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les implacables satellites de la tyrannie, ou de périr avec la République ! L'indulgence envers eux est atroce, la clémence est parricide. Celui qui veut subordonner le salut public aux préjugés du palais, aux inversions des jurisconsultes, est un insensé ou un scélérat qui veut tuer juridiquement la patrie et l'humanité.

>> Si l'on veut avoir un gouvernement raisonnable, si l'on veut terminer les crises de la révolution, il est temps de porter dans toutes les parties de l'administration civile et politique cette justesse d'esprit qui met chaque principe à sa place, et qui prévient cette confusion éternelle des idées, la source la plus féconde de nos erreurs. Je n'en citerai qu'un exemple', analogue au sujet même que je traite.

» Sous l'ancien despotisme la philosophie lui demandait en vain des conseils pour les accusés: impuissante ressource pour le faible opprimé contre la tyrannie des lois et des tribunaux de ce temps; il eût beaucoup mieux valu instituer des lois et des juges tels que ce remède ne fût pas nécessaire. Mais lorsqu'appliquant ces souvenirs à tort et à travers, si j'ose ainsi parler, aux événemens les plus extraordinaires de notre révolution, on demanda, on obtint des défenseurs officieux pour le tyran détrôné de la France, on fit, les uns sans le savoir, et les autres le sachant trop bien, une chose également absurde, immorale et impolitique; on remit la liberté en question, `et la patrie en danger. Par ce seul acte on abjurait la République ; la loi elle-même invitait les citoyens au crime, et consacrait scandaleusement les attentats contre la République, car défendre la cause des tyrans c'est conspirer contre la République.

» On fit précisément la même faute quand on donna des défenseurs officieux aux complices du tyran, c'est à dire à tous les conspirateurs. Chose incroyable! la liberté était menacéc par des conjurations éternelles, et la loi elle-même s'obstinait à chercher des auxiliaires à ses ennemis! Le tribunal institué pour les punir retentissait de blasphemes contre la révolution, et de déclamations perfides dont le but était de lui faire le procès en présence du peuple, et ce n'était point à ces avoués mercenaires de la tyrannie qu'il fallait s'en prendre, mais à la Joi seule, car plus ils outrageaient le peuple, plus ils remplis

saient dignement le rôle qu'elle leur imposait elle-même ! Les membres du tribunal révolutionnaire écrivaient, il y a déjà assez longtemps, au comité de salut public, que les défenseurs officieux rançonnaient les accusés d'une manière scandaleuse, que tel s'était fait donner 1,500 livres pour un plaidoyer, que les malheureux seuls n'étaient pas défendus. Que pouvait-on attendre autre chose d'une classe d'hommes voués par état à la défense des ennemis de la patrie, ou plutôt d'une institution qui suppose le défaut absolu de principes?

» La République, attaquée dans sa naissance par des ennemis aussi perfides que nombreux, doit les frapper avec la rapidité de la foudre, en prenant les précautions nécessaires pour sauver les patriotes calomniés : ce n'est qu'en remettant l'exercice de la justice nationale à des mains pures et républicaines qu'elle peut remplir ce double objet.

>> Les défenseurs naturels et les amis nécessaires des patriotes accusés ce sont les jurés patriotes : les conspirateurs ne doivent en trouver aucun. Combien on ménagerait le sang des bons citoyens, combien on épargnerait de malheurs à la patrie, si l'on pouvait sortir de l'ornière de la routine pour suivre les principes de la raison, et pour les appliquer à notre situation politique!

» Nous avons crudevoir rappeler ici quelques vérités simples, non pour les réduire en pratique dans ce moment d'une manière précise et absolue, mais pour balancer l'influence dangereuse de la faction des indulgens, qui cherche toujours à tuer la liberté par le salut de ses assassins.

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Qu'elle soit satisfaite enfin des hécatombes des héros républicains qu'elle a immolés à sa lâche férocité! Grâces à sa perfide doctrine, que le despotisme royal et sénatorial érigea longtemps en principes de gouvernement et même en vertu, deux cent mille de nos frères ont tombé victimes des plus lâches trahisons, et le triomphe de la plus sainte de toutes les causes a été retardé de quelques années! C'en était fait de la liberté si vous n'aviez enfin rendu à la justice le droit de la venger ; c'est votre énergie qui dans ces derniers temps nous a donné les de vaincre nos ennemis étrangers, en arrêtant l'audace de nos ennemis intérieurs. Cominent croire à la République ou

moyens

à la victoire, quand la ligue des tyrans et des traîtres dominait dans l'État, et se jouait impunément des destinées du peuple français ? Il est vrai que l'audace des conjurations, sans cesse renaissantes, vous a sans cesse prouvé que vous n'aviez point fait assez pour les étouffer. Vous avez senti à la fois l'insuffi- ' sance d'un seul tribunal révolutionnaire pour délivrer la République des perfides et féroces ennemis qu'elle renferme dans son sein, et les dangers de trop multiplier cette institution; vous avez désiré du moins de la perfectionner, et de la débarrasser des entraves absurdes ou funestes qui peuvent arrêter la marche de la justice nationale. Vous aviez en conséquence ordonné à votre comité de salut public, il y a deux mois, de vous présenter un projet de décret qui pût remplir cette vue. (1)

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Distraits jusqu'à ce jour de cet objet par des soins non moins pressans, nous essaierons de réaliser aujourd'hui votre vou. Nous ne vous proposerons cependant point de changement dans l'organisation du tribunal révolutionnaire, mais seulement quelques dispositions qui tendent à écarter les abus les plus visibles que l'expérience a constatés, et que nous a dénoncés le zèle des magistrats qui le composent, et à le mettre en état de remplir ses fonctions importantes avec plus d'activité.

