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vaincre par terre et par mer, appeler le commerce du monde, c'est savoir se gouverner.

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>> Ce sentiment, que vous avez inspiré aux peuples du nord, de l'Afrique et de l'Amérique, et à vos voisins, se manifeste avec éclat. Vos ennemis ne peuvent plus obscurcir ni voiler votre gloire; ils ne peuvent plus vous ravir la confiance et l'estime des nations.

» Par quels moyens la France est-elle parvenue à ce degré de gloire et de puissance? Par quels étonnans sacrifices a-t-elle comblé tant de ruines et élevé un édifice si prodigieux? Lorsque la liberté et l'égalité ont été reconnues et solennellement proclamées, tout Français a senti qu'il avait une patrie; il a voulu se dévouer pour elle; tout citoyen est devenu le défenseur et l'appui de son pays. Vous avez rappelé aux hommes qu'ils étaient égaux, qu'ils étaient frères : ils ont volé au secours les uns des autres ; ils ne se sont plus envisagés que comme une seule famille, et la France, si étroitement unie, est devenue la première et la plus puissante des nations..

» Vous voulez que l'on vous rappelle ce que la France a fait, ce qu'elle a souffert pour arriver à cette dernière époque. Vous donnerez une idée sublime du prix que l'on doit attacher à la liberté, et du courage et de la constance des Français, lorsque vous transmettrez à la postérité et que vous révélerez à toutes les nations que la France, abandonnée à ses seules ressources, a tout créé pour sa défense, qu'elle a étendu et développé ses ressources, que dans la disette et la pénurie elle s'est imposée les privations les plus pénibles, que la vieillesse a remplacé dans les ateliers la jeunesse qui allait combattre.

» Les arts de la guerre ont occupé tant de bras, ont enlevé un si grand nombre de citoyens aux autres arts, que l'on appréhendait que l'agriculture, le commerce, les fabriques ne fussent abandonnées : les Français ont trouvé des ressources dans leur activité; un travail soutenu nous a préservés des malheurs que l'on avait tant de raison de craindre. Jamais on n'avait cultivé et ensemencé une si graude étendue de terre; le sol de la France a été couvert des productions les plus variées; nulle portion de terrein u'a été négligée. Quelques contrées frappées

de stérilité, dépouillées avant le temps de leurs récoltes, ont soumis à la plus cruelle épreuve l'activité et l'industrie du cultivateur, et ont présenté le spectacle de l'homme aux prises avec la nature pour réparer ses désastres : tant de soins et de travaux ont été sans succès; mais vous saurez porter dans ces lieux des secours proportionnés à tant de pertes, et à des besoins si pressans et si multipliés.

» Combien de professions utiles ont été négligées! combien d'ateliers et de manufactures sont restés déserts! Cependant les travaux et les efforts d'un petit nombre de citoyens ont suffi : on a moins dû s'apercevoir de la diminution de tous les objets de consommation que s'étonner de voir le peuple entier dans le mouvement et l'agitation que les circonstances conmandaient, et un petit nombre de citoyens, appliqués et laborieux, remplacer la majorité de la nation dans les arts sédentaires, et offrir à la consommation les objets indispensablement nécessaires.

» Ce qui doit fixer particulièrement l'attention c'est cette raison sublinie du peuple, qui s'est imposé tant de privations, qui a établi et maintenu dans l'administration de ses subsistances une économie si sévère et si effrayante : son courage ne l'a point abandonné; il a souffert pour être libre. Quel tableau à offrir à la postérité, que celui d'un peuple qui fait à sa patrie le sacrifice continuel du salaire de ses travaux, de ses vêtemens et de ses subsistances, qui s'oublie pour elle, et recommence chaque jour par des sacrifices qui surpassent les forces humaines !

Vous encouragiez le peuple, vous souteniez son espérance; vous éclairiez les Français, vous répandiez les lumières ; vous fixiez les arts et les talens, vous employiez le génie et les sciences à la défense de la liberté; vous donniez des lois dignes d'un peuple libre; vous teniez d'une main ferme tous les ressorts d'un vaste gouvernement; vous prépariez, vous dirigiez ces grands mouvemens qui appellent sur vous l'attention des peuples, et changent la face de l'Europe.

>> Tandis que vous remplissiez avec tant d'éclat vos hautes destinées, que la France, que tous les peuples de la terre applaudissaient à vos immenses travaux, le génie des factions

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se reproduisait, et mettait la patrie en danger. Rappelons ici des événemens dont le souvenir ne doit jamais s'effacer; ils seront pour nous et pour la postérité une utile leçon. Les représentans du peuple ne doivent pas seulement transmettre à la postérité leurs actions, leur gloire et leurs succès; ils doivent lui transmettre la connaissance des dangers, des malheurs et des fautes: ainsi les premiers navigateurs ont marqué les écueils qu'ils ont su éviter, et ils ont appris à leurs successeurs à tenir une route sûre entre ces écueils que nul art ne peut faire disparaître, mais dont l'expérience a appris à s'approcher ou à s'éloigner sans danger.

» La Convention nationale avait frappé et anéanti, par son décret du 2 juin, une faction puissante, pourvue de talens, mais jouissant d'une plus grande réputation, qui, n'ayant pu concevoir un plan de gouvernement, s'était jetée dans les bras d'un principal ministre, s'opposait à ce qu'on donnât à la France des lois et une Constitution, ne parlait que d'elle, entretenait la France d'elle seule, et allait livrer à un protecteur étranger ou à ses anciens tyrans une nation qui ne connaissait ni ses malheurs, ni ses dangers, ni ses moyens, ni ses ressources, et qu'un ministre coupable n'entretenait que des opinions ou frivoles ou criminelles de quelques-uns de ses représentans.

