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Oh! si la même énergie, le même ensemble étaient déployés contre les ennemis de l'intérieur, combien la République serait prospère! Comme on verrait se rouvrir à l'instant les sources de la félicité nationale! Eh! qui donc en empêcherait? Seraient-ce quelques factions obscures, quelques hommes avides d'or, de sang ou de pouvoir ? Non! le peuple veut que les viles passions disparaissent.

» Prononcez donc, dépositaires de sa puissance, déclarez que vous la conserverez dans toute sa plénitude, que vous ne souffrirez jamais que ce dépôt sacré soit violé, que vous ne permettrez pas qu'aucune partie de ce qui a été confié à votre garde par le peuple tout entier soit usurpé par aucune fraction du peuple!

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Soyez seuls sa boussole, son point de ralliement. Il n'est qu'une ligne droite dans la nature; il en est mille de tortueuses: il n'est qu'un moyen d'être pur; il en est mille d'être pervers. Sauvez le peuple et de ses faux amis et de ses ennemis déclarés ; sauvez votre dignité, qui lui appartient; proscrivez à jamais de votre sein ces honteuses dénonciations qui déchirent les entrailles de la patrie; punissez le crime, et le crime seul ; portez la sécurité dans le cœur de l'homme simple et dans l'asile du malheureux; qué le génie de l'égalité ranime l'émulation, et que l'amour du travail et de l'économie fasse revivre l'agriculture et les arts!

» Nous vous avons parlé des armées de terre; que vos armées navales fixent maintenant votre plus grande sollicitude. Il vous appartient d'affranchir un autre élément : faites pour la marine ce que vous avez fait pour le continent; tournez vers elle tous vos moyens révolutionnaires! Point de domination sur mer; qu'elle devienne une grande route ouverte à toutes les nations ; toutes, excepté une, y ont le même intérêt que vous. Que celle qui veut subjuguer toutes les autres soit subjuguée elle-même si elle ne peut être contenue! Que l'Europe s'éclaire, et que de tous les points des deux mondes parte ce cri unanime : la liberté des mers! »

La liberté des mers! ce veu, tant de fois exprimé, il ne tient en effet qu'au gouvernement qu'on le voie se réaliser

aux acclamations des deux mondes. Sous le rapport moral, la marine française est supérieur à celle des Anglais; quant aux moyens, un regard, un mot de la Convention nationale n'a-t-il pas jeté sur l'Océan des flottes imposantes pour signifier sa déclaration de guerre du 1er février 1793? et à son décret du 2 du même mois, qui accordait aux armateurs des primes et des encouragemens, n'a-t-on pas vu accourir une foule redoutable de marins expérimentés ? Que le gouvernement s'acquitte donc de ses devoirs, qu'il cesse d'être le serviteur et le jouet d'un cabinet que le peuple français abhorre, et l'armée navale, recrutée dans la même famille, comptera autant de héros que l'armée de terre ; elle saura vaincre ou mourir ! elle aura encore des Vengeur! Complétons le tableau de l'an 2 par un des faits qui honorent à jamais la marine française républicaine.

RAPPORT sur le vaisseau LE VENGEUR, fait par Barrère au nom du comité de salut public. Du 21 messidor an 20 (9 juillet 1794. )

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Citoyens, le comité m'a chargé de faire connaître à la Convention des traits sublimes qui ne peuvent être ignorés d'elle ni du peuple français.

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Depuis que la mer est devenue un champ de carnage, et que les flots ont été ensanglantés par la guerre, les annales de l'Europe n'avaient pas fait mention d'un combat aussi opiniâtre, d'une valeur aussi soutenue et d'une action aussi terrible, aussi meurtrière que celle du 13 prairial (1er juin 1794), lorsque notre escadre sauva le convoi américain (1).

