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c'est respecter la diguité de l'homme, ménager le sentiment des familles, et rapprocher les citoyens.

» Le secours à domicile est réclamé depuis longtemps; il n'appartenait qu'à la Convention nationale de parvenir à l'organiser et à en faire jouir les citoyens malheureux.

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Quel changement admirable va s'opérer dans les fêtes des Français ! C'est le jour consacré par vous à honorer le malheur qui sera celui où la reconnaissance publique s'acquittera envers les vieillards et les mères, les infirmes, les non valides, les cultivateurs et les artisans. Cette fête vraiment nationale sera célébrée dans chaque chef-lieu de district: les mères et les vieillards ne doivent pas être exposés à des courses trop pénibles ou trop longues; les chefs-lieux de district sont assez près des habitations les plus reculées dans leur arrondissement, et il y a dans chaque district assez de population pour embellir cette fête simple, dédiée à la vieillesse et à la maternité.

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ཝིཙྪིནཾ

Quant aux citoyens à qui leurs infirmités ou leur âge avancé ne permettent pas de se rendre au chef-lieu de district pour la fête civique, ils en seront dispensés naturellement, et ils pourront se faire représenter pour la réception de leur semestre, avec les formalités établies par le décret. La bienfaisance ne doit pas être onéreuse à ceux qui en sont l'objet.

Au milieu des émotions délicieuses que ce travail pour l'indigence vient de vous donner, je ne peux m'empêcher en terminant ce rapport de vous exprimer une derniere pensée qui vient involontairement affliger le cœur de tout homme qui jette ses regards sur l'état douloureux de cette partie de la société qui n'a d'autre dotation que le travail et la misère, d'autre espoir que l'emploi de ses forces et la mendicité, d'autre perspective que les fatigues du jour dans l'état de santé, et l'abandon, les hôpitaux ou les tombes publiques dans l'état de maladie! A ce spectacle on dirait que la moitié de la nation est née sous une constellation malheureuse, et doit aller s'engloutir dans des hôpitaux malsains, tandis que l'autre moitié épuise les délices de la vie dans des habitations brillantes.

» Si un tel abus pouvait être plus longtemps souffert, nous pourrions naturaliser parmi nous les préjugés des peuplades

barbares.

» Une relation de voyageur nous montre à Madagascar un préjugé dépopulateur qui règne au milieu de ce peuple doux, mais crédule et superstitieux.

» Il compte presque autant de jours heureux que de malheureux, et il immole impitoyablement tous les enfans qui naissent dans les jours réputés malheureux.

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Benyowsky, le plus éclairé d'entre les hommes de Madagascar, sauva plusieurs de ces victimes du plus abominable préjugé, et les fit élever au fort appelé Dauphin, où ils vécurent, et devinrent des hommes utiles.

» Cet exemple fit un si grand effet sur ces peuplades ignorantes, que toutes les femmes de Madagascar prièrent l'épouse de Benyowsky, assassiné par le despotisme, de venir de l'île de France, où elle était retirée, pour qu'elles pussent prêter sous ses yeux le serment de ne plus distinguer les jours heureux et malheureux. L'épouse de Benyowsky parut, et aussitôt toutes les mères, en présence de la nature, tenant leurs enfans dans leurs bras élevés vers le ciel, jurèrent unanimement de les nourrir tous indistinctement et avec un égal intérêt.

» La cérémonie fut auguste et touchante, et le serment le plus pur qui se soit jamais élevé vers l'auteur de la nature est celui des femmes de Madagascar dans cette circonstance, digne d'être citée dans les annales de l'humanité.

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Combien plus touchante et plus auguste sera la cérémonie dans laquelle le malheur sera honoré, puisque les deux extrémités de la vie seront réunies avec le sexe qui en est la source! Vous y serez, vieillards agricoles, artisans invalides! et à côté d'eux vous y serez aussi, mères et veuves infortunées, chargées d'enfans! Ce spectacle est le plus beau que la politique puisse présenter à la nature, et que la terre fertilisée puisse offrir au ciel consolateur.

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Représentans du peuple français, voilà les premiers pas vers la destruction de la misère, et l'amélioration du sort de l'espèce humaine.

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Jurons, nous aussi, de ne plus reconnaître des classes d'hommes voués à l'infortune, ou abandonnés à l'indigence! Jurons l'abolition de cette mendicité honteuse qui blesse la dignité de l'homme, offense la nature et l'humanité, flétrit

XIV.

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l'âme des citoyens, déshonore toutes les administrations, incompatible avec le gouvernement républicain!

et est

» Ce serment des représentans du peuple français sera aussí saint que celui des mères de Madagascar, et votre récompense sera dans les cœurs des habitans des campagnes et dans le bonheur du peuple ! » (Dans la méme séance la Convention adopta à l'unanimité, et sans discussion, le projet de décret conforme à ce rapport.)

En même temps que le gouvernement révolutionnaire s'appuyait sur des institutions politiques et morales, et qu'il obtenait ainsi la reconnaissance d'un peuple jaloux de prendre enfin sa place à côté des grands peuples de l'antiquité, il acquérait encore de la force et de la gloire par les triomphes des armées, que l'on regardait comme les siens; et en effet, c'était aux sages combinaisons, aux mesures énergiques, au génie de ses membres que le courage français avait dû de n'être plus enchaîné ou trahi. L'attitude de la République était devenue la honte et l'effroi de tous les ennemis de la révolution, l'espoir et l'admiration de tous les hommes libres.

