transmettre à leur postérité des maladies héréditaires, par les précautions que doit observer la mère pour favoriser le développement complet de son enfant, ne pas l'exposer à toutes les conséquences, pour le tempérament et le caractère, d'une constitution vicieuse et chétive; si l'éducation morale agit depuis la naissance par les soins successifs de la mère, du père, des instituteurs, elle se continue, pendant toute la vie, par l'influence des lois, des rapports sociaux; enfin, de l'homme sur lui-même; avec des résultats bien différents, suivant l'empire de la raison sur les instincts; le choix des relalations habituelles, intimes; la sagesse, la vigueur, au besoin, la juste sévérité de ces lois. «Faire de l'homme, dit M. Tissot, ce qu'il peut et ce qu'il doit être dans des circonstances données, tel est l'important problème que le législateur, le père de famille, le précepteur et l'élève luimême sont appelés à résoudre. Car, dès qu'on peut réfléchir et vouloir, on se trouve remis entre ses propres mains, et par conséquent chargé du soin de s'élever soi-même. La seule différence qu'il y ait entre ce précepteur et tous les autres, c'est que ceux-ci sont un jour affranchis de notre éducation personnelle, et cessent, de droit, d'être nos instituteurs; tandis que nous sommes obligés, parce que nous le pouvons, de nous perfectionner, et, par conséquent, de nous former et de nous élever jusqu'à notre dernière heure. » Plus nous avançons dans l'étude sérieuse de ce grand problème, plus nous en comprenons l'importance et les difficultés pour la famille, l'instituteur et l'État. L'éducation n'est pas en effet seulement une science, c'est encore un art. Elle veut dans l'État, l'instituteur et la famille, qui la donnent, non-seulement la théorie, mais la pratique; non-seulement l'enseignement du précepte, mais celui de l'exemple; elle veut, pour être complète et fructueuse, dans l'homme qui la reçoit, nonseulement la connaissance des droits, mais l'accomplissement des devoirs. «L'éducation, ajoute M. Tissot, est tout à la fois une science et un art: une science, en tant qu'elle se propose une fin, qu'elle se donne des principes, qu'elle fait choix de moyens, de méthodes pour atteindre plus facilement et plus promptement ce but; un art, en tant qu'elle applique avec intelligence et habileté, et suivant des règles qu'elle se trace, le moyen dont elle a fait choix, suivant les principes que la science avait déterminés. << Il faut donc, pour former l'homme et l'élever, une connaissance théorique profonde de sa nature, de sa vocation ou de sa destinée; une connaissance non moins approfondie du cœur humain, puisque le maître a besoin de persuader l'élève, de s'en faire un moyen, un auxiliaire, pour les vues qu'il se propose: ne pouvant rien immédiatement par lui-même et sans l'intervention de l'élève; car celui-ci seul peut agir directement et efficacement sur lui-même. » C'est au milieu d'une civilisation abusive, c'est lorsque l'esprit du peuple est faussé par les sophismes, son cœur corrompu par les vices, endurci par la misère, c'est lorsque le sol du pays est miné par les mauvaises passions, ébranlé dans ses derniers fondements par la guerre civile ét par l'anarchie, que la famille, l'instituteur et l'État doivent s'entendre et s'aider mutuellement pour éteindre, par une bonne éducation, dans le cœur de la génération qui s'élève, les haines, les ressentiments, les vengeances de la génération qui passe et qui finit; pour y substituer, à l'incrédulité systématique, au faux savoir, à la paresse, à l'esprit d'insurrection: l'esprit d'ordre, l'amour du travail, la science vraie, la foi raisonnable. Est-il nécessaire d'ajouter quels sont aujourd'hui sous ce rapport, en France, nos conditions et nos besoins? Nous avons indiqué le rôle de la famille et de l'instituteur dans cette importante et noble mission, nous chercherons à préciser celui de l'État. <«<Les hommes, ajoute M. Tissot, ont de tout temps senti la nécessité, la puissance et les bienfaits de l'éducation ; mais jamais elle ne fut plus nécessaire qu'aux époques de mouvements vagues et d'inquiétudes sociales; aux époques d'effervescence ou de régénération, où l'antique foi des croyances positives s'obscurcit et semble s'éteindre. Il faut alors se rattacher à l'humanité, dont le sentiment ne se perd jamais, quoiqu'il puisse en apparence un instant s'oublier; il faut, à l'aide de la philosophie, rétablir la raison dans l'exercice de ses droits imprescriptibles, en attendant des jours meilleurs, et suppléer à la foi mystique qui se perd, par la foi à l'humanité qui reste. » Nous approuvons l'intention, mais nous n'acceptons pas le moyen. S'il était vrai que le corps social fût assez malade pour ne pouvoir employer le remède, et ne plus supporter, que le palliatif; pour chercher dans la science humaine une guérison qu'il ne trouverait pas dans la science divine, son état serait désormais sans ressource: nous avons en effet l'expérience du passé pour garantir le pronostic de l'avenir !... Mais heureusement nous ne désespérons pas ainsi du salut des hommes; nous trouvons assurément notre société moderne bien souffrante, mais nous ne la croyons pas incurable. Le pouvoir social doit sérieusement aborder les causes du paupérisme moral, de la corruption et des mauvaises passions; il doit les attaquer, les combattre avec énergie