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phant le remords et l'épouvante, et dans le cœur de l'innocent opprimé le calme et la fierté ; c'est lui qui force l'homme juste à haïr le méchant, et le méchant à respecter l'homme juste; c'est lui qui orna de pudeur le front de la beauté pour l'embellir encore ; c'est lui qui fait palpiter les entrailles maternelles de tendresse et de joie ; c'est lui qui baigne de larmes délicieuses les yeux du fils pressé contre le sein de sa mère; c'est lui qui fait taire les passions les plus impérieuses et les plus tendres devant l'amour sublime de la patrie; c'est lui qui a couvert la nature de charmes, de richesses et de majesté. Tout ce qui est bon est son ouvrage, ou c'est lui-même : le mal appartient à l'homme dépravé qui opprime ou qui laisse opprimer ses semblables.

» L'auteur de la nature avait lié tous les mortels par une chaîne immense d'amour et de félicité : périssent les tyrans qui ont osé la briser!

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Français républicains, c'est à vous de purifier la terre, qu'ils ont souillée, et d'y rappeler la justice, qu'ils en ont bannie! La liberté et la vertu sont sorties ensemble du sein de la Divinité : l'une ne peut séjourner sans l'autre parmi les hommes. Peuple généreux, veux-tu triompher de tous tes ennemis? Pratique la justice, et rends à la Divinité le seul culte digne d'elle. Peuple, livrons-nous aujourd'hui sous ses auspices aux transports d'une pure allégresse! Demain nous combattrons encore les vices et les tyrans; nous donnerons au monde l'exemple des vertus républicaines, et ce sera l'honorer encore ! >>

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2° Au moment où l'athéisme, consumé par les flammes a disparu, et que la sagesse apparaît à sa place aux regards du peuple.

<< Il est rentré dans le néant ce monstre que le génie des rois avait vomi sur la France! Qu'avec lui disparaissent tous les crimes et tous les malheurs du monde ! Armés tour à tour des poignards du fanatisme et des poisons de l'athéisme, les rois conspirent toujours pour assassiner l'humanité: s'ils ne peuvent plus défigurer la Divinité par la superstition pour l'asso

cier à leurs forfaits, ils s'efforcent de la bannir de la terre pour y régner seuls avec le crime.

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Peuple, ne crains plus leurs complots sacriléges; ils ne peuvent pas plus arracher le monde du sein de son auteur que le remords de leurs propres cœurs! Infortunés, redressez vos fronts abattus; vous pouvez encore impunément lever les yeux vers le ciel! Héros de la patrie, votre généreux dévouement n'est point une brillante folie; si les satellites de la tyrannie peuvent vous assassiner, il n'est pas en leur pouvoir de vous anéantir tout entiers! Homme, qui que tu sois, tu peux concevoir encore de hautes pensées de toi-même ; tu peux lier ta vie passagère à Dieu même et à l'immortalité! Que la nature reprenne donc tout son éclat, et la sagesse tout son empire! L'Etre suprême n'est point anéanti.

» C'est surtout la sagesse que nos coupables ennemis voulaient chasser de la République : c'est à la sagesse seule qu'il appartient d'affermir la prospérité des empires; c'est à elle de nous garantir les fruits de notre courage. Associons-la donc à toutes nos entreprises! Soyons graves et discrets dans nos délibérations, comme des hommes qui stipulent les intérêts du monde; soyons ardens et opiniâtres dans notre colère contre les tyrans conjurés; imperturbables dans les dangers, patiens dans les travaux, terribles dans les revers, modestes et vigilans dans les succès, soyons généreux envers les bons, compatissans envers les malheureux, inexorables envers les méchans, justes envers tout le monde; ne comptons point sur une prospérité sans mélange, et sur des triomphes sans obstacles, ui sur tout ce qui dépend de la fortune ou de la perversité d'autrui; ne nous reposons que sur notre constance et sur notre vertu, seuls, mais infaillibles garans de notre indépendance; écrasons la ligue impie des rois par la grandeur de notre caractère, plus encore que par la force de nos armes.

