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<«< gratuit; obligatoire, parce qu'aucun citoyen ne << saurait être dispensé sans dommage pour l'ensei<< gnement public d'une culture intellectuelle, re<< connue nécessaire au bon service de sa participa<< tion personnelle à la souveraineté ; — gratuit, par << là même que nous le rendons obligatoire, et parce « que, sur les bancs des écoles de la République, il << ne doit pas exister de différences entre les enfants <<< des riches et les enfants des pauvres. » Le 6 juillet 1848, Carnot fut remplacé par Vaulabelle; la réaction que dirigeait de Falloux le rendit responsable de la diffusion dans les campagnes du Manuel de Renouvier, dont la haute portée morale fut perfidement dénaturée. Le projet Carnot échoua après la chute du ministre ; le 10 décembre, le prince LouisNapoléon Bonaparte fut élu président de la République', grâce à l'appui du Comité catholique de la rue de Poitiers que dirigeait Montalembert. Le 15 décembre, Barthélemy Saint-Hilaire présenta un nouveau projet de loi qui ne fut discuté, ni par la Constituante, ni par la Législative. Le 20 décembre 1849, M. de Falloux était nommé Ministre de l'Instruction publique : nous allons assister à la préparation savante de la loi qui porte son nom. Alors que la Constituante était favorable à l'enseignement primaire, les membres de la Législative, en majeure partie, se refusaient à établir l'enseignement obligatoire et gratuit; elle redoutait les instituteurs laïques.

1 Par 5.400.000 voix.

Lamartine les appelait « les fauteurs de stupides doctrines antisociales; Thiers, « des affreux petits rhéteurs ». Thiers avait été effrayé par les journées de février; la peur l'avait converti et il voyait dans l'Eglise le plus sûr rempart contre le retour des émeutes, contre les revendications populaires. « Je << l'admets, écrivait-il à M. Madier de Montjau, le << 21 mai 1848, je suis changé. Je le suis, non par << une révolution dans mes convictions, mais par << une révolution dans l'état social. Quand l'Univer<< sité représentait la bonne et sage bourgeoisie fran<< çaise, donnait la préférence aux saines et vieilles << études classiques sur les études physiques et << toutes matérielles des prôneurs de l'enseignement << professionnel, oh! alors, je lui voulais sacrifier la << liberté d'enseignement. Aujourd'hui je n'en suis << plus là et pourquoi ? Parce que rien n'est où il << était. L'Université, tombée aux mains des phalans<< tériens, prétend enseigner à nos enfants un peu de << mathématiques, de physique, de sciences natu<< relles et beaucoup de démagogie. Voilà pourquoi « je ne vois de salut, s'il y en a, je ne vois de salut << que dans la liberté d'enseignement ». Thiers fit partie de la Commission instituée par M. de Falloux, pour préparer la loi : il y combattit la gratuité, l'obligation, et y préconisa la suppression des écoles normales qu'il qualifie de « clubs silencieux », de foyers de mauvaises passions ». - « Que 1 A. Hue, loc. cit., p. 214.

«

<< m'importe, disait-il, qu'il y en ait de bonnes ! La << suppression est le seul remède efficace... Je ne re<< culerai pas. Je m'engage à me faire casser, s'il le << faut, bras et jambes à la tribune de l'Assemblée << nationale... J'aime mieux l'instituteur sonneur de <<< cloches que l'instituteur mathématicien » 1.

Quant aux instituteurs, Thiers ne leur cachait pas son mépris: « Ce sont trente-sept mille socialistes « et communistes. De véritables anticurés. Il faut << confier à l'Eglise l'enseignement primaire entière<«<ment et sans réserves » 2. Thiers n'était pas le seul à renier ses convictions laïques ; il y avait, dans la majorité de 1850, Odilon-Barrot, qui avait fait campagne avec Thiers pour l'expulsion des Jésuites, Saint-Marc Girardin, Passy, Dupin, de Broglie.

