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sans intérêt ni sans éclat. Vous y serez, braves défenseurs de la patrie que décorent de glorieuses cicatrices! Vous y serez, vénérables vieillards, que le bonheur préparé à votre postérité doit consoler d'une longue vie passée sous le despotisme! Vous y serez, tendres élèves de la patrie, qui croissez pour étendre sa gloire et pour recueillir le fruit de nos travaux !

» Vous y serez, jeunes citoyennes, à qui la victoire doit ramener bientôt des frères et des amans dignes de vous! Vous y serez, mères de famille, dont les époux et les fils élèvent des trophées à la République avec les débris des trônes! O femmes françaises, chérissez la liberté achetée au prix de leur sang! Servez-vous de votre empire pour étendre celui de la vertu républicaine ! O femmes françaises, vous êtes dignes de l'amour et du respect de la terre! Qu'avez-vous à envier aux femmes de Sparte? Comme elles vous avez donné le jour à des héros; comme elles vous les avez dévoués avec un abandon sublime à la patrie!

» Malheur à celui qui cherche à éteindre ce sublime enthousiasme, et à étouffer par de désolantes doctrines cet instinct moral du peuple qui est le principe de toutes les grandes actions! C'est à vous, représentans du peuple, qu'il appartient de faire triompher les vérités que nous venons de développer. Bravez les clameurs insensées de l'ignorance présomptueuse ou de la perversité hypocrite! Quelle est donc la dépravation dont nous étions environnés, s'il nous a fallu du courage pour les proclamer? La postérité pourra-t-elle croire que les factions vaincues avaient porté l'audace jusqu'à nous accuser de modérantisme et d'aristocratie pour avoir rappelé l'idée de la divinité et de la morale? Croira-t-elle qu'on ait osé dire, jusque dans cette enceinte, que nous avions par là reculé la raison humaine de plusieurs siècles? Ils invoquaient la raison les monstres qui aiguisaient contre vous leurs poignards sacriléges!

» Tous ceux qui défendaient vos principes et votre dignité devaient être aussi sans doute les objets de leur fureur. Ne nous étonnons pas si tous les scélérats ligués contre vous semblent vouloir nous préparer la ciguë; mais avant de la boire nous sauverons la patrie! Le vaisseau qui porte la fortune de la

République n'est pas destiné à faire naufrage; il vogue sous vos auspices, et les tempêtes seront forcées à le respecter.

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Asseyez-vous donc tranquillement sur les bases immuables de la justice, et ravivez la morale publique; tonnez sur la tête des coupables, et lancez la foudre sur tous vos ennemis! Quel est l'insolent qui, après avoir rampé aux pieds d'un roi, ose insulter à la majesté du peuple français dans la personne de ses représentans? Commandez à la victoire, mais replongez surtout le vice dans le néant! Les ennemis de la République sont tous les hommes corrompus. Le patriote n'est autre chose qu'un homme probe et magnanime dans toute la force de ce terme. C'est peu d'anéantir les rois; il faut faire respecter à tous les peuples le caractère du peuple français. C'est en vain que nous porterions au bout de l'univers la renommée de nos armes, si toutes les passions déchirent impunément le sein de lá patrie. Défions-nous de l'ivresse même des succès. Soyons terribles dans les revers, modestes dans nos triomphes, et fixons au milieu de nous la paix et le bonheur par la sagesse et par la

morale! Voilà le véritable but de nos travaux; voilà la tâche la plus héroïque et la plus difficile. Nous croyons concourir à ce but en vous proposant le décret suivant. »

Une partie de ce rapport, fastidieuse redite sur les factions, fut prononcée dans le silence; mais tout ce qui parut un hommage à la nature et aux vertus qu'elle inspire reçut presque à chaque phrase les marques les plus éclatantes d'une approbation générale, et c'est au bruit prolongé de ces applaudissemens que le décret fut mis aux voix, adopté et proclamé.

DÉCRET. ( Du 18 floréal an 2.)

« Art. 1er. Le peuple français reconnaît l'existence de l'Etre suprême et l'immortalité de l'âme.

» 2. Il reconnaît que le culte digne de l'Etre suprême est la pratique des devoirs de l'homme.

>> 3. Il met au premier rang de ces devoirs de détestér la mauvaise foi et la tyrannie, de punir les tyrans et les traîtres, de secourir les malheureux, de respecter les faibles, de défendre

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les opprimés, de faire aux autres tout le bien qu'on peut, et› de n'être injuste envers personne.

» 4. Il sera institué des fêtes pour rappeler l'homme à la pensée de la Divinité et à la dignité de son être.

» 5. Elles emprunteront leurs noms des événemens glorieux de notre révolution, des vertus les plus chères et les plus utiles à l'homme, des plus grands bienfaits de la nature.

» 6. La République française célébrera tous les ans les fêtes du 14 juillet 1789, du 10 août 1792, du 21 janvier 1793 (1), du 31 mai 1793.

