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l'œuvre des civilisations antérieures, et à faire de l'Église la précieuse gardienne de la pensée et de l'idéal intellectuel. L'attention des Conciles fut de bonne heure appelée vers l'éducation populaire : les écoles ouvertes au peuple des villes et du plat pays pouvaient seules répandre la doctrine chrétienne, maintenir parmi les hérésies naissantes l'unité des croyances et affermir la suprématie politique de l'Eglise romaine. L'éducation populaire fut, du Haut Moyen-Age à la Renaissance, l'œuvre de l'Eglise; sa constitution démocratique des origines lui faisait un devoir de choisir les clercs dans les rangs des plus humbles fidèles et le principe de charité lui ordonnait de distribuer les connaissances les plus utiles, les simples évangiles, les dogmes et les naïfs mystères, manne spirituelle qui réconforte et console les manants et les serfs attachés à la glèbe et apprenant à aimer ce reflet d'idéal 1. Depuis quelques années de nombreux érudits se

1 On a beaucoup discuté sur l'enseignement populaire au Moyen-Age et dans les temps modernes. Les uns ont prétendu que l'Eglise donnait au peuple un enseignement très complet; les autres que l'Eglise laissait les esprits dans l'ignorance, afin de les mieux asservir. Nous verrons que l'enseignement n'était pas au Haut Moyen Age ce qu'il est depuis trente ans ; il était plutôt destiné à former des clercs et des ecclésiastiques; après le xvIe siècle, il y eut un grand effort de l'Eglise, dans un but intéressé peutêtre, mais qui n'en fut pas moins bienfaisant. Au MoyenAge il y eut plutôt des tentatives isolées; on assiste alors à l'éveil des bonnes volontés.

sont attachés à l'étude de l'enseignement au MoyenAge et ont depuis vingt ans publié des monographies de villes ou de provinces. On sait en effet que la meilleure méthode scientifique pour étudier le Moyen-Age est la méthode monographique : les coutumes, les institutions, les lois et les usages différaient de province à province et souvent même de ville à ville. Tout était diversité dans la société féodale: l'unité de nos gouvernements modernes y fut inconnue et longtemps encore, jusqu'à la veille de la Révolution qui devait créer la nation, le royaume français ne constituait qu'un vaste assemblage de territoires distincts où différaient les impôts, les lois, les tribunaux. Il importe donc de ne pas juger l'ancienne France comme une nation organisée, centralisée, liée fortement par des intérêts et des traditions communes entre ses différentes provinces, ayant un vaste système politique qui l'unifie, corps social aux fonctions établies harmonieusement, où s'équilibrent les forces et les droits. De cette diversité de l'histoire du Moyen-Age, de cet infini morcellement, la connaissance exacte ne peut être acquise que parcelles par parcelles; quand un point est établi avec précision, quand une notion est acquise, il serait téméraire de généraliser et il convient de s'imposer une discipline intellectuelle ne pas conclure hâtivement de l'existence d'une institution dans une province à son existence dans la province voisine ou la ville la plus rapprochée. On ne peut sans erreur grossière porter un jugement d'ensemble

sur l'enseignement populaire au Moyen-Age; on ne peut qu'en posséder une notion variant avec les provinces: les écoles étaient, en général, plus répandues dans les provinces du Nord et de l'Est que dans celles de l'Ouest, du Centre et du Midi. Et cependant, MM. Baudrillart et Léopold Delisle s'accordent à dire que l'élite de la classe rurale profita de l'instruction en Normandie, pays d'Ouest !

Il importait donc à la science historique de travailler sur des documents exacts, concernant un tout petit territoire, une seule ville même, afin de parvenir à une connaissance au moins relative de la France du Moyen-Age. C'est dans la vie intime de chaque province, dans la minutieuse analyse de l'existence administrative et historique d'une ville qu'on peut le mieux saisir le caractère et les institutions d'une époque. Il restera à accomplir l'œuvre de synthèse, mais ce seront de patients érudits, d'humbles monographes qui auront apporté les matériaux.