La reconnaissance des peuples fut toujours ingénieuse à créer des idoles et des maîtres; elle s'est rendue complice de toutes les usurpations. C'est ainsi que le peuple français, au lieu de voir dans cette situation prospère l'ouvrage de la Convention nationale, n'y reconnut d'abord que celui du comité de salut public, et que bientôt, par un dangereux discernement, il se plut à ne l'attribuer qu'à l'influence de tel ou tel des personnages qui composaient ce comité. Mais Billaud-Varenne, Robert Lindet, Prieur ( de la Marne), ne se plaçaient qu'au second rang; c'étaient d'excellens chefs de division: Collot-d'Herbois, ambitieux vulgaire, se prodiguait dans les clubs: Jambon Saint-André administrait la marine : Barrère, d'un esprit vif et délié, d'une imagination féconde, brillante, riche encore de vastes connaissances littéraires ; orateur permanent, toujours inépuisable et fleuri, habile à embellir les récits les plus funestes, à concilier les opinions les plus contradictoires; Barrère, l'indispensable rapporteur de

tous les comités dont il a été membre, n'avait pas un caràc tère politique décidé; né pour être un grand homme de cour, dans la République il était aimé, applaudi comme un grand acteur: Carnot et Prieur (de la Côte-d'Or), savans illustres et modestes, ne pouvaient être jugés que par le petit nombre; ils n'attachaient pas leurs noms à ces institutions durables, à ces triomphes immortels qu'ils préparaient dans le silence Couthon, nouveau Lépide, ne recevait d'importance que par son intimité avec Robespierre et Saint-Just, les deux seuls membres que le peuple apercevait : c'est que tous deux, en rappelant les hommes aux principes naturels, leur avaient parlé le langage qu'ils savent si bien comprendre. Le jeune Saint-Just fondait sa popularité; on le regardait comme l'élève de Robespierre : il eût laissé loin le maître. Robespierre enfin, qui dans l'Assemblée constituante et depuis n'avait cessé de proclamer les principes démocratiques, de soutenir la cause populaire, recevait le prix de son zèle persévérant. L'opinion l'adopta pour premier héritier de la révolution. Les destinées de la République semblaient dépendre de sa fortune; son nom était dans toutes les bouches on pouvait d'ailleurs louer son intégrité, son désintéressement, ses vertus privées, sans craindre la censure même de ses ennemis; ses erreurs politiques, loin d'être combattues, étaient chaque jour sanctionnées par tous ses collègues ; dans son caractère soupçonneux et vindicatif on ne voyait que l'austérité du républicanisme; que si quelque esprit ombrageux apercevait en lui un dictateur, on objectait l'impossibilité où il était d'usurper un pouvoir confié à douze membres également dévoués à la chose publique, et révocables tous les mois par la Convention, qui certes saurait bien user de son droit si l'un d'eux cessait de mériter sa confiance...

Ce qui n'était chez le peuple que l'expression inconsidérée d'un sentiment de reconnaissance, reste de l'habitude contractée sous le despotisme d'un seul, formait aussi la tactique des ennemis de la révolution; vaincus par l'unanimité du gouvernement, ils cherchaient à le diviser, et à détruire l'un après l'autre les plus fermes soutiens de la République en les rendant odieux aux amis de la liberté, toujours inquiets et

jaloux, et pour qui une renommée est déjà une usurpation. Les factieux et les traîtres affectèrent donc de ne voir également qu'un homme dans le gouvernement de la République ils n'appelaient plus les reproches et la vengeance que sur la tête de Robespierre; Robespierre était l'unique auteur de tous les maux, de tous les crimes; c'était la seule tyrannie de Robespierre qu'ils voulaient détruire. L'étranger dans ses journaux, l'Anglais surtout, ne parlait que des opérations de Robespierre, de la politique de Robespierre, des armées, des soldats de Robespierre.

Ce nom, incessamment répété par la faiblesse, par l'erreur et par la perfidie, frappa l'imagination de ces êtres à qui la nature, dans ses incompréhensibles et respectables décrets, semble commander de grands crimes pour l'instruction des hommes; crimes qui s'élèvent parfois jusqu'à l'héroïsme, et que l'esprit humain n'ose apprécier que dans l'éloignement des siècles. Le vœu d'assassiner Robespierre fut fortement prononcé en France par des individus isolés, en même temps qu'il était provoqué par les calomnies de l'étranger plusieurs fois la nouvelle de sa mort parvint de Londres à Paris. Le danger qui menaçait sa personne avait accru son crédit et sa puissance, fortifié le culte qu'on lui rendait, nourri la haine de ceux qui lui enviaient sa popularité; il avait flatté son orgueil, et peut-être excité son ambition. Tout à coup deux tentatives, l'une détournée par une circonstance fortuite, l'autre sans détermination fixe, aidèrent à le proclamer le martyr de la République.

Un nommé Admiral, homme obscur, conçoit seul le dessein de délivrer sa patrie de deux monstres qui l'oppriment (1). Il attend vainement toute une journée Robespierre dans un passage du palais national; le soir il se décide à frapper sa seconde victime, Collot-d'Herbois, à qui

(1) Réponse d'Admiral dans son interrogatoire. Il ajouta qu'il ne croyait pas commettre un assassinat, mais une œuvre de bienfaisance envers la République. Admiral mourut avec fermeté. On Jui donna beaucoup de complices; il n'en avait point. Cécile Renault était également seule dans son projet.

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