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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

L'Histoire et la pensée, par C.-C. CHARAUX, professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Grenoble. Paris, Pedone-Lauriel, 1893, in-12 de 354 p.

La Cité chrétienne, par C.-C. CHARAUX, professeur à l'Université de Grenoble. 2 édition. Paris, Firmin-Didot, 1895, 2 vol. in-12 de 335

427 p.

C'est du premier de ces ouvrages que nous voulons entretenir le lecteur, le second ayant un caractère historique beaucoup moins accusé. On pourrait dire de la Cité chrétienne qu'elle est à l'Histoire et la pensée ce qu'est l'illustration d'un livre à son texte. C'est une application à l'état présent de la société chrétienne, dans le monde entier, et des idées générales et des principes exposés dans 'Histoire et la pensée. La forme n'en est pas moins différente; c'est presque celle d'un drame dont la scène se transporte successivement en Europe, en Amérique, et jusque dans la Nouvelle-Zélande, dont les personnages sont, ou très connus ou très obscurs, quelques-uns même n'étant que de pures créations de l'auteur.

Mais venons à l'Histoire et la pen

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de nos pensées, recherche de l'ordre, de l'unité, de la grandeur, de la vérité, de la beauté. Aussi la tâche que l'auteur s'impose consiste-t-elle à montrer quels rapports de tous les instants unissent le développement de la pensée dans l'homme à celui des peuples dans l'humanité, et comment ils sont faits à l'image l'un de l'autre. On dit souvent, non sans exagération, que l'homme est fait par l'histoire; il n'est pas inutile de rappeler, à la suite de M. Charaux, que l'homme, à son tour, fait l'histoire.

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Viennent ensuite quatre discours dont voici les titres :

Du beau et de la pensée dans l'histoire ;

De l'idéal dans la vie des nations; Les éléments de la pensée et les éléments de l'histoire;

La civilisation et la pensée.

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Dans le premier de ces discours, l'auteur se demande si, en cherchant à découvrir la pensée dans l'histoire, nous n'y découvrons pas « par surcroît la beauté. La proposition démontrée dans le second peut se formuler ainsi si l'idéal est la lumière des artistes et des poètes, il n'en est pas moins, à tous les degrés de force et d'éclat, la lumière des peuples vraiment dignes de ce nom. Le troisième discours conduit à cette conclusion que ce qui se passe au dedans de notre âme, au plus intime de nos pensées, tandis qu'elles se for

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»

ment et qu'elles s'achèvent, n'est pas sans analogie avec ce qui se passe au sein des sociétés dans les diverses phases de leur existence. Enfin, le quatrième discours entreprend de dire en quoi consiste la vraie civilisation, quels éléments l'ont peu à peu constituée, à quels caractères essen-, tiels on reconnait sa présence. Il est à peine besoin d'ajouter que ces quatre discours forment un ensemble où sont très éloquemment développés les principes établis dans l'introduction.

La seconde moitié du volume consiste en pensées détachées, qui formaient à elles seules la première édition, mais dont le nombre s'est beaucoup accru. Ces pensées sont en réalité ordonnées d'après un plan régulier et une progression croissante. Qu'on en juge par le point de départ et le point d'arrivée.

Voici les deux premières pensées :

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Toutes les évolutions, tous les changements, tous les bouleversements du monde physique ne feront jamais qu'il y ait une histoire du monde physique, au sens vrai et non figuré du mot. Ce qui s'accomplit en vertu de lois absolues n'appartient pas à l'histoire: elle n'est pas où n'est pas la liberté. »

La Nature ne sait rien d'ellemême et elle n'en peut rien dire; c'est l'homme qui raconte à l'homme ce qu'il sait de son propre passé et ce qu'il entrevoit du passé de la Nature. »

Voici la dernière pensée, et comme le couronnement de l'ouvrage :

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sur eux, sauf de les empêcher d'aller à la mer; on peut tout sur l'histoire, sauf de l'empêcher d'aller où Dieu veut. »

