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allez vous

terre! Mauvais citoyens, à qui la tâche imposée par l'étranger est de troubler la paix publique et de corrompre tous les cœurs, allez dans les combats, vils artisans des calamités, instruire à l'honneur parmi les défenseurs de la patrie!... Mais non, vous n'irez point; l'échafaud vous attend!

» Il est dans les desseins de l'étranger de diviser Paris contre lui-même, d'y répandre l'immoralité, d'y semer un fanatisme nouveau sans doute, celui des vices et de l'amour des jouissances insensées. Les jacobins ont renversé le trône par la violence généreuse du patriotisme; on veut combattre le gouvernement libre par la violence de la corruption : aussi la conspiration devait-elle égorger les jacobins. Les prétextes de cet abominable attentat étaient le bien public, comme cet affreux Anne Montmorenci, qui, priant Dieu, faisait égorger les citoyens pour la plus grande gloire du ciel ! Ce funeste projet avait séduit le patriotisme trompé. Patriotes, réfléchissez-donc ! Et que ne disiez-vous à ceux qui proposaient le crime

Le peuple n'est pas un tyran; si vous voulez faire contre l'ordre présent des choses ce que le peuple a fait contre la tyrannie, vous êtes des méchans qu'il faut démasquer. C'est le peuple aujourd'hui qui règne; c'est lui que l'aristocratie veut détrôner. Voulez-vous des emplois, défendez les malheureux dans les tribunaux; voulez-vous des richesses, sachez vous passer du superflu: voyons vos tables, vos draperies. Vous voit-on parler au peuple des vertus civiles? Etes-vous des exemples de rigidité? Vous voit-on lui enseigner à diriger le cœur et l'esprit des enfans? Où sont les opprimés dont vous avez essuyé les larmes ? Malheur à vous qui savez les chemins qui conduisent à la fortune, et ne connaissez pas les chemins obscurs qui conduisent dans les asiles de la misère ! Vous poursuivez avec acharnement le pouvoir qui est au dessus de vous; vous méprisez le reste, et vous ne songez guère à ceux qui souffrent au dessous de vous; et si la justice populaire vient à vous poursuivre, vous prenez la justice pour l'oppression.

» Voilà ce qu'il fallait répondre. Le caractère des conjurarations est le déguisement; on serait imprudent d'annoncer ses desseins et son crime : il ne faut donc point s'arrêter à la

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surface des discours, mais juger un homme par ce que la probité conseille aujourd'hui. La probité conseille maintenant de rester uni, et d'accorder au peuple les fruits pénibles de cinq ans de révolution; la probité conseille la perte de tous les ennemis de la révolution; mais elle ne conseille pas d'attaquer ces ennemis de manière à frapper du même coup la patrie. Guillaume Tell, forcé d'enlever une pomme de la tête de son enfant avec une flèche meurtrière, est l'image du peuple armé contre lui-mêine. Soulevons le voile qui cache les complots; épions les discours, les gestes, l'esprit de suite de chacun. Si quelqu'un courait dans Paris criant: il faut un roi, il serait arêté et périrait sur l'heure; si quelqu'un dans une société populaire osait dire : rétablissons la tyrannie, il serait immolé. Que doivent donc faire ceux qui n'osent point parler ainsi? Ils doivent dissimuler. Ceux qui auraient dit sous les rois dans les places publiques : il ne faut point de roi, renversons le trône, auraient été pendus. Que faisaient alors les ennemis de la tyrannie? Ils dissimulaient. C'est une chose reconnue que quiconque conspire contre un régime établi doit dissimuler; ne jugeons donc point toujours les hommes sur leurs discours et leur extérieur : nous pouvons convaincre de dissimulation ceux qui font et disent aujourd'hui ce qu'ils ne faisaient et ne disaient pas pas hier. Il donc un parti opposé à la liberté, et ce parti est le parti qui dissimule. Ceux qui sont du parti du peuple n'ont plus à dissimuler aujourd'hui ; et cependant celui-là se déguise qui s'est déclaré le chef d'une opinion, et qui, quand ce parti a du dessous, déclame pour tromper ses juges et le peuple contre sa propre opinion. Je laisse ce miroir devant les coupables.

