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les pouvoirs et tout ce qu'il y a d'intermédiaire entre le peuple et vous est plus fort que vous et le peuple.

>> Rendez une loi générale qui appelle aux armes toute la nation; votre loi est exécutée, toute la nation prend les armes : rendez un décret contre un général, contre un abus particulier du gouvernement; vous ne serez point toujours obéis. Cela dérive de la faiblesse de la législation, de ses vicissitudes, et des propositions éhontées en faveur de l'aristocratie, qui dépravent l'opinion; cela dérive de l'impunité des fonctionnaires, et de ce que dans les sociétés populaires le peuple est spectateur des fonctionnaires au lieu de les juger; de ce que mille intrigues sont en concurrence avec la justice, qui n'ose frapper. Plus les fonctionnaires se mettent à la place du peuple, moins il y a de démocratie. Lorsque je suis dans une société populaire, que mes yeux sont sur le peuple, qui applaudit et qui se place au second rang, que de réflexions m'affligent! La société de Strasbourg, quand l'Alsace fut livrée, était composée de fonctionnaires qui bravaient leurs devoirs ; c'était un comité central d'agens responsables qui faisaient la guerre à la révolution sous les couleurs patriotiques. Mettez tout à sa place : l'égalité n'est pas dans les pouvoirs utiles au peuple, mais dans les hommes; l'égalité ne consiste pas en ce que tout le monde ait de l'orgueil, mais en ce que tout le monde ait de la modestie.

» J'ose dire que la République serait bientôt florissante si le peuple et la représentation avaient la principale influence, et si la souveraineté du peuple était épurée des aristocrates et des comptables, qui semblent l'usurper pour acquérir l'impunité. Ya-t-il quelque espérance de justice lorsque les malfaiteurs ont le pouvoir de condamner leurs juges? dit William. Que rien de mal ne soit pardonné ni impuni dans le gouvernement; la justice est plus redoutable pour les ennemis de la République que la terreur seule. Que de traîtres ont échappé à la terreur, qui parle, et n'échapperaient pas à la justice, qui pèse les crimes dans sa main! La justice condamne les ennemis du peuple et les partisans de la tyrannie parmi nous à un esclavage éternel : la terreur leur en laisse espérer la fin; car toutes les tempêtes finissent, et vous l'avez vu la justice condamne les fonctionnaires à la probité; la justice rend le peuple heureux,

et consolide le nouvel ordre de choses: la terreur est une arme à deux tranchans, dont les uns se sont servi à venger le peuple, et d'autres à servir la tyrannie; la terreur a rempli les maisons d'arrêt, mais on ne punit point les coupables; la terreur a passé comme un orage. N'attendez de sévérité durable dans le caractère public que de la force des institutions; un calme affreux suit toujours nos tempêtes, et nous sommes aussi toujours plus indulgens après qu'avant la terreur.

» Les auteurs de cette dépravation sont les indulgens, qui ne se soucient pas de demander de compte à personne, parce qu'ils craignent qu'on ne leur en demande à eux-mêmes ; ainsi, par une transaction tacite entre tous les vices, la patrie se trouve immolée à l'intérêt de chacun, au lieu que tous les intérêts privés soient immolés à la patrie.

>> Marat avait quelques idées heureuses sur le gouvernement représentatif que je regrette qu'il ait emportées : il n'y avait que lui qui pût les dire; il n'y aura que la nécessité qui permettra qu'on les entende de la bouche de tout autre.

>>

Il s'est fait une révolution dans le gouvernement; elle n'a point pénétré l'état civil. Le gouvernement repose sur la liberté, l'état civil sur l'aristocratie, qui forme un rang intermédiaire d'ennemis de la liberté entre le peuple et vous pouvez-vous rester loin du peuple, votre unique ami?

>> Forcez les intermédiaires au respect rigoureux de la représentation nationale et du peuple. Si ces principes pouvaient être adoptés notre patrie serait heureuse, et l'Europe serait bientôt à nos pieds.

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Jusques à quand serons-nous dupes et de nos ennemis intérieurs par l'indulgence déplacée, et des ennemis du dehors, dont nous favorisons les projets par notre faiblesse !

>>

Epargnez l'aristocratie, et vous vous préparerez cinquante ans de troubles. Osez ! ce mot renferme toute la politique de notre révolution.

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L'étranger veut régner chez nous par la discorde : étouffons-la en séquestrant nos ennemis et leurs partisans ; rendons guerre pour guerre! Nos ennemis ne peuvent plus nous résister longtemps; ils nous font la guerre pour s'entre-détruire. Pitt

veut détruire la maison d'Autriche, celle-ci la Prusse, tous ensemble l'Espagne; et cette affreuse et fausse alliance veut détruire les Républiques de l'Europe.

» Pour vous, détruisez le parti rebelle; bronzez la liberté; vengez les patriotes victimes de l'intrigue; mettez le bon sens et la modestie à l'ordre du jour; ne souffrez point qu'il y ait un malheureux ni un pauvre dans l'Etat : ce n'est qu'à ce prix que vous aurez fait une révolution, et une République véritable. Eh! qui vous saurait gré du malheur des bons et du bonheur des méchans? »

DÉCRET. ( Adopté dans la même séance, sans discussion, et à

l'unanimité.)

« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport des comités de salut public et de sûreté générale réunis, décrète :

» Art. 1°. Le comité de sûreté générale est investi du pouvoir de mettre en liberté les patriotes détenus. Toute personne qui réclamera sa liberté rendra compte de sa conduite depuis le premier mai 1789.

2. Les propriétés des patriotes sont inviolables et sacrées. Les biens des personnes reconnues ennemies de la révolution seront séquestrés au profit de la République; ces personnes seront détenues jusqu'à la paix, et bannies ensuite à perpétuité.

» 3. Le rapport, ainsi que le présent décret, seront imprimés, et envoyés sur le champ par des courriers extraordinaires aux départemens, aux armées et aux sociétés populaires. >>

MODE. D'EXÉCUTION.

Saint-Just. Séance du 13 ventôse an 2. (3 mars 1794.)

Citoyens, je vous présente, au nom du comité de salut public, le mode d'exécution du décret rendu le 8 de ce mois. contre les ennemis de la révolution.

C'est une idée très généralement sentie que toute la sagesse d'un gouvernement consiste à réduire le parti opposé à la révolution, et à rendre le peuple heureux aux dépens de tous les vices et de tous les ennemis de la liberté.

» C'est le moyen d'affermir la révolution que de la faire tourner au profit de ceux qui la soutiennent et à la ruine de ceux qui la combattent.

>> Identifiez-vous par la pensée aux mouvemens secrets de tous les cœurs, franchissez les idées intermédiaires qui vous séparent du but où vous tendez. Il vaut mieux hâter la marche de la révolution que de la suivre au gré de tous les complots qui l'embarrassent, qui l'entrayent. C'est à vous d'en déterminer le plan, et d'en précipiter les résultats pour l'avantage de l'humanité.

>>

» Que le cours rapide de votre politique entraîne toutes les intrigues de l'étranger. Un grand coup que vous frappez retentit sur le trône et sur le cœur de tous les rois : les lois et les mesures de détail sont des piqûres que l'aveuglement endurci ne sent pas.

» Faites-vous respecter en prononçant avec fierté la destinée du peuple français; vengez le peuple de douze cents ans de forfaits contre ses pères.

» On trompe les peuples de l'Europe sur ce qui se passe chez nous; on travestit vos discussions: mais on ne travestit point les lois fortes; elles pénètrent tout à coup les pays étrangers comme l'éclair inextinguible.

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Que l'Europe apprenne que vous ne voulez plus un malheureux ni un oppresseur sur le territoire français; que cet exemple fructifie sur la terre; qu'il y propage l'amour des vertus et le bonheur ! Le bonheur est une idée neuve en Europe. »

DÉCRET. (Adopté dans la même séance, sans discussion, et à l'unanimité.)

« La Convention nationale, sur le rapport du comité de salut public, décrète :

» Art. 1o. Toutes les communes de la République dresseront un état des patriotes indigens qu'elles renferment, avec leurs noms, leur âge, leur profession, le nombre et l'âge de leurs enfans. Les directoires de district feront parvenir dans le plus bref délai ces états au comité de salut public.

» 2. Lorsque le comité de salut public aura reçu ces états il fera un rapport sur les moyens d'indemniser tous les malheureux avec les biens des ennemis de la révolution, selon le tableau que le comité de sûreté générale lui en aura présenté, et qui sera rendu public.

» 3. En conséquence, le comité de sûreté générale donnera des ordres précis à tous les comités de surveillance de la République pour que, dans un délai qu'il fixera à chaque district selon son éloignement, ces comités lui fassent passer respectivement les noms, la conduite de tous les détenus depuis le premier mai 1789. Il en sera de même de ceux qui seront détenus par la suite. »

RAPPORT sur les factions de l'étranger et sur la conjuration ourdie par elles dans la République française pour détruire le gouvernement républicain par la corruption, et pour affamer Paris, fait par Saint-Just, au nom du comité de salut public. Du 23 ventose an 2. (13 mars 1794.)

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Citoyens représentans du peuple français, il est une convention naturelle entre les gouvernemens libres et les peuples libres par laquelle les gouvernemens s'engagent à se sacrifier à la patrie, et par laquelle les peuples, sans s'engager en rien, s'obligent seulement à être justes. L'insurrection est la garantie des peuples, qui ne peut être ni défendue ni modifiée mais les gouvernemens doivent avoir aussi leur garantie; elle est dans la justice et dans la vertu du peuple.

» Il résulte de ces idées que le complot le plus funeste qui se puisse ourdir contre un gouvernement est la corruption de l'esprit public pour le distraire de la justice et de la vertu, afin que, le gouvernement perdant sa garantie, on puisse tout oser pour le détruire.

» Je viens donc aujourd'hui vous payer, au nom du comité de salut public, le tribut sévère de l'amour de la patrie; je viens dénoncer au peuple français un plan de perversité éversif de la garantie du gouvernement, une conjuration contre le peuple français et contre Paris.

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Je viens vous dire sans aucun ménagement des vérités âpres, voilées jusqu'aujourd'hui. La voix d'un paysan du

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