Quoique l'auteur suive un plan arrêté, les pensées ne sont point distribuées d'après les cadres rigides de chapitres ordonnés à l'avance : la nature de l'ouvrage résistait à ces divisions inflexibles. Mais les pensées sur un même sujet, se complétant les unes les autres, forment à diverses reprises des groupes habilement disposés: voyez, par exemple (p. 300 et suiv.), le groupe très caractéristique des pensées concernant les origines des formes de gouvernement. A plus d'une reprise se fait jour le sentiment mélancolique de la fragilité de toutes choses: Les ruines des monuments survivent aux monuments, mais rien ne survit aux ruines que le désert et le silence A moins qu'un poète ému de cette lamentable fortune ne nous fasse souvenir qu'il y avait là des ruines, mais que ces ruines mêmes ont disparu: etiam periere ruina. C'est tout ce qui reste de ce peuple, et de sa grandeur à jamais évanouie, qu'une brève pensée dans un demi-vers immortel. »

L'histoire est un tissu d'événements éphémères et d'institutions fragiles; et cependant elle n'est pas l'oeuvre de l'homme laisse à lui-même. « Il survient de temps à autre, dans la marche de l'histoire, quelque chose qu'on n'attendait pas et qui trouble tous les calculs. Les Perses n'attendaient guère Alexandre, ni les Gaulois César et ses légions, ni les Anglais Jeanne d'Arc, ni Montezuma Fernand Cortez, ni personne Bonaparte, ni Bonaparte devenu Napoléon l'hiver de 1812. L'histoire est faite, dans tous les temps et dans tous les pays, d'un ordre qui se développe

suivant des lois régulières et d'un

imprévu qui vient à chaque instant les troubler. »

C'est par cet imprévu que se manifeste l'action de la Providence, travaillant à la réalisation du plan divin, dont la révélation chrétienne est le pivot. L'auteur exprime cette pensée en plus d'un endroit. Qu'il me soit permis de lui emprunter encore quelques lignes. Il serait difficile de trouver, pour l'histoire générale de l'Europe depuis la chute de l'Empire romain, ailleurs que dans l'Église catholique, cette puissance de premier ordre autour de laquelle les autres semblent graviter, qu'elles attaquent ou qu'elles défendent avec une égale passion, qui grandit dans les revers comme dans les succès, ce point central, cet axe du monde que réclament les historiens et sans lequel il n'y aurait pour l'histoire moderne que des semblants d'unité.... Ou le centre de l'histoire moderne n'est nulle part, ou il est celui dont nous parlons. »

J'en ai dit assez, je pense, pour faire connaitre le plan et l'esprit de ce livre. La forme en est très variée: c'est tantôt la dissertation, tantôt le discours, tantôt enfin les pensées heureusement coupées par des portraits. L'auteur annonce dans son introduction qu'il s'efforcera

de par

ler uniquement la langue de tout le monde, celle que devraient et pourraient parler toujours tous les philosophes. Il n'est que juste d'ajouter que M. Charaux parle la langue de tout le monde avec cette pureté, cette justesse et cette élégance auxquelles ont déjà rendu hommage tous ceux qui connaissent ses précédents ouvrages.

P. FOURNIER.

Les Origines de l'Épiscopat. Étude sur la formation du gouver· nement ecclésiastique au sein de l'Église chrétienne dans l'empire romain (1 partie), par Jean REVILLE, maître de conférences à l'école pratique des Hautes Etudes (section des sciences religieuses). Paris, Leroux, 1894, in-8 de 538 p.