par l'empire du bon exemple, par une sollicitude, un zèle incessants; par des mesures sages, sévères, justes, sans despotisme et sans arbitraire; au besoin, par une compression vigoureuse, par une ferme répression de la licence, mais sans apporter de funestes et condamnables entraves à la saine, à l'inoffensive liberté de penser, de parler et d'agir. Qu'il comprenne toujours bien la sublime puissance et la mission sérieuse qu'il a reçues de la société qu'il n'oublie jamais que dans son action réside la sauvegarde ou la perte de l'État. Justice, bienveillance, protection pour tous; mais point de regrettables concessions à l'esprit de désordre, d'insurrection, de perversité; c'est le plus faux et le plus dangereux de tous les systèmes : l'indulgence qui semblerait, à l'homme égaré par un moment d'erreur, bienveillance et bonté, ne paraîtra jamais à l'homme vieilli dans la haine de tout pouvoir légal, endurci dans le crime ou la licence, qu'une faiblesse encourageante et dérisoire !... Sans doute l'éducation de l'enfance qui s'effectue dans l'intérieur et souvent dans le secret de la famille, n'est pas, comme l'instruc tion publique, sous l'inspection directe, sous l'action immédiate et positive du pouvoir social; la puissance paternelle et la liberté de l'individu font obstacle à son intervention dans toutes les circonstances ordinaires; mais si le domicile du citoyen paisible, si le foyer familial où tout se passe dans l'ordre sont inviolables, un regard du pouvoir exécutif a le droit, disons mieux, la sérieuse obligation de pénétrer dans tous les lieux où l'éducation de l'homme futur serait dépravée; où les mauvaises passions travailleraient au désordre, au renversement des institutions. En conséquence de ses observations judicieuses, tantôt il réprimera les coupables projets, fera cesser le scandale, préviendra les funestes résultats de ces monstrueux enseignements; tantôt il se chargera lui-même de l'éducation physique et morale des enfants que l'affreuse misère fait sortir de l'assistance familiale pour les confier aux soins de l'assistance publique. Ici viennent s'offrir ces admirables fondations de la charité sociale, ces pieux abris du dénuement et de la douleur, dont les uns recueillent l'homme à sa naissance, lui donnent le pain et l'éducation des premières années; dont les autres l'acceptent pendant ses maladies ou lui fournissent un refuge dans sa vieillesse indigente, abandonnée !... C'est là surtout que l'action gouvernementale devra se faire sentir pour soulager, moraliser le prolétariat; pour en borner l'accroissement continuel, pour en diminuer la funeste influence; pour donner à la charité sa véritable impulsion en prévenant tous les fâcheux abus dont elle est susceptible. Afin d'éviter des répétitions au moins inutiles, nous étudierons les salles d'asiles, les écoles primaires, les colléges, les lycées, etc., en traitant de l'instruction; les crèches, les tours d'exposition, les dépôts de mendicité, les hôpitaux, les hospices, etc., à l'article du paupérisme matériel. Quant à l'éducation publique de l'homme fait, elle se trouve surtout dans l'exécution sage et ferme des lois réglementaires; exécution dont la surveillance est remise à la garde du pouvoir social, qui, dans ce point important surtout, ne doit jamais abdiquer son autorité. Qu'il ne se préoccupe donc pas des clameurs de l'anarchie: les récriminations des fauteurs de désordre et d'insurrection se font, en effet, toujours entendre en même temps que les félicitations et les actions de grâces des gens de bien, des amis de la paix et de la prospérité du pays!... Aux moyens de moralisation il faut donc joindre, pour les premiers, des moyens d'intimidation: il faut montrer d'avance le châtiment, pour éviter la nécessité de l'appliquer ensuite. Enfin, dans les cas extrêmes, il faut arriver, à regret sans doute, mais résolûment, aux moyens de répression et de punition légale. Ici viendrait l'histoire des maisons de correction, des prisons, de la déportation, etc. Mais là se termine le système social et commence le système pénitentiaire, auquel nous renvoyons ces tristes mais importantes études. INSTRUCTION. Après la culture de l'âme, du cœur, vient naturellement celle de l'intelligence, de l'esprit la première est sans doute beaucoup plus importante à la conduite de la vie, au véritable bonheur de l'homme; toutefois, la seconde, bien dirigée, bien comprise, devient l'une de ses plus précieuses ressources, de ses plus beaux ornements, en l'élevant, dans la mesure de ses facultés et de son rang social, à la merveilleuse connaissance des sciences et des arts. Mais nous le redirons encore, sans l'appui d'une bonne éducation, sans discernement dans son choix, sans mesure dans son développement, l'instruction pourrait devenir fatale au gouvernement qui la donne, et même au citoyen qui la reçoit; c'est toujours un instrument puissant par son tranchant et par sa trempe; mais, dans ce cas, c'est le poignard de l'assassin qui frappe à mort l'objet de sa haine, au lieu de l'épée du héros qui défend courageusement sa famille et sa patrie!... A ce point important, mais simple et facile à préciser, viennent aboutir les interminables plaidoiries pour ou contre les bienfaits de l'instruction: les uns l'ont exaltée sans mesure et sans discernement; les autres ont eu l'exorbitante et nuisible prétention |