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dépeindre la conjuration, et vous désignerai ses derniers complices.

» Les conjurations instruisent les gouvernemens à veiller sur les mœurs, et à conserver la pureté des principes sur lesquels repose la législation; elles sont un signe certain qu'on a négligé de corriger beaucoup d'abus, et surtout de punir l'injustice; que l'insensibilité des lois pour le malheur et pour les mécontentemens légitimes a grossi les factions, et que l'indu!gence pour les méchans, ou la corruption des fonctionnaires, a découragé les cœurs et les a rendus indifférens pour la patrie.

» Nous avons passé par tous les orages qui accompagnent ordinairement les vastes desseins. Une révolution est une entréprise héroïque dont les auteurs marchent entre les périls et l'immortalité : la dernière vous est acquise si vous savez immoler les factions ennemies.

» Elles sont le dernier espoir de la tyrannie; elles ont leur source dans la passion ordinaire de tourner à son avantage personnel la réputation que l'on s'est faite; elles ont une autre source dans l'opposition étrangère. C'est ainsi que les gouvernemens européens ont corrompu depuis cinq ans un grand nombre de ceux qui avaient joué un rôle dans la révolution. Beaucoup de gens ont assez d'esprit pour faire le bien; peu de gens ont un cœur propre à le vouloir opiniâtrément. Qu'on ne s'étonne plus de la chute de tant de tréteaux ; ce fut chez tous les peuples la marche de l'esprit humain, et c'est ce qui nous est resté de la monarchie. Tout ce que les tyrans nous reprochent de mal nous vient d'eux-mêmes, et l'Europe serait heureuse s'ils n'y régnaient point.

>> Plaise au ciel que nous ayons vu le dernier orage de la liberté, et que l'expérience nous ait appris qu'il faut une garantie au gouvernement libre ! C'est ce que je me propose de démontrer encore en vous offrant dans ses détails, dans sa marche, ses moyens et son but, la conjuration ourdie depuis plusieurs années contre la révolution.

» Vous aviez négligé de préciser la garantie du peuple et la vôtre contre l'influence des pouvoirs intermédiaires. Les hommes revêtus de ces pouvoirs s'unissant pour vous accabler, le gouvernement était trop faible contre eux, parce qu'ils étaient li

vrés à l'intrigue et résistaient au bien public: de là la marche convulsive des affaires. Vous ne pouviez atteindre immédiatement tous les abus; les agens les favorisaient : rappelez-vous qu'ils ont tour à tour été livrés à Lafayette, à Dumourier, au fédéralisme. Le caractère personnel de quelques-uns de leurs membres a sauvé la patrie dans les crises et dans les trahisons; mais la inajorité de ces agens parut toujours livrée aux

attentats.

>>

L'étranger avait calculé toutes les conséquences d'un régime où les derniers fonctionnaires coalisés se rendaient plus puissans que le gouvernement même. Deux raisons énervaient les institutions: dans les uns l'envie de sortir de l'honnête obscurité; dans les autres la perfidie, et la complicité avec les ennemis de la patrie. Une troisième raison renversait sans cesse l'harmonie suprême d'action dans le corps politique; c'était l'usurpation constante de l'influence de la représentation nationale et du gouvernement républicain émané d'elle.

>> Nous allons voir quel parti les factions surent tirer de ces vices de notre complexion; nous allons voir comment tous les crimes, forcés à dissimuler par la violence du penchant du peuple vers la liberté, fermentèrent pêle-mêle avec la révolution; nous allons démasquer tous les visages; nous allons suivre pas à pas l'étranger.

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Depuis le commencement de la révolution l'Angleterre et les gouvernemens ennemis du peuple français ont perpétué parmi nous un parti composé de diverses factions coïncidentes, mais quelquefois inconnues les unes aux autres l'une d'entre elles était-elle abattue, les autres étaient mises en mouvement par la crainte, et venaient intercepter le cours de la législation et de la justice, qu'elles redoutaient.

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» Le parti d'Orléans fut le premier constitué; il eut des branches dans toutes les autorités et dans les trois législatures. Ce parti criminel, mais dénué d'audace, s'est toujours revêtu des prétextes de circonstances et des couleurs dominantes : de là est venue sa ruine; car, dissimulant toujours et ne brusquant pas, il était emporté par l'énergie des hommes de bonne foi et par la force de la vertu du peuple, et suivait tou

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jours le cours de la révolution, se voilant sans cesse et n'osant jamais rien.

» C'est ce qui fit croire au commencement que d'Orléans n'avait aucune ambition, car, dans les circonstances les mieux préparées, il manqua de courage et de résolution.

» Ces convulsions secrètes des partis, qui dissimulaient, ont été les causes des malheurs publics. La révolution populaire était la surface d'un volcan de conjurations étrangères. L'Assemblée constituante, sénat le jour, était la nuit un ramas de factions qui préparait la politique et les artifices du lendemain. Les affaires avaient toujours une double intention : l'une ostensible et coloriée avec grâce; l'autre secrète, et qui menait à des résultats cachés, et contraires à l'intérêt du peuple.

» On fit la guerre à la noblesse, amie coupable des Bourbons , pour aplanir le chemin du trône à d'Orléans. On voit à chaque pas les efforts de ce parti pour ruiner la cour, son ennemie, et conserver la royauté ; mais la perte de l'une entraînait l'autre ; aucune royauté ne peut se passer de patriciat.

