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>> Voulez-vous empêcher que cette lépre politique attaque désormais le corps social, faites qu'on ne puisse pas se dispenser sans se couvrir de honte, de se mettre en état d'exercer une profession utile; faites surtout que nul, avec des bras vigoureux et l'amour du travail, ne cherchic vainement à s'occuper : que des édifices publics, que des ateliers, que des canaux, que des grandes routes offrent partout aux citoyens laborieux un travail assuré. Le despotisme place le misérable entre le besoin et le crime; dans un état libre on épargne à l'innocence indigente la nécessité de se rendre coupable.

>> Saisissez l'homme dès la naissance pour le conduire à la vertu par l'admiration des grandes choses et l'enthousiasme qu'elles inspirent; que chaque action héroïque ait son trophée ; que chaque sentiment généreux soit célébré dans des fêtes publiques et fréquentes. Ce sont ces tableaux animés et touchans qui laissent des impressions profondes, qui élèvent l'âme,. qui agrandissent le génie, qui électrisent tour à tour le civisme et la sensibilité : le civisme, principe sublime de l'abnégation de soi-même; la sensibilité, source inépuisable de tous les penchans affectueux et sociables. Ce sont des rapprochemens réitérés qui conduisent insensiblement les hommes à se faire un besoin de se rechercher, de se mêler ensemble; qui les accoutument à placer leur plaisir le plus vif dans leur réunion, et leur joie dans une participation générale aux mêmes transports, aux mêmes jouissances. Que la patrie, mère commune, serre indistinctement dans ses bras tous ses enfans: sans les préférences injustes et marquées de nos parens, les membres d'une même famille s'estimeraient et se chériraient à l'envi.

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Que ses soins s'étendent jusqu'aux derniers instans de l'existence, et songez qu'il ne serait point inutile pour l'opinion que la patrie présidât elle-même à la pompe funèbre de tous les citoyens. La mort est un rappel à l'égalité, qu'un peuple libre doit consacrer par un acte public qui lui retrace sans cesse cet avertissement nécessaire : une pompe funèbre est un hommage consolant qui efface jusqu'à l'empreinte hideuse du trépas; c'est le dernier adieu de la nature. L'homme pervers est le seul que la réprobation publique précipitera dans le tom

beau avec le mépris ou l'indignation qui doivent poursuivre le crime au delà même du néant.

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Citoyens, c'est ainsi qu'au sein de l'erreur, des préjugés, de l'ignorance, l'antiquité a produit de si grands hommes; c'est ainsi qu'on monte les consciences et l'opinion au ton des âmes libres ; c'est ainsi que le gouvernement trouve toute facilité d'opérer le bien par l'ascendant de la moralité; en un mot c'est ainsi que chaque jour on attache plus fortement le peuple à la liberté, et qu'on intéresse de plus en plus ses défenseurs à hâter son triomphe, ne fût-ce que pour venir plus promptement jouir des fruits de la victoire, de la constance et de la raison !

» Voici le projet de décret que je suis chargé de vous pré

senter. »

De vifs applaudissemens avaient souvent interrompu le rapport; c'est aux acclamations unanimes que le projet est décrété en ces termes :

« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public, déclare qu'appuyée sur les vertus du peuple français elle fera triompher la République démocratique, et punira sans pitié tous ses ennemis.

» Ce décret et le rapport seront imprimés dans toutes les langues, envoyés aux départemens et aux armées; on en distribuera six exemplaires à chaque député.

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RAPPORT fait au nom du comité de salut public, par Robespierre, sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains, et sur les fétes nationales. Du 18 floréal an 2. (7 mai 1794. )

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Citoyens, c'est dans la prospérité que les peuples, ainsi que les particuliers, doivent pour ainsi dire se recueillir pour écouter, dans le silence des passions, la voix de la sagesse. Le moment où le bruit de nos victoires retentit dans l'univers est donc celui où les législateurs de la République française doivent veiller avec une nouvelle sollicitude sur eux-mêmes et sur la patrie, et affermir les principes sur lesquels doivent reposer la

stabilité et la félicité de la République. Nous venons aujourd'hui soumettre à votre méditation des vérités profondes qui importent au bonheur des hommes, et vous proposer des mesures qui en découlent naturellement.

» Le monde moral, beaucoup plus encore que le monde physique, semble plein de contrastes et d'énigmes. La nature nous dit que l'homme est né pour la liberté, et l'expérience des siècles nous montre l'homme esclave; ses droits sont écrits dans son cœur, et son humiliation dans l'histoire le genre humain respecte Caton, et se courbe sous le joug de César : la postérité honore la vertu de Brutus, mais elle ne la permet que dans l'histoire ancienne : les siècles et la terre sont le partage du crime et de la tyrannie; la liberté et la vertu se sont à peine reposées un instant sur quelques points du globe: Sparte brille comme un éclair dans des ténèbres immenses.

»Ne dis pas cependant, ô Brutus, que la vertu est un fantôme! Et vous, fondateurs de la République française, gardezvous de désespérer de l'humanité, ou de douter un moment du succès de votre grande entreprise!