» 7. Elle célébrera aux jours de décadis les fêtes dont l'énumération suit :

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Aux

» A l'Etre suprême et à la Nature. - Au Genre humain. Au Peuple français. Aux Bienfaiteurs de l'humanité. Martyrs de la liberté. A la Liberté et à l'Egalité. — A la République. A la Liberté du monde. A l'Amour de la Patrie. - A la Haine des tyrans et des traîtres. A la Vérité. - A la Justice. A la Pudeur. A la Gloire et à l'Immortalité. A l'Amitié. A la Frugalité. Au Courage. - A la Bonne foi. A l'Héroïsme. Au Désintéressement. Au Stoïcisme. A l'Amour. A la Foi conjugale. - A l'Amour paternel. A la Tendresse maternelle.

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filiale. - A l'Enfance.

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A la Jeunesse. — A l'Age viril. A la Vieillesse. Au Malheur.-A l'Agriculture. A l'Agriculture. — A l'Industrie. - A nos Aïeux. A la Postérité. Au Bonheur. » 8. Les comités de salut public et d'instruction publique sont chargés de présenter un plan d'organisation de ces fêtes.

» 9. La Convention nationale appelle tous les talens dignes de servir la cause de l'humanité à l'honneur de concourir à leur établissement par des hymnes et des chants civiques, et par tous les moyens qui peuvent contribuer à leur embellissement et à leur utilité.

» 10. Le comité de salut public distinguera les ouvrages qui

(1) Déjà cette époque avait été célébrée une fois, en vertu d'un décret rendu le jour même du premier anniversaire, 2 pluviose an 2 (21 jan vier 1794).

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lui paraîtront les plus propres à remplir cet objet, et récompensera leurs auteurs.

>> 11. La liberté des cultes est maintenue conformément au décret du 16 frimaire. (1)

» 12. Tout rassemblement aristocratique et contraire à l'ordre public sera réprimé.

» 13. En cas de troubles dont un culte quelconque serait l'occasion ou le motif, ceux qui les exciteraient par des prédications fanatiques ou par des insinuations contre-révolutionnaires, ceux qui les provoqueraient par des violences injustes et gratuites, seront également punis selon la rigueur des lois. 14. Il sera fait un rapport particulier sur les dispositions de détails relatives au présent décret.

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» 15; Il sera célébré le 20 prairial prochain une fête nationale en l'honneur de l'Etre suprême.

» David est chargé d'en présenter le plan à la Convention nationale.

» La Convention nationale décrète que le présent décret et le rapport qui l'a précédé seront imprimés et envoyés en format ordinaire et en placards à toutes les communes, armées et sociétés populaires de la République, pour être lus et affichés sur toutes les places publiques et dans les camps; elle décrète pareillement que le rapport et le décret seront traduits dans toutes les langues, et distribués au nombre de six exemplaires à chacun des membres de la Convention. »

RAPPORT du comité de salut public sur les moyens d'extirper la mendicité dans les campagnes, et sur les secours que doit accorder la République aux citoyens indigens; fait par Barrère. Du 22 floréal an 2. ( 11 mai 1794.)

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Citoyens, je viens exciter de nouveau votre patriotisme, et vous rappeler le plus saint de vos devoirs.

» Je dois vous parler des indigens, dont le spectacle afflige encore la République.

(1) Voyez tome XIII, page 251.

» Il y a peu de jours (1) vous applaudissiez à ces paroles : Les malheureux sont les puissances de la terre ; ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvernemens qui les négli– gent. Ces principes sont éversifs des gouvernemens corrompus; ils détruiraient le vôtre si vous le laissiez corrompre.

>> Les comités de salut public et de sûreté générale, qui ont publié cet axiome terrible devant les représentans du peuple, ne doivent pas attendre que le peuple leur en reproche la stérile publication, ou l'inexécution des devoirs qu'il leur impose; aussi le comité vient vous parler aujourd'hui des indigens: à ce nom sacré, mais qui sera bientôt inconnu à la République, il compte sur vos efforts à le faire oublier.

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Tandis que le canon gronde sur toutes nos frontières, un fléau redoutable, la lèpre des monarchies, la mendicité, fait des progrès effrayans dans l'intérieur de la République ! La propagation de cette maladie politique et morale n'a pas de principe plus actif que la guerre, d'agens plus dangereux que les factions, de moyens plus puissans que le désordre des affaires publiques, et de perpétuité plus assurée que l'indifférence du législateur. Hé bien, ce sera une belle époque pour la Convention d'avoir aboli la mendicité au milieu des fureurs de la guerre.

» La mendicité est une dénonciation vivante contre le gouvernement; c'est une accusation ambulante qui s'élève tous les jours au milieu des places publiques, du fond des campagnes, et du sein de ces tombeaux de l'espèce humaine décorés par la monarchie du nom d'Hôtel-Dieu et d'hôpitaux.

» Cependant la mendicité est incompatible avec le gouvernement populaire; ce mot honteux de mendiant ne fut jamais écrit dans le dictionnaire du républicain, et le tableau de la mendicité n'a été jusqu'à présent sur la terre que l'histoire de la conspiration des grands propriétaires contre les hommes qui

n'ont rien.

(1) Le 8 ventose, dans un rapport de Saint-Just, suivi de décrets rendus en faveur des patriotes indigens. (Voyez plus haut, page 42 et suivantes.)

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