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l'Allemagne, la France elle-même vous fourniront des soldats pour exécuter ces nobles exploits. Quand les puissances de la terre se liguent pour tuer un faible individu, sans doute il ne doit pas pas s'obstiner à vivre; aussi n'avons-nous pas fait entrer dans nos calculs l'avantage de vivre longuement. Ce n'est point pour vivre que l'on déclare la guerre à tous les tyrans, et, ce qui est beaucoup plus dangereux encore, à tous les crimes. (Applaudissemens.) Quel homme sur la terre a jamais défendu impunément les droits de l'humanité? Il y a quelques mois je disais à mes collègues du comité de salut public : si les armées de la République sont victorieuses, si nous démasquons les traîtres, si nous étouffons les factions, ils nous assassineront...; et je n'ai point du tout été étonné de voir réaliser ma prophétie : je trouve même pour mon compte que la situation où les ennemis de la République m'ont placé n'est pas sans avantage, car plus la vie des défenseurs de la patrie est incertaine et précaire, plus ils sont indépendans de la méchanceté des hommes. (Applaudissemens.)

» Entouré de leurs assassins, je me suis déjà placé moimême dans le nouvel ordre de choses où ils veulent m'envoyer; je ne tiens plus à une vie passagère que par l'amour de la patrie et par la soif de la justice, et, dégagé plus que jamais de toute considération personnelle, je me sens mieux disposé à attaquer avec énergie tous les scélérats qui conspirent contre mon pays et contre le genre humain! (Applaudissemens.) Plus ils se dépêchent de terminer ma vie ici bas, plus je veux me hâter de la remplir d'actions utiles au bonheur de mes semblables. Je leur laisserai du moins un testament dont la lecture fera frémir les tyrans et tous leurs complices; je révélerai peut-être des secrets redoutables qu'une sorte de prudence pusillanime aurait pu me déterminer à voiler; je dirai à quoi tiennent encore le salut de ma patrie et le triomphe de la liberté; si les mains perfides qui dirigent la rage des assassins ne sont pas encore visibles pour tous les yeux, je laisserai au temps le soin de lever le voile qui les couvre, et je me bornerai à rappeler les vérités qui peuvent seules sauver cette République !

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Oui, quoi que puisse penser l'imprévoyante légèreté, quoi que puisse dire la perfidie contre-révolutionnaire, les des

tinées de la République ne sont pas encore entièrement affermies, et la vigilance des représentans du peuple français est plus que jamais nécessaire!

» Ce qui constitue la République ce n'est ni la pompe des dénominations, ni la victoire, ni la richesse, ni l'enthousiasme passager c'est la sagesse des lois, et surtout la bonté des mœurs; c'est la pureté et la stabilité des maximes du gouvernement. Les lois sont à faire, les maximes du gouvernement à assurer, les mœurs à régénérer. Si l'une de ces choses manque, il n'y a dans un État qu'erreurs, orgueil, passions, factions, ambition, cupidité : la République alors, loin de réprimer les vices, ne fait que leur donner un plus libre essor, et les vices ramènent nécessairement à la tyrannie. Quiconque n'est pas maître de soi est fait pour être l'esclave des autres : c'est une vérité pour les peuples comme pour les individus. Voulez-vous savoir quels sont les ambitieux? Examinez quels sont ceux qui protègent les fripons, qui encouragent les contre-révolutionnaires, qui excusent tous les attentats, qui méprisent la vertu, qui corrompent la morale publique : c'était la marche des conspirateurs qui ont tombé sous le glaive de la loi. Faire la guerre au crime c'est le chemin du tombeau et de l'immortalité; favoriser le crime c'est le chemin du trône et de l'échafaud. (Applaudissemens.)

» Les êtres pervers étaient parvenus à jeter la République et la raison humaine dans le chaos : il s'agit de les en retirer, et de créer l'harmonie du monde moral et politique. Le peuple français a deux garans de la possibilité d'exécuter cette héroïque entreprise; les principes de sa représentation actuelle, et ses propres vertus. Le moment où nous sommes est favorable, mais il est peut-être unique. Dans l'état d'équilibre où sont les choses il est facile de consolider la liberté ; il est facile de la perdre. Si la France était gouvernée pendant quelques mois par une législature corrompue, la liberté serait perdue ; la victoire resterait aux factions et à l'immoralité. Votre concert et votre énergie ont étonné l'Europe, et l'ont vaincue : si vous savez cela aussi bien que vos ennemis, vous en triompherez facilement.

» J'ai parlé de la vertu du peuple ; et cette vertu, attestée par toute la révolution, ne suffirait pas seule pour nous ras

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surer contre les factions, qui tendent sans cesse à corrompre et à déchirer la République. Pourquoi cela ? C'est qu'il y a deux peuples en France : l'un est la masse des citoyens, pure, simple, altérée de la justice, et amie de la liberté ; c'est ce peuple vertueux qui verse son sang pour fonder la République, qui impose aux ennemis du dedans, et ébranle les trônes des tyrans : l'autre est ce ramas d'ambitieux et d'intrigans; c'est ce peuple babillard, charlatan, artificieux, qui se montre partout, qui persécute le patriotisme, qui s'empare des tribunes et souvent des fonctions publiques; qui abuse de l'instruction que les avantages de l'ancien régime lui ont donnée pour tromper l'opinion publique ; c'est ce peuple de fripons, d'étrangers, de contre-révolutionnaires hypocrites, qui se place entre le peuple français et ses représentans pour tromper l'un et pour calomnier les autres, pour entraver leurs opérations, pour tourner contre le bien public les lois les plus utiles et les vérités les plus salutaires. Tant que cette race impure existera la République sera malheureuse et précaire : c'est à vous de l'en délivrer par une énergie imposante et par un concert inaltérable.