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Français, vous combattez les rois; vous êtes donc dignes d'honorer la Divinité! Être des êtres, auteur de la nature, l'esclave abruti, le vil suppôt du despotisme, l'aristocrate perfide et cruel t'outragent en t'invoquant ; mais les défenseurs de la liberté peuvent s'abandonner avec confiance dans ton sein paternel!

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Être des êtres, nous n'avons point à t'adresser d'injustes prières tu connais les créatures sorties de tes mains; leurs besoins n'échappent pas plus à tes regards que leurs plus secrètes pensées. La haine de la mauvaise foi et de la tyrannie brûle dans nos cœurs avec l'amour de la justice et de la patrie; notre sang coule pour la cause de l'humanité : voilà notre prière, voilà nos sacrifices, voilà le culte que nous

t'offrons! »>

Cette fête, sublime par son objet, ordonnée avec grandeur, célébrée dans un ordre imposant et majestueux, fut encore admirable par le recueillement du peuple, par sa joie douce et respectueuse, par le concert de toutes les voix et de tous les cœurs. En voici le plan, qui peut en être regardé comme le récit par l'exactitude avec laquelle il fut suivi, jusque dans la manifestation présumée des sentimens de tous les citoyens.

PLAN de la FÊTE A L'ÊTRE SUPRÊME, par David; décrété par la Convention nationale pour être exécuté le 20 prairial an 2 de la République, (8 juin 1794. ì

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L'aurore annonce à peine le jour, et déjà les sons d'une musique guerrière retentissent de toute part, et font succéder au calme du sommeil un réveil enchanteur.

» A l'aspect de l'astre bienfaisant qui vivifie et colore la nature, amis, frères, époux, enfans, vieillards et mères s'embrassent, et s'empressent à l'envi d'orner et de célébrer la fête de la Divinité.

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On voit aussitôt les banderoles tricolores flotter à l'extérieur des maisons; les portiques se décorent de festons de verdure la chaste épouse tresse de fleurs la chevelure flottante de sa fille chérie, tandis que l'enfant à la mamelle presse le sein de sa mère, dont il est la plus belle parure : le fils, au bras vigoureux, se saisit de ses armes ; il ne veut recevoir le baudrier que des mains de son père : le vieillard, souriant de plaisir, les yeux mouillés des farmes de la joie, sent rajeunir son âme et son courage en présentant l'épée aux défenseurs de la liberté.

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Cependant l'airain tonne : à l'instant les habitations sont

XIV.

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désertes; elles restent sous la sauvegarde des lois et des verlus républicaines; le peuple remplit les rues et les places publiques; la joie et la fraternité l'enflamment. Ces groupes divers, parés des fleurs du printemps, sont un parterre animé dont les parfums disposent les âmes à cette scène touchante.

» Les tambours roulent; tout prend une forme nouvelle. Les adolescens, armés de fusils, forment un bataillon carré autour du drapeau de leur section respective. Les mères quittent leurs fils et leurs époux; elles portent à la main des bouquets de roses; leurs filles, qui ne doivent jamais les abandonner que pour passer dans les bras de leurs époux, les accompagnent, et portent des corbeilles remplies de fleurs : les pères conduisent leurs fils, armés d'une épée; l'un et l'autre tiennent à la main une branche de chêne.

» Tout est prêt pour le départ; chacun brûle de se rendre au lieu où doit commencer cette cérémonie, qui va réparer les torts des nouveaux prêtres du crime et de la royauté.

» Une salve d'artillerie annonce le moment désiré. Le peuple se réunit au jardin National; là il se range autour d'un amphithéâtre destiné pour la Convention : les portiques qui l'avoisinent sont décorés de guirlandes de verdure et de fleurs, entremêlées de rubans tricolors.