On s'est donc attaché depuis quelques années à la reconstitution, province par province, d'une Carte historique de la France et c'est la seule méthode scientifique qui puisse s'appliquer à l'Ancien Régime. Ici, la science historique, pour obtenir la précision et l'exactitude, rétrécit de plus en plus les cercles dont elle a investi les formes politiques du passé. La passion fougueuse d'un Michelet, ce visionnaire des siècles écroulés, son adorable sensibilité, sa puissante imagination qui fait vivre hors la nuit du Moyen-Age les communes affranchies des féodaux,

les cités commerçantes et libres, les guerriers farouches, les doux mystiques, les cathédrales miraculeuses, ces poèmes qui tour à tour maudissent ou exaltent, ces livres de foi en l'esprit, de sensibilité et de ferveur révolutionnaires, ne peuvent avoir l'intérêt scientifique des travaux arides de ces érudits, de ces archivistes, attentifs aux textes d'une ville, d'une province, d'un diocèse, patients analystes des phénomènes sociaux les plus restreints. Ce sont eux qui contribuèrent à nous donner non la vision et le sentiment, mais une connaissance exacte de la société médiévale.

Les principales sources historiques pour le MoyenAge et les temps modernes se trouvent dans les Procès-verbaux de visite (Archives départementales, série G, ou archives de certains évêchés et archevêchés), les Registres des Anciennes chancelleries épiscopales, les Commissions de requêtes de régents, les Registres des Conseils épiscopaux ou bureaux d'Administration des Diocèses. On les trouve encore dans les fonds provenant des ordres religieux d'hommes ou de femmes (Archives départementales, série H), les Papiers des Intendances (Archives dép., série C), la Série Judiciaire (Archives dép., série B), les Minutes des Notaires (Archives dép., série D), dans les pièces relatives à l'instruction publique et contenues dans les Anciens Registres de l'Etat civil, conservés soit aux greffes des Tribunaux de première instance, soit aux Archives des Communes (série G G ou série E des Archives départementales), dans les

Registres des délibérations des municipalités (Archives com. série B B).

De très nombreuses monographies étudient la vie scolaire dans la plupart des provinces françaises. MM. Fayet et Maggiolo, anciens recteurs, ont étudié l'instruction primaire, le premier dans la HauteMarne et la Côte-d'Or 1, le second en Lorraine, en Beauce, dans le Gâtinais 2.

M. Maggiolo fut chargé par le ministère de l'Instruction publique, en 1877, d'une vaste enquête sur la situation des écoles dans l'Ancien Régime. Il a publié une statistique des plus étendues des actes de mariage, donnant la moyenne des conjoints lettrés et illettrés. Elle se trouve dans la statistique de l'enseignement primaire pour l'année 1879 (2e volume).

Nous trouverons de très intéressantes études sur l'éducation dans les ouvrages de MM. de Beaurepaire Recherches sur l'instruction publique dans le diocèse de Rouen avant 1789 (Evreux, 1872, 3 volumes in-8), de Fontaine de Resbecq: Histoire de l'Instruction Primaire dans les communes qui ont

1 Recherches historiques et statistiqués sur les communes de la Haute-Marne. Paris, 1879. Rapport sur les Ecoles avant 1789. Paris, 1873. Les écoles de la Bourgogne sous l'Ancien Régime, Langres, 1875.

2 Condition du maître d'Ecole en Lorraine, avant 1789, dans les mémoires lus à la Sorbonne (1868), Paris 1869, in-8, p. 501-515. Pièces d'archives et documents inédits pour servir à l'histoire de l'instruction publique en Lorraine (1789-1802), Nancy, 1875. Du droit public et de la législation des petites écoles de 1789 à 1808. Nancy, 1878, etc... etc...

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