les hommes s'enthousiasmaient pour l'étude, à la fin du xire si cle. << Voyant, écrit-il, que, de tous côtés, on se livre avec fureur à l'étude de la grammaire et que le nombre toujours croissant des écoles en rend l'accès facile aux hommes les plus grossiers..... . » Le 3e Concile de Latran (1179), statua qu'il y aurait dans chaque église un précepteur pour instruire gratuitement les ecclésiastiques et les pauvres écoliers. Un bénéfice convenable serait assigné aux maîtres 2. L'article 23 du Concile de Rouen, tenu en 1213, protège ces maîtres d'école en défendant « de réclamer quoi que ce soit de ceux qui seraient autorisés à enseigner et à prendre la direction des écoles, sous peine d'être privé du bénéfice ecclésiastique 3. » Le 4e Concile de Latran (1215) renouvelle les prescriptions du Concile précédemment tenu dans la même ville et ajoute qu'un écolâtre sera établi dans les églises et les monastères où des fonds sont destinés à cet ussge. A Paris, à la fin du xe siècle, nous assistons à la création des Petites-Ecoles qui constituent le premier 1 Histoires des Croisades, ibid. Préface. 2 Un fait curieux nous montre quel était au Moyen-Age le respect excessif des droits acquis. A cette époque de ferveur spontanée pour l'étude, on voulut ouvrir de nouvelles écoles dans la région de Mortain. Robert, comte de Mortain, le défendit expressément en stipulant que le chanoine, propriétaire des écoles existantes, pourrait confisquer les biens des nouveaux établissements. 3 Cité par M. Léon Boutry, loc. cit, p. 12. essai d'éducation populaire, coordonné et méthodique et qui demeureront longtemps encore la seule tentative sérieuse d'enseignement élémentaire. Dès 1292, ces Petites-Ecoles, fondées par le Chapitre de Paris, étaient au nombre de 12. Le rôle de la Taille pour cette année 1292 donne les noms de 11 maîtres et celui de 1 maîtresse. Le Grand Chantre de Notre-Dame, second personnage du Chapître, exerçait son autorité sur ces écoles à l'exception de quelques-unes qui relevaient du Chancelier de Notre-Dame. L'organisation nous en est révélée par les statuts rédigés en 1357 et par le compte rendu d'un Synode tenu le 6 juin 1380. Les maîtres ne pouvaient enseigner qu'après avoir obtenu l'autorisation du chantre qui leur délivrait des lettres de maîtrise pour une année seulement. Le Chantre renouvelait ses lettres ou les retirait, l'année terminée, suivant les aptitudes du titulaire de l'école. Les écoles mixtes étaient interdites. L'instruction n'y était pas donnée gratuitement, mais le Chantre s'efforçait d'alléger la légère rétribution demandée aux parents. En 1380, le Grand Chantre, Guillaume de Sauvarville, réunit 63 maîtres et maîtresses. On comptait alors 41 écoles de garçons et 22 écoles de filles. « Ces petites écoles, écrit M. A. Franklin, étaient << surtout destinées à former des ecclésiastiques sécu«liers..... L'enfant avait profité de l'enseignement << donné dans les Petites-Ecoles, qui savait lire, écrire, 1 La Vie privée d'autrefois : Ecoles et Collèges. Plon, 1892. << compter et entendait un peu le latin, avait droi tau << titre fort envié de clerc. Une foule de positions hono<< rables s'offraient à lui, soit qu'il voulût entrer au << service d'un grand seigneur pour y tenir les écritures « et les comptes, soit qu'il désirât poursuivre ses « études et se consacrer au professorat ou à la prêtrise. << Au milieu du xe siècle, l'instruction menait à tout, «<et l'enfant né dans la plus basse classe de la « Société pouvait parvenir aux plus hautes dignités : « Le fils d'un pauvre homme peut devenir évêque et « même pape, écrivait alors Philippe de Navarre. » A côté de ces petites écoles, les couvents avaient fondé des établissements destinés à assurer le recrutement du clergé régulier. Malheureusement