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Vanstabel, en conduisant la flotte américaine dans nos ports, a passé à travers des flots teints de sang, des cadavres et des débris de vaisseaux. L'acharnement du combat qui avait précédé l'arrivée du convoi a prouvé combien nos escadres sont républicaines puisque la haine du nom anglais a dirigé les coups, et plus les forces étaient inégales de la part des Français,

(1) La flotte française, commandée par le vice-amiral Villaret-Joyeuse, se composait de vingt-cinq vaisseaux, dont trois à trois ponts; la flotte anglaise, amiral Howe, de vingt-sept vaisseaux, dont neuf à trois ponts. Le combat dura douze heures. Il n'y eut pas un seul vaisseau ennemi qui ne se retirât endommagé; il y en eut deux hors de service. Six vaisseaux français furent pris; un coulé à fond. Quant au Ven geur... il est resté immortel!

plus la résistance a été grande et courageuse. Les matelots anglais, revenus dans leur île, n'ont pu dérober à l'histoire cet aveu remarquable.

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Voici ce que leurs papiers rapportent des matelots de l'escadre anglaise : « Les Français, disaient-ils à leurs camarades restés dans les ports, sont comme les cailloux; plus » on les frappe, plus ils rendent de feu. »

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» L'âme des républicains s'élève insensiblement à mesure des progrès de la révolution; elle devient encore plus énergique, et leur courage est plus exalté en raison des dangers et des malheurs. La passion de la liberté les suit en tous lieux; elle les console dans les fers, elle les encourage dans l'adversité, et les chants par lesquels nous célébrons nos vic→ toires et notre indépendance les consolent d'être condamnés à vivre au milieu de ces implacables ennemis de la République.

» Les Anglais se sont emparé de leurs personnes et de leurs vaisseaux; mais les vertus républicaines, ce courage altier d'un patriote, cet amour de son pays, l'idole d'un guerrier français, cette âme fière et élevée d'un républicain ne furent jamais au pouvoir de ce vieil ennemi de la France, et malgré l'adversité l'homme libre impose aux tyrans même dans les fers!

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« Ce matin de très bonne heure, disent les journaux anglais, » les prisonniers des prises françaises qui sont arrivées à Spithead commencèrent à débarquer, et un certain nombre » est déjà cantonné à Hillsea. Les Français chantèrent pen»dant leur débarquement et pendant toute la route leurs hymnes républicains avec leur gaieté ordinaire. »

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» Leur enthousiasme au doux souvenir de leur patrie fut si grand que les conducteurs anglais prirent les expressions brûlantes de la liberté pour des mouvemens de rébellion, et qu'ils eurent la barbarie de faire cesser les chants consolateurs par un signal de mort: un Français fut tué par un soldat de milice de l'escorte, et la marche vers le lieu du cantonnement fut continuéé dans le silence.

» Citoyens, quittons des insulaires aussi exécrables! Revenons sur l'Océan ; nous y verrons des traits bien plus sublimes du courage et du dévouement patriotique. Les armées navales de la République française et de la monarchie anglicane étaient en présence depuis longtemps, et le combat le plus terrible venait d'être livré, le 13 prairial; le feu le plus vif, la fureur la plus légitime de la part des Français augmentaient les horreurs et le péril de cette journée; trois vaisseaux anglais étaient coulés bas; quelques vaisseaux français étaient désemparés ; la

XIV.

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canonnade ennemie avait entr'ouvert un de ces vaisseaux, et il réunissait la double horreur d'un naufrage certain et d'un combat à mort.

» Mais ce vaisseau était monté par des hommes qui avaient reçu cette intrépidité d'âme qui fait braver le danger, et l'amour de la patrie qui fait mépriser la mort.

» Une sorte de philosophie guerrière avait saisi tout l'équipage; les vaisseaux du tyran anglais cernaient le vaisseau de la République, et voulaient que l'équipage se rendît. Une foule de pièces d'artillerie tonne sur le Vengeur; des mats rompus, des voiles déchirées, des membrures de ce vaisseau couvrent la mer. Tant de courage, tant d'efforts surnaturels vont-ils donc devenir inutiles !

» Misérables esclaves de Pitt et de George, est-ce que vous pensez que des Français républicains se remettront en des mains perfides, et transigeront avec des ennemis aussi vils que vous? Non, ne l'espérez pas! la République les contemple; ils sauront vaincre ou mourir pour elle. Plusieurs heures de combat n'ont pas épuisé leur courage; ils combattent encore ; l'ennemi reçoit leurs derniers boulets, et le vaisseau fait eau de toute part.

