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de la Réunion. Ames pures, cœurs vertueux, c'est ici que vous attend une scène ravissante! c'est ici que la liberté vous a ménagé ses plus douces jouissances !

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» Une montagne immense devient l'autel de la patrie; sur sa cîme s'élève l'arbre de la liberté. Les représentans s'élancent sous ses rameaux protecteurs ; les pères avec leurs fils se groupent sur la partie de la montagne qui leur est désignée; les mères avec leurs filles se rangent de l'autre côté : leur fécondité et les vertus de leurs époux sont les seuls titres qui les y ont conduites. Un silence profond règne de toute part; les accords touchans d'une musique harmonieuse se font entendre. Les pères, accompagnés de leurs fils chantent une première strophe; ils jurent ensemble de ne plus poser les armes qu'après avoir anéanti les ennemis de la République ; tout le peuple répète la finale. Les filles avec leurs mères, les yeux fixés vers la voûte céleste chantent une seconde strophe : celles-ci promettent de n'épouser jamais que des hommes qui auront servi la patrie; les mères s'enorgueillissent de leur fécondité: — Nos enfans, disent-elles, après avoir purgé la terre des tyrans coalisés contre nous, reviendront s'acquitter d'un devoir cher à leur cœur ; ils fermeront la paupière de ceux dont ils ont reçu le jour. Le peuple répète les expressions de ces sentimens sublimes, inspirés par l'amour sacré des vertus. Une troisième et dernière strophe est chantée par le peuple entier.

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» Tout s'émeut, tout s'agite sur la montagne; hommes, femmes, filles, vieillards, enfans, tous font retentir l'air de leurs accens. Ici les mères pressent les enfans qu'elles allaitent; là, saisissant les plus jeunes de leurs enfans mâles, ceux qui n'ont point assez de force pour accompagner leurs pères, et les soulevant dans leurs bras, elles les présentent en hommage à l'auteur de la nature; les jeunes filles jettent vers le ciel les fleurs qu'elles ont apportées, seule propriété dans un âge aussi tendre. Au même instant, et simultanément, les fils, brûlant d'une ardeur guerrière, tirent leurs épées, les déposent dans les mains de leurs vieux pères; ils jurent de les rendre partout victorieuses; ils jurent de faire triompher l'égalité et la liberté contre l'oppression des tyrans! Partageant l'enthousiasme de leurs fils, les vieillards ravis les embrassent, et répandent sur eux leur bénédiction paternelle.

» Une décharge formidable d'artillerie, interprète de la vengeance nationale, enflamme le courage de nos républicains; elle leur annonce que le jour de gloire est arrivé. Un chant mâle et guerrier, avant-coureur de la victoire, répond au bruit du canon. Tous les Français confondent leurs sentimens dans un embrassement fraternel; ils n'ont plus qu'une voix,

dont le cri général, vive la République, monte vers la Divinité ! >>

Nota. Les strophes chantées par le peuple, sur l'air de la Marseillaise, ont été composées par Chénier dans le sens indiqué au présent programme. L'Hymne à la Divinité, paroles de Désorgues, musique de Gossec, a été exécuté par l'institut de musique seul. Chénier avait aussi composé un hymne à l'Etre suprême, Source de vérité, etc.; mais celui de Désorgues, Père de l'univers, etc., fut préféré par le comité de salut public.

On a vu Robespierre s'élever par degrés encore dans l'enivrement où l'avait plongé la journée du 20 prairial, il veut s'élancer plus rapide jusqu'au faîte de la puissance; mais c'est sa chute qui aura la promptitude de l'éclair.

La Convention s'était montrée docile aux développemens de son système; il avait composé de ses créatures la commune de Paris; la plupart des représentans du peuple en mission aux armées ou dans les départemens agissaient selon ses vues; le tribunal révolutionnaire punissait inexorablement les conspirateurs et les traîtres, et même les hommes seulement dangereux par leur opinion, ou suspects par leur caractère personnel; le peuple applaudissait, glorieux et dévoué, à ce nouvel ordre de choses; enfin la régénération politique s'opérait, mais trop lentement aux yeux de l'impitoyable réformateur. Il avait déclaré la guerre à tous les vices; il se crut assez fort pour les frapper jusques autour de lui. De là cette loi terrible qui donna au tribunal révolutionnaire une nouvelle vigueur, et dont l'adoption, arrachée par la force, précipita la ruine de ses auteurs.

RAPPORT sur le tribunal révolutionnaire, fait par Couthon au nom du comité de salut public. - Du 22 prairial an 2. (10 juin 1794.)

<< Toutes nos idées dans les diverses parties du gouvernement étaient à réformer; elles n'étaient toutes que des préjugés créés par la perfidie et par l'intérêt du despotisme, ou bien un mélange bizarre de l'imposture et de la vérité, inévitable effet des transactions que la raison lui avait arrachées.

>> Ces notions fausses ou obscures ont survécu en grande

partie à la révolution même, parce que les ennemis de la liberté ont épuisé toutes les ressources de l'intrigue pour les perpétuer.

L'ordre judiciaire surtout nous en offre un exemple frappant; il était aussi favorable au crime qu'oppressif pour l'inno

cence.

L'univers en dénonçait les vices quand Séguier en faisait encore le panégyrique. La révolution est bien loin de les avoir tous fait disparaître. Comment pourrait-on le penser, si l'on se rappelle que notre nouveau code criminel est l'ouvrage des conspirateurs les plus infâmes de l'Assemblée constituante, et que le nom de Duport en souille le frontispice! Le charlatanisme machiavélique qui l'a créé a pu venir à bout de le faire préconiser machinalement par l'ignorance crédule; mais il a changé les termes de la jurisprudence plutôt que l'esprit, et en a calculé les dispositions sur l'intérêt des riches et des factions beaucoup plus que sur celui de la justice et de la vérité.

