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sophismes, demande au ciel et le courage et la sagesse nécessaires pour faire triompher la vérité.

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» Si l'on réfléchit attentivement sur ce qui s'est passé dans votre dernière séance on trouve l'application de tout ce que j'ai dit. L'homme éloigné du comité par les plus amers traitemens, lorsqu'il n'était plus en effet composé que de deux ou trois membres présens, cet homme se justifie devant vous; il ne s'explique point, à la vérité, assez clairement; mais son éloignement et l'amertume de son âme peuvent excuser quelque chose il ne sait point l'histoire de sa persécution; il ne connaît que son malheur. On le constitue en tyran de l'opinion: il faut que je m'explique là-dessus, et que je porte la flamme sur un sophisme qui tendrait à faire proscrire le mérite. Et quel droit exclusif avez-vous sur l'opinion, vous qui trouvez un crime dans l'art de toucher les âmes? Trouvez-vous mauvais l'on soit sensible? Êtes-vous donc de la cour de Phique lippe, vous qui faites la guerre à l'éloquence? Un tyran de l'opinion! Qui vous empêche de disputer l'estime de la patrie, vous qui trouvez mauvais qu'on la captive? Il n'est point de despote au monde, si ce n'est Richelieu, qui se soit offensé de la célébrité d'un écrivain. Est-il un triomphe plus désintéressé ? Caton aurait chassé de Rome le mauvais citoyen qui eût appelé l'éloquence dans la tribune aux harangues le tyran de l'opinion. Personne n'a ̧ le droit de stipuler pour elle; elle se donne à la raison, et son empire n'est pas le pouvoir des gou

vernemens.

» La conscience publique est la cité; elle est la sauvegarde du citoyen: ceux qui ont su toucher l'opinion ont tous été les ennemis des oppresseurs. Démosthènes était-il tyran? Sous ce rapport sa tyrannie sauva pendant longtemps la liberté de toute la Grèce. Ainsi la médiocrité jalouse voudrait conduire le génie à l'échafaud! Hé bien, comme le talent d'orateur que vous exercez ici est un talent de tyrannie, on vous accusera bientôt comme des despotes de l'opinion! Le droit d'intéresser l'opinion publique est un droit naturel, imprescriptible, inaliénable, et je ne vois d'usurpateurs que parmi ceux qui tendraient à opprimer ce droit.

» Avez-vous vu des orateurs sous le sceptre des rois? Non :

le silence règne autour des trônes; ce n'est que chez les peuples libres qu'on a souffert le droit de persuader ses semblables. N'est-ce point une arêne ouverte à tous les citoyens? Que tout le monde se dispute la gloire de se perfectionner dans l'art de bien dire, et vous verrez rouler un torrent de lumières qui sera le garant de notre liberté, pourvu que l'orgueil soit banni de notre République.

>> Immolez ceux qui sont les plus éloquens, et bientôt on arrivera jusqu'à celui qui les enviait, et qui l'était le plus après

eux.

>>

Un censeur royal se serait contenté de dire : vous avez écrit contre la cour et contre monseigneur l'archevêque. Mais qu'avons-nous donc fait de notre raison? On dit aujourd'hui à un membre du souverain : vous n'avez pas le droit d'étre persuasif!

» Le membre qui a parlé longtemps hier à cette tribune ne me paraît point avoir assez nettement distingué ceux qu'il inculpait. Il n'a point à se plaindre et ne s'est pas plaint non plus des comités; car les comités me semblent toujours dignes de votre estime, et les malheurs dont j'ai tracé l'histoire sont nés de l'isolement et de l'autorité extrême de quelques membres restés seuls.

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Il devait arriver que le gouvernement s'altérerait en se dépouillant de ses membres. Couthon est sans cesse absent; Prieur (de la Marne) est absent depuis huit mois; SaintAndré est au Port-la-Montagne ; Lindet est enseveli dans ses bureaux; Prieur (de la Côte-d'Or) dans les siens; moi j'étais à l'armée; et le reste, qui exerçait l'autorité de tous, me paraît avoir essayé de profiter de leur absence.

» Je regarderais comme un principe salutaire et conservateur de la liberté publique que le tapis du comité fût environné de tous ses membres. Vous aviez confié le gouvernement à douze il s'est trouvé en effet le dernier mois entre les mains personnes ; de deux ou trois. Avec cette imprudence on s'expose à inspirer aux hommes le goût de l'indépendance et de l'autorité.

>> Imaginez que cette altération eût continué, que Paris eût 'été sans état-major et sans magistrats, que le tribunal révolutionnaire eût été supprimé ou rempli des créatures de deux

ou trois membres gouvernant absolument; votre autorité en eût été anéantie.

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>> Une seule chose aurait encore gêné ses membres; c'étaient les Jacobins, qu'ils appellent la tyrannie de l'opinion il fallait donc sacrifier les hommes les plus influens de cette société.

» Car en même temps que Billaud - Varenne et Collotd'Herbois ont conduit ce plan, ils ont manifesté depuis quelque temps leur haine contre les Jacobins ; ils ont cessé de les fréquenter et d'y parler.

» S'ils avaient réussi tandis que la majorité du comité était plongée dans les détails, quelques hommes régnaient; ils n'avaient plus à craindre les orateurs incommodes, et jouissaient de la réputation et de l'autorité exclusives.

» Il a donc existé un plan d'usurper le pouvoir en immolant une partie des membres du comité et en dispersant les autres dans la République, en détruisant le tribunal révolutionnaire, en privant Paris de ses magistrats. Billaud-Varenne et Collotd'Herbois sont les auteurs de cette trame.