y a

» Ainsi commença la révolte de Prescy dans Lyon. Il dissimula longtemps; il biaisait, il interprétait ce qu'il avait dit la veille; s'il n'avait point réussi, il s'accommodait à la liberté; il était à toute heure, en toute circonstance ce qu'il fallait paraître; il temporisait; l'accusait-on, il était patriote. Il éclata enfin ; il entraîna les faibles, il dirigea ceux qui étaient plus forts, il se dépouilla de sa dissimulation, prit la cocarde blanche, et se battit.

» Ainsi finira tout parti. Tout parti veut le mal dans la

République fondée. Il y a dans Paris un parti; des placards royalistes, l'insolence des étrangers et des nobles, qui se parlent sous la main et à l'oreille, tout l'annonce.

» Lorsqu'un parti s'annonce il y a un piége nouveau, quelque couleur qu'il prenne. La vérité n'est pas artificieuse; mais ils sont artificieux les comptables à la justice du peuple qui veulent lui échapper, les fonctionnaires qui se lèvent entre le peuple et la représentation nationale pour opprimer l'un et l'autre, les complices de Chabot, qui veulent le sauver; il est artificieux le parti de l'étranger, qui, sous prétexte d'une plus grande sévérité que vous contre les détenus, n'attend qu'un moment de tumulte pour leur ouvrir les prisons. Je vois les imitateurs de Prescy, qui mit Lyon en révolte contre la liberté; les imitateurs de Charrette, qui souleva la Vendée contre le peuple français.

» Les sociétés populaires étaient autrefois des temples de l'égalité; les citoyens et les législateurs y venaient méditer la perte de la tyrannie, la chute des rois, les moyens de fonder la liberté ; dans les sociétés populaires on voyait le peuple, uni à ses représentans, les éclairer et les juger : mais depuis que les sociétés populaires se sont remplies d'êtres artificieux, qui viennent briguer à grands cris leur élévation à la législature, au ministère, au généralat, depuis qu'il y a dans ces sociétés trop de fonctionnaires, trop peu de citoyens, le peuple y est nul. Ce n'est plus lui qui juge le gouvernement; ce sont les fonctionnaires coalisés, qui, réunissant leur influence, font taire le peuple, l'épouvantent, le séparent des législateurs, qui devraient en être inséparables, et corrompent l'opinion, dont ils s'emparent, et par laquelle ils font taire le gouvernement, et dénoncent la liberté même. Qui ne voit point tous les piéges que l'étranger a pu nous tendre par nos propres moyens ?

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» La démocratie en France est perdue si les magistrats y ont plus d'influence que le peuple, et si cette influence est un moyen d'élévation. On n'a point osé dire encore ces vérités simples, par cette raison même que, la hiérarchie du gouvernement étant renversée, aucune idée, aucun principe n'est à sa place; par la raison que le gouvernement même semble redouter l'influence usurpée par ses comptables; par la raison

que la coalition de plusieurs membres des pouvoirs contre le peuple, contre la liberté, contre la représentation nationale, s'est déjà fortifiée.

» Il nous manque une déclaration des principes de notre droit public qui soit une loi sainte et redoutable, qui soit la loi suprême du salut du peuple. Il ne faut point que l'aristocratie puisse braver le gouvernement; il ne faut pas qu'un rebelle qui vend son pays puisse résister à la justice en disant qu'il résiste à l'oppression; il ne faut point que des traîtres conspirent contre la vérité même, qui les poursuit, et le pouvoir légitime, qui les châtie.