» Les droits de la République ont été bien moins respectés encore dans la poursuite des crimes contre la liberté, que ceux de la tranquillité publique et des faibles dans la poursuite des délits ordinaires : il suffirait de citer le nom de la haute cour nationale. Les temps moins malheureux qui ont suivi ne sont pas à beaucoup près exempts du même reproche.

>> La faction immortelle des indulgens, qui se confond avec toutes les autres, qui en est la patrone et le soutien, n'a cessé de prendre sous sa sauvegarde les maximes protectrices des traîtres, et l'activité de la justice, sans proportion avec celle des ennemis de la patrie et avec leur multitude innombrable, a toujours laissé flottantes les destinées de la République. Le tribunal révolutionnaire, longtemps paralysé, a justifié son titre plutôt par le civisme de ses membres que par les formes de son organisation, sur laquelle ont puissamment influé les conspirateurs mêmes que la conscience de leurs crimes forçait à le redouter. Que n'ont-ils l'enfacer dans les entraves fait pas pour de la chicane et de l'ancienue jurisprudence!

» Le régime du despotisme avait créé une vérité judiciaire qui n'était point la vérité morale et naturelle, qui lui était même opposée, et qui cependant décidait seule, avec les passions, du sort de l'innocence et du crime; l'évidence n'avait

pas le droit de convaincre sans témoins ni sans écrits, et le mensonge, environné de ce cortége, avait celui de dicter les arrêts de la justice : la judicature était une espèce de sacerdoce fondé sur l'erreur, et la justice une fausse religion, qui consistait tout entière en dogmes, en rites et en mystères, et dont la morale était bannie. Les indulgens contre-révolutionnaires voulurent assujétir à ces règles la justice nationale et le cours de la révolution. Les preuves morales étaient comptées pour rien, comme si une autre règle pouvait déterminer les jugemens humains, comme si les preuves les plus matérielles elles-mêmes pouvaient valoir autrement que comme preuves morales! La perfidie contre-révolutionnaire cachait sous le voile d'une délicatesse hypocrite le dessein d'assurer l'impunité des conspirateurs, assassinait le peuple par fausse humanité, et trahissait la patrie par scrupule! Tout concourait à amollir ou à égarer la justice; l'intrigue l'environnait de ses piéges; l'aristocratie l'intimidait par ses éternelles clameurs; on voyait sans surprise des femmes sans pudeur demander qu'on sacrifiât la liberté à leurs parens, à leurs maris, à leurs amis, c'est à dire presque toujours à leurs complices; tout le monde sollicitait pour la parenté, pour l'amitié, pour la contre-révolution personne ne sollicitait pour la patrie; la faction des indulgens ne manquait jamais de prétextes pour la faire oublier. Tantôt elle opposait les prétendues vertus privées des ennemis du peuple à leurs crimes publics, comme si la vertu pouvait habiter avec le crime; tantôt elle leur cherchait des titres de patriotisme dans les monumens mêmes de leur coupable hypocrisie; tantôt elle appelait la haine et les poignards sur la tête des représentaus fidèles ou des juges intègres qui avaient le courage de venger la patrie.

Mais autant elle était indulgente pour les grands scélérats, autant elle était inexorable pour les malheureux; elle ne trouvait jamais un ennemi de la révolution convaincu, ni un patriote innocent. Ces féroces et lâches ennemis de l'humanité, tout couverts du sang du peuple, appelaient hommes de sang ceux qui voulaient sauver l'humanité par la justice, et quelquefois ils venaient à bout de les affaiblir ou de les étonner.

» Il est résulté de là que jamais la justice nationale n'a

montre l'attitude imposante ni déployé l'énergie qui lui convenait, que l'on a semblé se piquer d'être juste envers les particuliers sans se mettre beaucoup en peine de l'être envers la République, comme si les tribunaux destinés à punir ses ennemis avaient été institués pour l'intérêt des conspirateurs, et non pour le salut de la patrie!

» Ce qui surtout a favorisé la conjuration des indulgens c'est l'adresse avec laquelle ils ont confondu les choses les plus contraires, c'est à dire des mesures prises par la République pour étouffer les conspirations, avec les fonctions ordinaires des tribunaux pour les délits privés et dans des temps de calme, Il faut en chercher la différence dans les principes mêmes de l'intérêt social, qui est la source de toutes les institutions politiques, et par conséquent de toutes les lois relatives à l'exercice de la justice.

» Les délits ordinaires ne blessent directement que les individus, et indirectement la société entière; et comme par leur nature ils n'exposent point le salut public à un danger imminent, et que la justice prononce entre des intérêts particuliers, elle peut admettre quelques lenteurs, un certain luxe. de formes, et même une sorte de partialité envers l'accusé; elle n'a guère autre chose à faire qu'à s'occuper paisiblement de précautions délicates pour garantir le faible contre l'abus du pouvoir judiciaire.

» Cette doctrine est celle de l'humanité, parce qu'elle est conforme à l'intérêt public autant qu'à l'intérêt privé.

» Les crimes des conspirateurs, au contraire, menacent directement l'existence de la société ou sa liberté, ce qui est la même chose; la vie des scélérats est ici mise en balance avec celle du peuple; ici toute lenteur affectée est coupable; toute formalité indulgente ou superflue est un danger public. Le délai pour punir les ennemis de la patrie ne doit être que le temps de les reconnaître; il s'agit moins de les punir que de les anéantir.

>> Une révolution comme la nôtre n'est qu'une succession rapide de conspirations, parce qu'elle est la guerre de la tyrannie contre la liberté, du crime contre la vertu. Il n'est pas question de donner quelques exemples, mais d'exterminer

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