées par Napoléon : « Donnez-moi l'instruction publique pendant un siècle, et je changerai le monde. »

« Il y a dans notre siècle, dit M. Maurice Monjean, quelque chose de plus rare que les talents et les plus éminentes qualités de l'esprit, ce sont les caractères stables, les âmes fermes et vigilantes qui marchent dans la voie glissante du bien et du juste, sans se laisser ni entraîner par les conseils intéressés de l'ambition, ni séduire par les suggestions subtiles et coupables. >>

Telles sont, en effet, ces grandes et nobles qualités morales, égides contre le crime, puissants moteurs de la vertu ; que la véritale éducation peut seule faire naître et développer; que l'instruction seule ne garantirait jamais, et corromprait souvent par ses fautives et dangereuses applications.

Les vices, les mauvaises passions semblent trop souvent altérer les premiers instincts de l'homme à sa naissance : nous avons plus d'une fois observé la jalousie, avec ses caractères hideux, chez des enfants encore à la mamelle. « J'ai vu, dit saint Augustin, un enfant jaloux ; il ne savait pas encore parler, et déjà, avec un visage pâle et des yeux irrités, il regardait l'enfant qui tettait avec lui. » Il faut donc les prévenir ou les extirper de bonne heure par une bonne culture morale; et l'on peut dire, sans hyperbole, que l'éducation de l'homme doit commencer aussitôt que son allaitement : mais avec quel soin ne faut-il pas la diriger, puisqu'elle peut, suivant sa nature, détruire ou développer les vices!

<< L'enfant, dit Chateaubriand, est un curieux objet d'observation: au dessous même de l'âge où la pensée commence, où l'homme, naissant à peine, en est encore à l'instinct, il peut déjày avoir éducation.»

«Les lois de l'éducation, dit Montesquieu, sont les premières que nous recevons, et comme elles nous préparent à être citoyens, chaque famille particulière doit être gouvernée sur le plan de la grande famille, qui les comprend toutes... Elles seront différentes dans chaque espèce de gouvernement dans les monarchies. elles auront pour objet l'honneur; dans les républiques, la vertu; dans le despotisme, la crainte. »

Nous admettons, avec tous les publicistes, la nécessité de varier l'éducation suivant les institutions sociales des peuples, mais quant aux moyens seulement; au point de vue du but, si l'opinion de Montesquieu pouvait être vraie, nous plaindrious l'avenir des États despotiques, et même celui des monarchies: la vertu doit être, en effet, dans toute éducation publique et privée, le terme qu'il faut, avant tout, se proposer: nous puiserons la preuve de cette grande vérité dans Montesquieu lui-même : « Ce n'est point, dit-il, le peuple naissant qui dégénère; il ne se perd que lorsque les hommes faits sont déjà corrompus. »

<< Il ne faut pas penser, dit Virey, que l'homme livré à lui seul erre sans guide moral sur la terre; que tous les goûts les plus dépravés lui soient donnés par la nature, comme le poison aux plantes, ainsi qu'on l'a prétendu; ils y naissent, mais comme les maladies et de même qu'il n'y a qu'une santé pour le corps, il n'en est qu'une aussi pour l'âme; c'est l'équilibre du bon sens, du bon goût, le point milieu où se trouvent le vrai, la vertu avec le bonheur réel. Tel est ce sens moral qui nous fait discerner, par un instinct secret, le beau et le bon, reconnu par Platon, ressenti par Cicéron. >>

Cette éducation des premières années est tellement puissante et nécessaire, qu'elle se conserve toute la vie pour ceux dont elle fut l'heureux privilége, et qu'elle ne se répare jamais, quels que soient les efforts de l'instruction ultérieure, pour ceux qui s'en trouvèrent absolument privés. C'est une observation qui frappe chaque jour dans l'examen des savants même les plus profonds.

<« Ce qu'il y a d'incomplet dans une éducation intellectuelle. reparaît toujours, dit Rossi. L'homme fait regrette souvent,

mais ne retrouve jamais ce qui a manqué à l'instruction de sa jeu

nesse. »

Au point de vue de la criminalité, la bonne éducation n'est-elle pas également le plus salutaire de tous les moyens? Si l'ordre social et la morale veulent, en effet, que l'on châtie, que l'on punisse actuellement le coupable, n'est-il pas bien plus avantageux, plus rationnel encore, sous ce double rapport, d'éloigner de son cœur, par une bonne culture, les germes dangereux du vice et de la corruption?

«Dans l'ordre logique, dit M. L. Faucher, il est certain que les progrès de l'éducation préventive doivent devancer les améliorations du régime répressif. Les enfants et les ouvriers nous touchent assurément de plus près que ces condamnés qui sont bannis du monde; et il semble que ce soit folie de s'arrêter à cicatriser les plaies quand on peut aller directement au principe du mal... Mais les nations sont obligées de travailler pour le présent, avant de semer pour l'avenir; et de punir, avant d'enseigner. »

Qu'on ne l'oublie donc pas, les populations se moraliseront seulement par une bonne éducation de l'enfance; alors seulement on verra diminuer le nombre des criminels, et, par une conséquence nécessaire, la rigueur, les besoins de la pénalité: un peuple beaucoup plus moral, plus heureux, viendra mettre fin aux discordes, aux guerres civiles; et si l'humanité, qui ne saurait prétendre à la perfection, ne réalise pas le rêve de quelques grands cœurs, d'un paradis sur la terre; du moins prouvera-t-elle que, par une bonne éducation, par la vertu, l'amour du travail, de l'ordre, qui sont toujours ses précieux fruits, on arrive à ce bien-être, à ce perfectionnement social, véritables caractères du progrès et de la civilisation. Nous citerons, à cette occasion, quelques passages pris dans le discours de M. Em. Affichard, avocat à Angers, ayant pour sujet : «la sainteté de l'enfance, l'action de la famille sur elle, et l'influence civilisatrice des écoles chrétiennes sur la famille ouvrière;» on y verra les précieux effets de la première éducation entourée de ses charmes naïfs et d'un aussi vertueux enseignement :

«Un enfant, dit-il, vient au monde sous cette fragile et frêle enveloppe sommeille une âme à peine entr'ouverte à la grâce, et

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