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Que deviendront nos braves frères ? Ils doivent ou tomber dans les mains de la tyrannie, ou s'engloutir au fond des mers. Ne craignons rien pour leur gloire, les républicains qui montent ce vaisseau sont encore plus grands dans l'infortune que dans les succès.

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» Une résolution ferme a succédé à la chaleur du combat. Imaginez le vaisseau le Vengeur percé de coups de canon, s'entrouvrant de toutes parts, et cerné de tigres et de léopards anglais; un équipage composé de blessés et de mourans luttant contre les flots et les canons... Tout à coup le tumulte du combat, l'effroi du danger, les cris de la douleur des blessés cessent; tous montent ou sont portés sur le pont; tous les pavillons, toutes les flammes sont arborés; les cris de vive la République, vive la liberté et la France, se font entendre de tous côtés : c'est le spectacle touchant et animé d'une fête civique plutôt que le moment terrible d'un naufrage.

» Un instant ils ont dû délibérer sur leur sort... Mais non, citoyens, nos frères ne délibèrent plus !... Ils voient l'Anglais et la patrie; ils aimeront mieux s'engloutir que de la déshonorer par une capitulation. Ils ne balancent point: leurs derniers vœux sont pour la liberté et pour la République! Ils dispa

raissent !...

Qui nous a donc révélé le secret de notre grandeur? Quel ami de la liberté nous a transmis ce trait héroïque, qui sem

ble appartenir aux temps fabuleux? Qui nous a tout découvert? Nos ennemis, les Anglais, leurs journaux, leur manie de contester notre gloire.

» Entendez le récit du journal anglais en date du 16 juin vieux style:

« Les partisans de la guerre actuelle, par suite de leur respect pour la vérité, et avec leur bonne foi ordinaire, continuent >> d'assurer que la crainte seule produit dans l'âme des Français cet étonnant enthousiasme et cette puissante énergie » dont nous sommes tous les jours les témoins. Voici une preuve de ce qu'ils avancent.

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»Il est certain que dans la brillante action navale qui vient » d'avoir lieu l'équipage d'un des vaisseaux français, au » moment où il coulait bas, fit entendre unanimement les » cris de vive la République, vive la liberté. Cette expression » d'attachement à la République, cette passion dominante pour » la liberté, qui l'emporte sur l'horreur même de la mort, est» elle ici l'effet de la force ou de la crainte ? »

» Un autre papier anglais du 14 juin rapporte ce trait, et dit que c'est l'équipage du Terrible qui a donné cette preuve mémorable de grandeur d'âme et de constance : « Il s'est abîmé » avec tous ses pavillons et flammes aux couleurs nationales » flottant de toutes parts, et aux cris redoublés de vive la » République. »>

» Dans une lettre particulière d'un officier de l'escadre de Howe ce trait sublime est attribué au vaisseau le Vengeur.

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Et, selon le représentant du peuple Jean-Bon Saint-André, cette dernière version est la plus assurée; c'est le Vengeur à qui appartient cette belle gloire; et si elle a été l'admiration de nos lâches ennemis, quel Français pourrait la lui contester?

»Ne plaignons pas les Français composant l'équipage du Vengeur; ne les plaignons pas : ils sont morts pour la patrie! Honorons leur destinée, et célébrons leur vertu !

» Un Panthéon s'élève du milieu de la commune centrale de la République ; ce monument de la reconnaissance nationale aperçu de toutes les frontières; qu'on l'aperçoive donc aussi du milieu de l'Océan !

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Nous n'avons jusqu'à présent décerné aucun honneur aux héros de la mer; ceux de la terre seuls ont obtenu des hommages. Pourquoi ne vous proposerait-on pas de suspendre à la yoûte du Panthéon français un vaisseau qui serait l'image du Vengeur, et d'inscrire sur la colonne du Panthéon les noms des braves républicains qui composaient l'équipage de ce vaisseau, avec l'action courageuse qu'ils ont faite?

» C'est par de tels honneurs qu'on perpétue le souvenir des

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