>> Les sections arrivées, les autorités constituées, le peuple annoncent à la représentation nationale que tout est préparé pour célébrer la fête de l'Etre suprême.

» La Convention nationale, précédée d'une musique éclatante, se montre au peuple: le président paraît à la tribune élevée au centre de l'amphithéâtre; il fait sentir les motifs qui ont déterminé cette fête solennelle; il invite le peuple à honorer l'Auteur de la nature.

» Il dit; le peuple fait retentir les airs de ses cris d'allégresse.

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Tel se fait entendre le bruit des vagues d'une mer agitée, que les vents sonores du midi soulèvent et prolongent en échos dans les vallons et les forêts lointaines.

» Au bas de l'amphithéâtre s'élève un monument où sont réunis tous les ennemis de la félicité publique; le monstre désolant de l'Athéisme y domine; il est soutenu par l'Ambition, l'Égoïsme, la Discorde et la fausse Simplicité, qui, à travers les haillons de la misère, laisse entrevoir les ornemens dont se parent les esclaves de la royauté.

» Sur le front de ces figures on lit ces mots : seul espoir de l'étranger.

» Il va lui être ravi. Le président s'approche, tenant entre ses mains un flambeau : le groupe s'embrase; il rentre dans

le néant avec la même rapidité que les conspirateurs qu'a frappés le glaive de la loi.

»Du milieu de ces débris s'élève la Sagesse, au front calme et serein à son aspect des larmes de joie et de reconnaissance coulent de tous les yeux; elle console l'homme de bien, que l'Athéisme voulait réduire au désespoir. La fille du ciel semble dire: Peuple, rends hommage à l'auteur de la nature; respecte ses décrets immuables. Périsse l'audacieux qui oserait y porter atteinte! Peuple généreux et brave, juge de la grandeur par les moyens qu'on emploie pour t'égarer. Tes hypocrites ennemis connaissent ton attachement sincère aux lois de la raison, et c'est par là qu'ils voulaient te perdre; mais tu ne seras plus dupe de leur imposture; fu briseras toi-même la nouvelle idole que ces nouveaux druides voulaient relever par la violence!

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Après cette première cérémonie, que termine un chant simple et joyeux, le bruit des tambours se fait entendre; le son perçant de la trompette éclate dans les airs. Le peuple se dispose: il est en ordre; il part. Deux colonnes s'avancent; les hommes d'un côté, les femmes de l'autre, marchent sur deux files parallèles. Le bataillon carré des adolescens marche toujours dans le même ordre. Le rang des sections est déterminé par la lettre alphabétique. Au milieu du peuple paraissent ses représentans; ils sont environnés par l'Enfance, ornée de violettes; l'Adolescence, de myrtes; la Virilité, de chêne ; et la Vieillesse aux cheveux blancs, de pampre et d'olivier : chaque représentant porte à la main un bouquet d'épis de blé, de fleurs et de fruits, symbole de la mission qui lui a été confiée; mission qu'ils rempliront en dépit des obstacles renaissans sous leurs pas !

» Au centre de la représentation nationale quatre taureaux vigoureux, couverts de festons et de guirlandes, traînent un char sur lequel brille un trophée composé des instrumens des arts et métiers, et des productions du territoire français. Vous qui vivez dans le luxe et dans la mollesse, vous dont l'existence n'est qu'un pénible sommeil, peut-être vous oserez jeter un regard de mépris sur ces utiles instrumens.... Ah! fuyez, fuyez loin de nous! vos âmes corrompues ne sauraient goûter les jouissances simples de la nature! Et toi, peuple laborieux et sensible, jouis de ton triomphe et de ta gloire; dédaigne les vils trésors de tes lâches ennemis ; n'oublie pas surtout que les héros et les bienfaiteurs de l'humanité conduisaient la charrue de la même main qui avait vaincu les rois et leurs satellites! Après avoir, durant la marche, couvert d'offrandes et de fleurs la statue de la Liberté, le cortége arrive au champ

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