» Il s'agit 1° de compléter le nombre des jurés et des juges, diminué par plusieurs circonstances;

» 2o De fixer les principes de cette institution de manière à garantir la liberté des patriotes calomniés en accélérant le jugement des conspirateurs ;

» 3o De résumer dans une loi unique des définitions et des dispositions éparses dans une multitude de décrets.

» Tel est le bat de celui que je vais vous proposer.

» C'est encore des poignards que nous dirigeous sur nous nous le savons; mais que nous importent les poignards! Le méchant seul tremble quand il agit; les hommes bien inten

(1) Dès le 5 nivose, sur la proposition de Robespierre, le comité avait été chargé par un décret de présenter les moyens de perfectionner le tribunal révolutionnaire. Voyez tome XIII, page 168.

tionnés ne voient point de dangers quand ils font leur devoir; ils vivent sans remords et agissent sans crainte. »

» Voici le projet de décret que je suis chargé de vous pré

senter. >>

La lecture de ce projet fait une vive impression sur l'Assemblée, qui paraît enfin se rappeler qu'elle a le droit, qu'il est de son devoir d'examiner les mesures qu'on lui propose. Les membres présens du comité de salut public s'étonnent qu'après tant de lois révolutionnaires adoptées de confiance une opposition s'élève contre celle qui leur paraît devoir en être le complément nécessaire. Les débats s'engagent.

Ruamps. « Ce décret est important; j'en demande l'impression et l'ajournement. S'il était adopté sans l'ajournement je me brûlerais la cervelle! »

Lecointre (de Versailles). « J'appuie l'ajournement. (Plusieurs voix : Appuyé!)

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Barrère. « Ce n'est pas sans doute un ajournement indéfini que l'on demande! (Quelques voix : Non! Non!) Lorsqu'on propose une loi toute en faveur des patriotes, et qui assure la punition prompte des conspirateurs, les législateurs ne peuvent avoir qu'un vœu unanime. Je demande qu'au moins l'ajournenement ne passe pas trois jours.

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Lecointre. « Nous ne le demandons qu'à deux jours.

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Robespierre. « Il n'est pas de circonstance si délicate, il n'est pas de situation si embarrassante où l'on veuille mettre les défenseurs de la liberté, qui puisse les condamner à dissimuler la vérité ! Je dirai douc que quoique la liberté de demander un ajournement soit incontestable, quoiqu'on la couvre de motifs spécieux peut-être, cependant elle n'en compromettrait pas moins évidemment le salut de la patrie.

» Deux opinions fortement prononcées se manifestent dans la République, citoyens : l'une est celle qui tend à punir d'une manière sévère et inévitable les crimes commis contre la liberté; c'est l'opinion de ceux qui sont effrayés de l'obstination cou

pable avec laquelle on cherche à ranimer les anciens complots, et à en inventer de nouveaux en raison des efforts que font les représentans du peuple pour les étouffer.

» L'autre est cette opinion lâche et criminelle de l'aristocratie, qui depuis le commencement de la révolution n'a cessé de demander, soit directement, soit indirectement, une amnistie pour les conspirateurs et les ennemis de la patrie.

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Depuis deux mois vous avez demandé au comité de salut public une loi plus étendue que celle qu'il vous présente aujourd'hui; depuis deux mois la Convention nationale est sous le glaive des assassins, et le moment où la liberté paraît obtenir un triomphe éclatant est celui où les ennemis de la patrie conspirent avec plus d'audace; depuis plus de deux mois le tribunal révolutionnaire vous dénonce les entraves qui arrêtent la marche de la justice nationale : la République entière vous dénonce de nouvelles conspirations, et cette multitude innombrable d'agens étrangers qui abondent sur sa surface. C'est dans cette circonstance que le comité de salut public vous présente le projet de loi dont vous venez d'entendre la lecture. Qu'on l'examine cette loi, et au premier aspect on verra qu'elle ne renferme aucune disposition qui ne soit adoptée d'avance par tous les amis de la liberté ; qu'il n'y a pas un article qui ne soit fondé sur la justice et sur la raison; qu'il n'est aucune de ses parties qui ne soit rédigée pour le salut des patriotes et pour la terreur de l'aristocratie, conjurée contre la liberté.

» De plus il n'est personne qui ne sache qu'à chaque séance le tribunal révolutionnaire passe quelques heures sans pouvoir remplir ses fonctions, parce que le nombre des jurés n'est pas complet. Nous venons vous proposer de compléter ce nombre; nous venons vous proposer de réformer deux ou trois abus reconnus dans l'institution de ce tribunal, et dénoncés de toute part; et l'on nous arrête par un ajournement! Je soutiens qu'il n'est personne ici qui ne soit en état de prononcer sur cette loi aussi facilement que sur tant d'autres de la plus grande importance qui ont été adoptées avec enthousiasme par la Convention nationale.

>> Pourquoi fais-je ces réflexions? Est-ce pour empêcher l'ajournement? Non; j'ai uniquement voulu rendre hommage à

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