» Les deux comités n'ont donc rien dû perdre de l'estime publique ; et ceux-là seuls sont indignes d'eux qui ont eu de l'ambition sous le masque du désintéressement, et qui ont pensé concentrer dans eux l'initiative des accusations contre vos membres.

>> Je pense que vous devez à la justice et à la patrie d'examiner ma dénonciation. Vous devez regarder comme un acte de tyrannie toute délibération du comité qui ne sera point signée de six membres : vous devez examiner aussi s'il est sage que les membres fassent le métier de ministre, qu'ils s'ensevelissent dans des bureaux, qu'ils s'éloignent de vous, et altèrent ainsi l'esprit et les principes de leur compagnie.

» Les affaires publiques ne souffriront point de cet orage; la liberté n'en sera pas alarmée, et le gouvernement reprendrå son cours par votre sagesse.

>> Il me reste à vous convaincre que je n'ai pu prendre d'autre parti que celui de vous dire la vérité. Si j'annonçais mon intention dans les comités, on n'avait plus de mesure à garder, et tout pouvait entraîner des démarches funestes. Dans ce cas

leur plan d'influence acquérait de nouvelles forces; ils rendaient d'autres membres solidaires avec eux s'ils fussent parvenus à les tromper. J'ai cru éviter des désordres, et dispenser les comités d'une querelle difficile, puisque l'on eût tout employé pour brouiller les esprits.

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» Les membres que j'accuse ont commis peu de fautes dans leurs fonctions ils n'ont donc point à se justifier par les opérations, si ce n'est celle des dix-huit mille hommes qu'on a voulu enlever de l'armée de Sambre et Meuse. Je les accuse d'avoir tiré parti de la réputation du comité pour l'appliquer à leur ambition. Sylla était un fort bon général, un grand politique; il savait administrer; mais il appliqua ce mérite à sa fortune. J'aime beaucoup qu'on nous annonce des victoires, mais je ne veux pas qu'elles deviennent des prétextes de vanité. On annonça la journée de Fleurus, et d'autres qui n'en ont rien dit y étaient présens; on a parlé de siéges, et d'autres qui n'en ont rien dit étaient dans la tranchée. J'affirme que tout le mal est venu de ce que, sans que personne s'en doutât, toute l'autorité était tombée dans quelques mains, qui ont voulu la conserver et l'augmenter par la ruine de tout ce qui pouvait réprimer la puissance arbitraire.

» Je ne conclus pas contre ceux que j'ai nommés; je désire qu'ils se justifient, et que nous devenions plus sages.

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» La Convention nationale décrète que les institutions qui seront incessamment rédigées présenteront les moyens que le gouvernement, sans rien perdre de son ressort révolutionnaire, ne puisse tendre à l'arbitraire, favoriser l'ambition, et opprimer ou usurper la représentation nationale.

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SÉANCE PERMANENTE DU 9 THERMIDOR. (27 juillet 1794.) — Présidence

de Collot-d'Herbois.

(Saint-Just commençait le quatrième alinéa du discours ci-dessus lorsqu'il fut violemment interrompu par Tallien.)

Tallien. « Je demande la parole pour une motion d'ordre. L'orateur a commencé par dire qu'il n'était d'aucune faction : je dis la même chose; je n'appartiens qu'à moi-même, qu'à la liberté ! C'est pour cela que je vais faire entendre la

vérité. Aucun bon citoyen ne peut retenir ses larmes sur le sort malheureux auquel la chose publique est abandonnée! Partout on ne voit que division. Hier un membre du gouvernement s'en est isolé, a prononcé un discours en son nom particulier; aujourd'hui un autre fait la même chose. On vient encore s'attaquer, aggraver les maux de la patrie, la précipiter dans l'abîme! Je demande que le rideau soit entièrement déchiré!...» (On applaudit très vivement, et à trois reprises.)

Billaud-Varenne, interrompant avec vivacité. «Je demande la parole pour une motion d'ordre.

>> Hier la société des Jacobins était remplie d'hommes apostés, puisque aucun n'avait de carte; hier on a développé dans cette société l'intention d'égorger la Convention nationale (mouvement d'indignation); hier j'y ai vu des hommes qui vomissaient ouvertement les infamies les plus atroces contre ceux qui n'ont jamais dévié de la révolution !

» Je vois sur la montagne un de ces hommes qui menaçaient les représentans du peuple... Le voilà... (Arrêtez! Arrêtez! s'écrie-t-on de toute part. L'individu est saisi, et entraîné hors de la salle au bruit des applaudissemens.)

» Le moment de dire la vérité est arrivé!..... Je m'étonne de voir Saint-Just à la tribune après ce qui s'est passé il avait promis aux deux comités de leur soumettre son discours avant de le lire à la Convention, et même de le supprimer s'il leur semblait dangereux. L'Assemblée jugerait mal les événemens et la position dans laquelle elle se trouve si elle se dissimulait qu'elle est entre deux égorgemens. Elle périra si elle est faible!... (Non! Non! Elle ne périra pas! répondent tous les membres; ils sont debout, ils agitent leurs chapeaux, ils jurent de sauver la République. Les citoyens des tribunes ajoutent à ce tableau par des marques de dévouement; ils font entendre les cris de vive la Convention nationale! vive le comité de salut public! Lebas demande la parole; on lui fait observer qu'elle appartient à Billaud; il insiste; il est rappelé à l'ordre, et Billaud continue : ) >> Je demande moi-même que tous les hommes s'expliquent dans cette Assemblée. On est bien fort quand on a pour soi la

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