» Le monde a changé; il doit changer encore. Qu'y a-t-il de commun entre ce qui est et ce qui fut? Les nations civilisées ont succédé aux sauvages errans dans les déserts; les moissons fertiles ont pris la place des forêts antiques qui couvraient le globe; un monde a paru au-delà des bornes du monde; les habitans de la terre ont ajouté les mers à leur domaine immense; l'homme a conquis la foudre, et conjuré i celle du ciel. Comparez le langage imparfait des hieroglyphes avec les miracles de l'imprimerie; rapprochez le voyage des Argonautes de celui de Lapeyrouse; mesurez la distance entre les observations astronomiques des mages de l'Asie et les découvertes de Newton, ou bien entre l'ébauche tracée par la main de Dibutade et les tableaux de David.

>> Tout a changé dans l'ordre physique; tout doit changer dans l'ordre moral et politique. La moitié de la révolution du monde est déjà faite; l'autre moitié doit s'accomplir.

» La raison de l'homme ressemble encore au globe qu'il habite; la moitié en est plongée dans les ténèbres quand l'autre est éclairée. Les peuples de l'Europe ont fait des progrès éton

nans dans ce qu'on appelle les arts et les sciences, et ils semblent dans l'ignorance des premières notions de la morale publique; ils connaissent tout, excepté leurs droits et leurs devoirs. D'où vient ce mélange de génie et de stupidité? De ce que, pour chercher à se rendre habiles dans les arts, il ne faut que suivre ses passions, tandis que pour défendre ses droits et respecter ceux d'autrui il faut les vaincre. Il en est une autre raison; c'est que les rois, qui font le destin de la terre, ne craignent ni les grands géomètres, ni les grands peintres, ni les grands poètes, et qu'ils redoutent les philosophes rigides et les défenseurs de l'humanité.

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Cependant le genre humain est dans un état violent qui ne peut être durable. La raison humaine marche depuis longtemps contre les trônes à pas lents, et par des routes détournées, mais sûres; le génie menace le despotisme alors même qu'il semble le caresser : il n'est plus guère défendu que par l'habitude et par la terreur, et surtout par l'appui que lui prête la ligue des riches et de tous les oppresseurs subalternes, 'qu'épouvante le caractère imposant de la révolution française.

» Le peuple français semble avoir devancé de deux mille ans le reste de l'espèce humaine; on serait tenté même de le regarder au milieu d'elle comme une espèce différente : l'Europe est à genoux devant les ombres des tyrans que nous punissons.

» En Europe un laboureur, un artisan est un animal dressé pour les plaisirs d'un noble en France les nobles cherchent à se transformer en laboureurs et en artisans, et ne peuvent pas même obtenir cet honneur.

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L'Europe ne conçoit pas qu'on puisse vivre sans rois, sans nobles, et nous que l'on puisse vivre avec eux.

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L'Europe prodigue son sang pour river les chaînes de l'humanité, et nous pour les briser.

» Nos sublimes voisins entretiennent gravement l'univers de la santé du roi, de ses divertissemens', de ses voyages; ils veulent absolument apprendre à la postérité à quelle heure il a dîné, à quel moment il est revenu de la chasse ; quelle est la terre heureuse qui a chaque instant du jour eut l'honneur d'être foulée par ses pieds augustes; quels sont les noms des esclaves

privilégiés qui ont paru en sa présence au lever, au coucher du soleil.

» Nous lui apprendrons, nous, les noms et les vertus des héros morts en combattant pour la liberté; nous lui apprendrons dans quelle terre les derniers satellites des tyrans ont mordu la poussière ; nous lui apprendrons à quelle heure a sonné le trépas des oppresseurs du monde.

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Oui, cette terre délicieuse que nous habitons, et que la nature caresse avec prédilection, est faite pour être le domaine de la liberté et du bonheur ; ce peuple sensible et fier est vraiment né pour la gloire et pour la vertu. O ma patrie! si le destin m'avait fait naître dans une contrée étrangère et lointaine, j'aurais adressé au ciel des vœux continuels pour ta prospérité; j'aurais versé des larmes d'attendrissement au récit de tes combats et de tes vertus; mon âme attentive aurait suivi avec une inquiète ardeur tous les mouvemens de ta glorieuse révolution ; j'aurais envié le sort de tes citoyens; j'aurais envié celui de tes représentans! Je suis Français, je suis l'un de tes représentans..... O peuple sublime! reçois le sacrifice de tout mon être heureux celui qui est né au milieu de toi! plus heureux celui qui peut mourir pour ton bonheur !

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» O vous, à qui il a confié ses intérêts et sa puissance, que ne pouvez-vous pas avec lui et pour lui! Oui, vous pouvez montrer au monde le spectacle nouveau de la démocratie affer mie dans un vaste empire. Ceux qui dans l'enfance du droit public, et du sein de la servitude, ont balbutié des maximes contraires, prévoyaient-ils les prodiges opérés depuis un an? Ce qui vous reste à faire est-il plus difficile que ce que vous avez fait? Quels sont les politiques qui peuvent vous servir de précepteurs ou de modèles? Ne faut-il pas que vous fassiez précisément tout le contraire de ce qui a été fait avant vous? L'art de gouverner a été jusqu'à nos jours l'art de tromper et de corrompre les hommes; il ne doit être que celui de les

éclairer et de les rendre meilleurs.

» Il y a deux sortes d'égoïsmes; l'un vil. cruel, qui isole l'homme de ses semblables, qui cherche un bien-être exclusif acheté par la misère d'autrui; l'autre généreux, bienfaisant, qui confond notre bonheur dans le bonheur de tous, qui attache

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