» Ceux qui cherchent à nous diviser, ceux qui arrêtent la marche du gouvernement, ceux qui le calomnient tous les jours près de vous par des insinuations perfides, ceux qui cherchent à former contre lui une coalition dangereuse de toutes les passions funestes, de tous les amours-propres irascibles, de tous les intérêts opposés à l'intérêt public, sont vos ennemis et ceux de la patrie; ce sont les successeurs des Brissot, des Hébert, des Danton : qu'ils règnent un seul jour, et la patrie est perdue! En disant ces choses j'aiguise contre moi des poignards; et c'est pour cela même que je les dis. Vous persévérerez dans vos principes et dans votre marche triomphante, vous étoufferez les crimes et vous sauverez la patrie! J'ai assez vécu ; j'ai vu le peuple français s'élancer du sein de l'avilissement et de la servitude au faîte de la gloire et de la liberté ; j'ai vu ses fers brisés, et les trônes coupables qui pèsent sur la terre près d'être renversés sous ses mains triomphantes; j'ai vu un prodige plus étonnant encore, un prodige que la corruption monarchique et l'expérience des premiers temps de notre révolution permettent à peine de regarder comme possible, une Assemblée, investie de la puissance de la

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nation française, marchant d'un pas rapide et ferme vers le bonheur public, dévouée à la cause du peuple et au triomphe de l'égalité, digne de donner au monde le signal de la liberté et l'exemple de toutes les vertus!

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Achevez, citoyens, achevez vos sublimes destinées ! Vous nous avez placés à l'avant-garde pour soutenir le premier effort des ennemis de l'humanité; nous mériterons cet honneur, et nous vous tracerons de notre sang la route de l'immortalité. Puissiez-vous déployer constamment cette énergie inaltérable dont vous avez besoin pour étouffer tous les monstres de l'univers conjurés contre vous, et jouir ensuite en paix des béné– dictions du peuple et du fruit de vos vertus!

DÉCRET. (Vote par acclamation.)

>>

"La Convention nationale décrète que le discours du citoyen Robespierre sera inséré dans le bulletin; il sera imprimé aussi dans la forme ordinaire, et traduit dans toutes les langues. Il en sera donné six exemplaires à chaque membre de la Convention. »

Le 7 prairial avait été un grand jour pour Robespierre ; le 20 il partagea en quelque sorte les hommages rendus à

la Divinité.

L'unanimité des suffrages de ses collègues l'appela le 16 au fauteuil cette unanimité avait-elle été concertée, sollicitée ? ne faut-il y voir qu'une nouvelle marque d'intérêt donnée à celui que menaçaient tous les poignards de l'Europe? ou bien était-elle un acte de déférence envers celui qui avait proposé le décret du 18 floréal? Quoi qu'il en soit, la solennité fixée au 20 prairial par ce décret se trouvait pour ainsi dire légalement comprise dans les jours de sa présidence; il dut, sans paraître l'usurper, y prendre la première place. Pendant les quinze jours que le fauteuil lui resta dévolu, il n'y siégea pas une seule fois ; il l'abandonna à des ex-présidens, ainsi que le lui permettait le réglement.

Mais le 20 prairial, marchant d'un pas orgueilleux à la tête de la représentation nationale, affectant de laisser entre lui et ses collègues une distance remarquable, la tête haute et le regard superbe, il se montra dans tout l'éclat de sa gloire :

organe de la France entière, il éleva sa voix jusqu'au créateur de toutes choses. Il était l'auteur de cette fête fameuse à l'Étre supréme; il en fut aussi le grand-prêtre. Mais, semblable aux triomphateurs de l'antiquité, au milieu des honneurs qui l'entouraient il ne put éviter les traits de l'âpre censure et du ridicule mordant. La jalousie républicaine ne mesura qu'avec effroi la hauteur où il s'était placé; l'envie, la haine sourit à son ivresse, et jura en secret sa perte: dès lors on vit se former l'orage qui le renversa.

Voici les deux discours que Robespierre prononça dans la journée du 20 prairial, comme président de la Convention nationale :

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1o Au peuple réuni pour la fête de l'Étre supréme.

Français républicains, il est enfin arrivé ce jour à jamais fortuné que le peuple français consacre à l'Etre suprême! Jamais le monde qu'il a créé ne lui offrit un spectacle aussi digne de ses regards. Il a vu régner sur la terre la tyrannie, le crime et l'imposture il voit dans cè moment une nation entière, aux prises avec tous les oppresseurs du genre humain, suspendre le cours de ses travaux héroïques pour élever sa pensée et ses vœux vers le grand Etre qui lui donna la mission de les entreprendre, et la force de les exécuter!

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» N'est-ce pas lui dont la main immortelle en gravant dans le cœur de l'homme le code de la justice et de l'égalité, y traça la sentence de mort des tyrans? N'est-ce pas lui qui dès le commencement des temps décréta la République, et mit à l'ordre du jour, pour tous les siècles et pour tous les peuples, la liberté, la bonne foi et la justice?

>> Il n'a point créé les rois pour dévorer l'espèce humaine; il n'a point créé les prêtres pour nous atteler comme de vils animaux, au char des rois, et pour donner au monde l'exemple de la bassesse, de l'orgueil, de la perfidie, de l'avarice, de la débauche et du mensonge: mais il a créé l'univers pour publier sa puissance; il a créé les hommes pour s'aider, pour s'aimer mutuellement, et pour arriver au bonheur par la route de la

vertu.

» C'est lui qui plaça dans le sein de l'oppresseur triom

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