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L'opinion publique se trouva quelque temps partagée ; la sensibilité s'intéressa pour des hommes dont on ignorait les vues ambitieuses: la France ne fut peut-être pas assez tôt instruite; elle connut trop tard sa situation. L'observateur qui a étudié les mouvemens de la République à cette époque, qui a voulu connaître le caractère des troubles et des agitations de l'intérieur, s'est convaincu que tous les Français veulent également être éclairés, mais que le même genre d'instruction ne convient pas à tous également. La vivacité du sentiment entraîna les uns; les autres attendirent la conviction, et voulurent avoir sous les yeux l'appareil imposant et méthodique des preuves. On se divisa, on s'aigrit, on courut aux armes; on allait, au nom de la République une et indivisible, déchirer le sein de la patrie, pour laquelle on jurait de verser son sang.

>> Dans ce chaos, au milieu de tant de désordres et de calamités, la Convention nationale, environnée de trahisons et de perfidies, donna une Constitution et des lois à la France; elle soutint les efforts des puissances ennemies; elle éclaira les Français sur les événemens qui avaient précédé. Les lumières se répandirent; le masque des traîtres tomba; l'ordre se rétablit; tous les yeux se fixèrent sur vous; tous les cœurs s'attachèrent à vous, et la France consacra par une fête natio

nale la mémoire de cette réunion.

» Les ennemis de l'intérieur avaient profité de ces violentes agitations pour augmenter le nombre de leurs partisans secrets ou déclarés. On avait un grand exemple de la facilité avec Jaquelle on peut agiter un peuple bon, sensible et généreux; on pouvait craindre encore de nouveaux mouvemens : il fallut avertir le peuple, et l'associer tout entier à la surveillance générale ; il fallut le prémunir contre toutes les insinuations et les intrigues de ses ennemis; il fallut lui désigner et caractériser ceux dont il devait suspecter les intentions, la conduite et les liaisons; il fallut lui inspirer la plus haute confiance dans les amis de la liberté et de l'égalité; il fallut lui faire connaître ceux qui n'aspiraient qu'à l'égarer.

» Un décret du 17 septembre (1) régla les fonctions et les devoirs des comités de surveillance.

» Les citoyens appelés à remplir ces fonctions s'en acquittèrent avec zèle: on ne doit jamais oublier les services qu'ils ont rendus à la République; ils ont porté les derniers coups à l'aristocratie; ils ont comprimé les ennemis de l'intérieur ; ils ont affermi la tranquillité publique.

» Nous ne devons pas dissimuler à la France que plusieurs se sont étrangement écartés de l'objet de leur institution; nous devons dire que les fautes de plusieurs n'ont été que des erreurs de l'entendement : ils n'avaient pas assez médité la loi `dont l'exécution leur était confiée; plusieurs encore croyaient mieux servir la patrie et remplir plus fidèlement vos intentions.

» Si l'on demande un jour pourquoi la Convention nationale

(1) Sur les gens suspects. Voyez tome XIII.

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organisa un plan de surveillance qui exigeait un nombre si prodigieux de fonctionnaires que l'Europe entière ne pourrait fournir assez d'hommes instruits pour remplir toutes les places, les Français répondront: Ce plan fut sage et nécessaire : nos ennemis étaient en si grand nombre, ils étaient si répandus et si disséminés, ils avaient tant de formes et de moyens de s'insinuer dans les administrations, dans les sociétés populaires et dans nos foyers, que tout citoyen dut se regarder comme une sentinelle chargée de surveiller un poste. Notre expérience et nos malheurs nous avaient instruits; nous connaissions nos ennemis. Si quelques-uns ont été trop loin ce n'est pas une raison de blâmer une grande institution qui n'était pas moins nécessaire contre les ennemis de l'intérieur, que les armées contre les rois et les puissances coalisées.

» Le 8 thermidor on vit développer dans cette enceinte le plan artificieux d'une vaste conspiration. On tenta de diviser les Français, d'inspirer le découragement, la terreur et le désespoir, d'atténuer le sentiment de la reconnaissance due aux défenseurs de la patrie, et de répandre des doutes sur leurs victoires; on se prévalait d'une grande réputation de talent, d'énergie et de civisme.

» Le lendemain le voile fut déchiré. Vous ne dûtes pas consulter l'opinion publique; vous dûtes la prévenir, et, sans considérer les dangers, aspirer à la gloire de la former. Le vœu du peuple ne pouvait ni se manifester ni pénétrer jusqu'à vous; vous dûtes donner l'exemple du courage des hommes libres. L'âme s'agrandit dans les occasions fortes; les périls l'éclairent vous sûtes prendre de promptes et de grandes déterminations; vous éteignites les torches ardentes qu'on allumait pour embraser la patrie.

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>> Les journées des 14 juillet et 10 août attesteront le courage invincible des Français, comme le siége de Lille, la reprise de Toulon, la levée des siéges de Dunkerque, de Maubeuge, de Landau, la bataille de Fleurus, la conquête de la Belgique, et tous les événemens militaires qui ont signalé les armes françaises aux Alpes et aux Pyrénées.

» La journée du 31 mai attestera la majestueuse contenance

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