En dehors du Parlement, une campagne contre l'enseignement primaire fut menée avec habileté par Montalembert et le parti clérical: le Comité de la rue de Poitiers fonda en province d'autres comités et le Prince-Président qui devait déjà, en partie, son élection aux conservateurs put compter désormais sur le concours tacite de ces associations (3). Le but de Montalembert et de ses amis

1 H. de Lacombe, Débats de la Commission de 1849.

2 Ibidem.

(3) Lettre envoyée par le Comité de la rue de Poitiers à la Gazette d'Auvergne : « Monsieur, nous apprenons à l'instant qu'un comité, qui se dit bonapartiste, vient de proposer une liste; cette liste nous a surtout étonnés en ce qu'elle exclut M. X. ., quoiqu'il soit bien reconnu que, de tous les candidats du Puy-de-Dôme, nul n'a donné plus de gages de dévouement

était la conquête, par tous les moyens, de la liberté d'enseignement : Ils y parvinrent par la persécution, la calomnie et la crainte du socialisme qu'ils exploitèrent avec habileté.

Dès 1848, Montalembert avait attaqué l'Université après avoir prétendu que l'enseignement secondaire était moins bon qu'en 1789, il en vint à parler de l'enseignement primaire :

« J'arrive à l'enseignement primaire, et ici je << crains d'exciter bien plus vos murmures.

<< Dans l'enseignement primaire, l'État s'est donné << beaucoup de mal, il a fait de grands sacrifices, << mais des sacrifices accompagnés de beaucoup de << vexations, de prohibitions, de persécutions contre << tous les élans du zèle individuel.

« Il en est résulté (ceci va vous paraître étrange, << mais je le démontrerai lorsque nous discu<< terons la question de l'instruction primaire), il en « est résulté que les progrès de l'instruction pri<< maire ont été en raison inverse des sacrifices << pécuniaires et des efforts qu'a faits l'État. (Mur<< mures.) Vous le verrez !

<<< Mais il y a quelque chose qui a augmenté en « France avec les progrès de l'instruction primaire, << c'est la criminalité ! Je le déplore non pas plus

à l'élu du 10 décembre, et qu'aucune candidature n'est plus agréable que la sienne au Président de la République... » Ce papier était signé par Thiers, Molé, Berryer, de Broglie, etc. A. Hue, loc. cit., p. 203.

<< que vous, mais autant que vous. C'est un fait : et << ici encore vous pouvez le vérifier dans les sta<< tistiques officielles qui vous sont tous les <<< ans distribuées par le ministère de la jus<«<tice, lequel n'est pas, je pense, une autorité <<< suspecte, qui vous montrent, dans une propor<«<tion effrayante, l'augmentation des crimes et << délits de toute nature. (Interruptions). Comment! <<< vous niez cela? Mais, encore une fois, je n'in<< voque ici que les comptes-rendus du ministère de <«< la justice, et, en outre, les discussions de l'Aca<< démie des sciences morales et politiques impri<< mées dans le Moniteur. C'est là, encore une fois, << que je vous renvoie et que je vous invite à puiser << vos arguments pour me répondre. »

Or, en 1850, un membre de l'Institut, M. Giraud, soumit à l'Académie des Sciences morales et politiques un travail sur la criminalité en France, travail qui s'appuyait sur les statistiques officielles du ministère de la justice pour 1847. Il y constate que parmi les accusés: 52 sur 100 ne savaient ni lire, ni écrire ; 3 ne savaient lire et écrire qu'imparfaitement; 3 sur 100 avaient reçu de l'instruction; il n'y en avait pas 2 ayant reçu de l'éducation.

Sur les 7.039 condamnés vivant dans les bagnes, 4.331 ne savaient ni lire ni écrire ; 2.139 lisaient et écrivaient imparfaitement; 719 savaient lire et écrire; 120 avaient de l'instruction; 50 sur 100 une éducation complète.

En 1847, le nombre proportionnel des accusés

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