la guerre de Cent Ans, ses luttes violentes, ses troubles, furent un obstacle aux progrès de l'enseignement populaire. Le continuateur de Guillaume de Nangis, cité par M. l'abbé Allain et par M. Léopold Delisle, remarque qu'après la pestc de 1348, on trouvait peu de personnes qui voulussent apprendre la grammaire aux enfants. Et cependant, les écoles populaires étaient florissantes en Normandie, au XIIIe siècle : elles étaient sous la dépendance et la surveillance de l'autorité ecclésiastique qui exerçait très jalousement ses droits. La nomination, dans certains villages, se rapprochait comme forme de celle des curés : elle appartenait au patron de l'église ; dans certains autres 1 Dans les actes de vente des seigneuries figure souvent le droit d'école qui se trouve compris dans cette vente. ce choix était réservé à l'évêque ou au grand écolâtre de la cathédrale 1. Le mandat délivré au maître devait être très limité; nous savons qu'à Neubourg ses pouvoirs expiraient au bout de trois mois. Une lettre de Henri V, du 17 juin 1421, nous apprend que l'évêque de Séez conférait les écoles de Falaise de 3 ans en 3 ans 2. Une large part était faite dans ces écoles à l'instruction religieuse et à la grammaire latine; on cherchait surtout à y former des clercs destinés à la prêtrise, mais on y initiait aussi à l'art de la lecture et de l'écriture un certain nombre de paysans. En 1234 les Vavasseurs 3 de l'Abbaye de Troarn, attestent, par leurs signatures, l'authenticité d'un Censier de la Baronnie de Troarn, dressé par les soins de l'abbé Saffred. D'ailleurs, les clercs, formés par ces Ecoles, se livraient aux travaux des champs en attendant un bénéfice; l'instruction populaire devait être favorisée par la présence de cette multitude de clercs. Gerson, dans son Traité de la Visite des Paroisses (1400), conseille aux visiteurs de chercher à savoir 1 Plus tard, nous voyons figurer, comme clause de style dans les Ordonnances royales, érigeant de nouveaux offices municipaux, parmi les attributions des Consuls, le droit de nommer des maîtres d'école. 2 Pauci inveniebantar qui scirent aut vellent in domibus, villis et castris informare pueros in grammaticalibus rudimentis. (Continuatio chron. Guill. de Naug, éd. de Guéraud. T. II., p. 216.) 3 Les hommes de la classe moyenne, en Normandie, nommés ailleurs hommes libres. si chaque paroisse possède une école, et dans quelles conditions les enfants y sont instruits. Il prescrit d'établir des écoles populaires dans toutes les paroisses où il n'en existe pas. Le XIIIe Canon du Concile de Rouen (1445) ordonne aux collaborateurs des écoles de les confier à des personnes recommandables et de ne rien exiger pour cette collation. L'enseignement semble très florissant en Normandie, à la fin du Moyen-Age; en 1492, à la Haye du Theil, nous voyons « que les parents et amis de << Marion Boucher, qui vient de perdre son père, la << baîllent à sa mère et à son tuteur à garder, nour<< rir et gouverner pendant trois ans, pendant lequel << temps ils seront obligés la tenir à l'école et lui trou« ver livres à ce nécessaires ». Des clauses semblables se rencontrent dans les contrats d'apprentissage, de tutelle, et l'article 220 de la Coutume de Normandie, relatif à la gardenoble, ne fait que consacrer cet usage, qui devait déjà être ancien, de donner l'enseignement aux enfants, que légaliser une habitude et attester l'état des esprits, puisque l'instruction est considérée comme le premier des devoirs envers les pupilles et les apprentis. «< Où les seigneurs ne feraient leur devoir << tant de la nourriture et entrètenement, que de « l'éducation des soulz-âages, les tuteurs ou parents << se pourront pourvoir en Justice pour les y con«<traindre. >> On peut inférer de tous ces textes que des écoles |