» On avait compté sur l'ascendant de Mirabeau pour conserver le trône sans patriciat :Nui mort, on essaya dans la révision de constituer ce problême; on ne le put pas. La législation étant impuissante pour favoriser ce parti, on se jeta dans la politique et dans l'intrigue. Une nouvelle scène s'ouvre. Les crimes du tyran avaient fait abhorrer la royauté, que Brissot, Vergniaud, Pétion et leurs complices voulaient maintenir pour d'Orléans l'opinion du peuple était tellement opposée à la monarchie, qu'il n'y avait aucun moyen de la maintenir ouvertement. Alors on voit le parti d'Orléans dissimuler de nouveau ; c'est lui qui propose quelquefois le bannissement des Bourbons, et c'est lui qui veut les remettre sur le trône; c'est lui qui veut rétablir la royauté, et qui la proscrit en apparence; c'est lui qui tous les soirs se retrouve avec d'Orléans ; c'est lui qui le dénonce et le persécute en apparence.

>> Cette conduite devait faire paraître les partisans secrets de la tyrannie les meilleurs amis de la liberté, et leur concilier l'opinion de manière à ce que, le parti républicain étant renversé et la confiance sans bornes en eux, ils pussent tout tenter parmi l'enthousiasme qu'ils auraient inspiré.

» Cette politique ne put résister à l'énergie des partisans de la République. Dumourier, l'ami des rois et le chef de la faction d'Orléans; Dumourier, qui ne s'était déclaré contre Lafayette que parce que celui-ci était l'homme de la cour; Dumourier, qui voulait le bannissement du roi, mais non sa mort, pour lui substituer une autre dynastie; Dumourier, l'homme de d'Orléans et de Brissot, éclate. La politique de Brissot et ses complices est découverte; c'était un roi de la famille d'Orléans que l'on avait voulu. Tout est rapproché ; les liaisons sont découvertes ; d'Orléans est exécuté; il est puni de ses prétentions criminelles. Mais les factions qui avaient ourdi son parti lui survivent; elles survivent les factions amies de Dumourier! Peuvent-elles aimer la République? Non. N'espérez donc de paix dans l'Etat que lorsque le dernier partisan de d'Orléans, que lorsque la faction des indulgens qui protège l'aristocratie, que lorsque les derniers amis de Dumourier et ceux qui ont trempé dans les trahisons sans être découverts jusqu'aujourd'hui seront morts: tout cela compose la conjuration de l'étranger. Il a conspiré sans cesse au milieu de nous depuis cinq ans, en corrompant les orateurs pour nous donner des conseils funestes que les circonstances amenées ne permettaient pas de combattre, en avilissant nos monnaies, en bouleversant nos colonies, en achetant les généraux et les pouvoirs, en détruisant notre commerce, en interceptant la circulation des denrées, et en constituant chaque département, chaque district, chaque commune, chaque section même en fédéralisme de fait et en autorité indépendante de la représentation nationale. Il a moins espéré de la force des armes que de l'imprévoyance des Français, et notre conduite n'a que trop justifié cet espoir.

» Un régime nouveau s'établit difficilement, surtout dans un grand empire, où la multiplicité des rouages, des rapports et des dangers fait que la plupart des abus échappent à la justice et résistent à la sagesse. Comment démêler les intrigues qui rompent tous les fils et confondent l'attention? Comment faire écouter la voix tranquille du bon sens au milieu des piéges qui lui sont tendus par l'esprit ?

» Mais enfin les périls auxquels la liberté vient d'échapper

ont rendu les citoyens plus attentifs. Que le passé nous instruise! L'étranger n'a pas résolu sans doute de nous laisser en paix : c'est à nous de dévoiler tous les partis qu'il a formés, tous les partisans qui lui restent, et les trames qu'on a tissues; c'est avec les débris des factions échappées au supplice, qui craignent l'avenir, qu'on en créerait de nouvelles.

>> Les divisions de Mirabeau et des Lameth, qui étaient du même parti; les divisions des Lameth et de Lafayette, qui soutenaient la royauté; celles de Brissot et de d'Orléans, qui étaient secrètement amies, tout nous convainc que l'étranger forma ou favorisa de tout temps divers partis pour ourdir les mêmes complots et pour les rendre inextricables.

» Tout récemment Hébert, le partisan couvert de la royauté, déclamait contre les banques, et soupait tous les soirs chez les banquiers; il parut l'ennemi déclaré de Chabot, et, le jour de l'arrestation de Chabot, Hébert et sa femme y devaient souper bien plus; pendant l'arrestation de Chabot, Hébert n'a cessé de déclamer contre lui, et il était son partisan.

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» Ronsin voyait les étrangers Frey, beaux-frères de Chabot; le banquier Coonknoff, hollandais, avait été l'ami de Dumourier et le confident de tous ses desseins; il rédigeait le journal du Batave avec Clootz, qui aimait l'univers, excepté la France; et jamais on ne se douta de ces points de contact entre Ronsin, Chabot, Hébert et Clootz, qui même semblaient divisés.

» Il y eut une faction en 1790 pour mettre la couronne sur la tête de d'Orléans; il y en eut une pour la maintenir sur la tête des Bourbons; il y eut une autre faction pour inettre sur le trône de la France la maison d'Hanovre : ces factions furent renversées le 10 août avec la royauté. La terreur força à dissimuler plus profondément tous les conjurés secrets en faveur de la monarchie; alors toutes ces factions prirent le masque du parti républicain. Brissot, la Gironde et Dumourier continuèrent la faction d'Orléans; Carra, la faction d'Hanovre ; Manuel, Lanjuinais et d'autres, le parti des Bourbons. Ces partis divers, qui avaient chacun un but politique, se confondaient dans la haine du parti républicain. Les périls unirent les premiers; ils finirent par combattre tous ensemble pour la

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