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» Voilà le fruit de cette patricide indulgence contre laquelle je me suis déclaré ces jours derniers. Avez-vous remarqué depuis ce temps, malgré l'opinion et le cri du patriotisme quelle couleur a prise la faction de l'étranger? Un bruit sourd s'est répandu de l'ouverture des prisons ; des lettres répandues dans les halles demandaient un roi; elle a tenté de s'emparer de l'impulsion que vous donnâtes à la justice contre elle-même; elle a redouté les cœurs malheureux que ce décret bienfaisant conciliait à la liberté ; elle s'est cru perdue; elle a éclaté plutôt qu'elle ne l'avait résolu; elle a voulu reporter la mort contre les patriotes et le gouvernement, et a tourné contre la sûreté publique cette violence que nous implorâmes contre cette faction même : car tous les complots sont unis; ce sont les vagues qui semblent se fuir, et qui se mêlent cependant. La faction des indulgens, qui veulent sauver les criminels, et la faction de l'étranger, qui se montre hurlante parce qu'elle ne peut faire autrement sans se démasquer, mais qui tourne la sévérité contre les défenseurs du peuple; toutes ces factions se retrouvent la nuit pour concerter leurs attentats du jour; elles paraissent se combattre pour que l'opinion se partage entre elles ; elles se rapprochent ensuite pour étouffer la liberté entre deux

crimes.

» L'indulgence ne consiste pas seulement à ménager les criminels qui sont détenus; cette indulgence n'est pas moins coupable qui épargne les ennemis dissimulés du peuple.

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Que votre politique embrasse un vaste plan de régénération: osez tout ce que l'intérêt et l'affermissement d'un état

libre commande. Où donc est la roche Tarpéienne? ou n'avezvous point le courage d'en précipiter l'aristocratie, de quelque masque qu'elle couvre son front d'airain? Quoi! le lendemain que nous vous eûmes conseillé une sévérité inflexible contre les détenus ennemis de la révolution, on tenta de tourner contre les patriotes l'essor que cette idée avait donné à l'opinion! Cela peut vous convaincre de l'adresse des ennemis de la patrie. Tandis que les bons citoyens se réjouissaient du nouveau triomphe de la liberté, il se fit une éruption soudaine, imprévue. Nous vous parlâmes du bonheur : l'égoïsme abusa de cette idée pour exaspérer les cris et la fureur de l'aristocratie; on réveilla soudain les désirs de ce bonheur, qui consiste dans l'oubli des autres et dans la jouissance du superflu. Le bonheur ! le bonheur! s'écria-t-on. Mais ce ne fut point le bonheur de Persépolis que nous vous offrîmes; ce bonheur est celui des corrupteurs de l'humanité: nous vous offrîmes le bonheur de Sparte et celui d'Athènes dans ses beaux jours; nous vous offrîmes le bonheur de la vertu, celui de l'aisance et de la médiocrité; nous vous offrîmes le bonheur qui naît de la jouissance du nécessaire sans superfluité; nous vous offrîmes pour bonheur la haine de la tyrannie, la volupté d'une cabane et d'un champ fertile cultivé par vos mains; nous offrîmes au peuple le bonheur d'être libre et tranquille, et de jouir en paix des fruits et des mœurs de la révolution; celui de retourner à la nature, à la morale, et de fonder la République. C'est le peuple qui fait la République par la simplicité de ses mœurs : ce ne sont point les charlatans, qu'il faut chasser au préalable de notre société si vous voulez qu'on y soit heureux. Le bonheur que nous vous offrîmes n'est pas celui des peuples corrompus; ceux-là se sont trompés qui attendaient de la révolution le privilége d'être à leur tour aussi méchans que la noblesse et que les riches de la monarchie : une charrue, un champ, une chaumière à l'abri du fisc, une famille à l'abri de la lubricité d'un brigand, voilà le bonheur.

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Que voulez-vous, vous qui ne voulez point de vertu pour être heureux? Que voulez-vous, vous qui ne voulez point de terreur contre les méchans? Que voulez-vous, ô vous qui, sans vertu, tournez la terreur contre la liberté ? Et cependant vous

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