Le problème que M. Réville aborde dans ce volume est un des plus ardus qui se posent devant l'historien de l'Église. Suivant les écoles auxquelles appartenaient ceux qui, tour à tour, l'ont abordé, il a reçu des solutions contradictoires, et l'on peut prédire que celle de M. Réville ne réunira pas tous les suffrages. Et pourtant, l'auteur n'a rien négligé pour convaincre son lecteur. Partout il fait preuve d'une connaissance approfondie des sources, d'une vaste lecture, et, parmi les principes généraux qui le guident, il en est qui sont d'une critique saine. L'auteur a raison de mettre l'historien en garde contre le préjugé confessionnel et contre la tendance à reporter à l'origine ce qui n'est que le terme d'une longue évolution. C'est avec raison aussi qu'il insiste sur la nécessité de grouper les textes suivant les temps et les lieux, quoiqu'il s'exagère notablement la nouveauté du procédé. Dans les articles du P. De Smedt sur l'Organisation des églises chrétiennes, parus ici même (1888 et 1891), et qu'il semble ne pas connaitre, M. Réville aurait pu en constater l'application.

Les conclusions sont nettement formulées. Nous les résumerons, en empruntant souvent les expressions mêmes de l'auteur.

Jésus-Christ n'a fondé aucune ins titution ecclésiastique, et ses apôtres pas plus que lui. Il n'y a pas eu de type gouvernemental unique aux ori

gines de l'Eglise chrétienne. Dans la chrétienté palestinienne primitive a prévalu le principe légitimiste du gouvernement par les parents du Messie, en attendant son retour glorieux. Dans les communautés fondées en terre païenne, l'organisme ecclésiastique s'est constitué d'une façon spontanée, en se conformant aux conditions générales qui régissaient l'existence de tous les collèges religieux de l'époque. Dans ce cadre général, les besoins particuliers aux églises chrétiennes ont provoqué la différenciation d'un certain nombre de fonctions organiques spécifiquement chrétiennes.

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Il faut distinguer, à l'origine, les fonctions spirituelles et les fonctions administratives. Les premières ont été d'abord exercées à peu près exclusivement par les fidèles « en possession d'un charisme ou don naturel de prophétie, d'enseignement ou d'éducation. Le peuple est seul juge des enseignements que l'esprit de Dien leur inspire. Il se constitue bientôt dans chaque église un groupe de fidèles plus zélés que les autres, prenant à cœur les affaires de la communauté. Ce sont les proïstamenoi ou les presbytres, c'est-à-dire les notables spirituels. Ils ne tardent pas à constituer un corps fermé dans lequel il faut être admis. Ce corps accapare à son profit l'instruction et l'édification au détriment des charismatiques, devenus un élément de désordre.

Les fonctions épiscopales ont été, à l'origine, des fonctions administratives. Les episcopes ont été d'abord les administrateurs financiers, les intendants de la communauté chargés du contrôle des services. Ces fonctions impliquèrent bientôt le contrôle disciplinaire. Par le fait du conflit qui T. LIX. 1er JANVIER 1896.

existe entre leur mission et celle des charismatiques, ils sont amenés, comme les presbytres, à assumer les fonctions de l'enseignement.

A l'origine, il y a eu presque partout pluralité d'episcopes dans chaque communauté. L'épiscopat devient uninominal en Asie Mineure dès le début du second siècle. Il fait son apparition dans les épîtres de saint Ignace, mais il s'y présente à l'état de devenir, plutôt que comme une réalité déjà établie.

Ici s'arrête le premier volume de M. Réville. On comprend, par cette analyse, tout l'intérêt des questions qu'il embrasse, et la complexité de l'argumentation qui mène à ces conclusions. L'on devine aussi que l'auteur ne partage pas les idées reçues parmi les catholiques sur la valeur des sources.

Nous ne pouvons nous arrêter au détail; il faudrait reprendre, presque point par point, l'étude critique de nos saints livres telle qu'il la comprend.

M. Réville est persuadé que, libre penseur comme il est, et élevé audessus de toute préoccupation confessionnelle, il a, pour traiter la question des origines de l'organisation de l'Église, un avantage marqué sur ceux que les dogmes enchaînent à une théorie. Je ne veux pas décider si la conviction d'être en possession de la vérité ne ralentit pas, chez certains catholiques, l'ardeur des re cherches scientifiques. Mais il ne m'est pas évident que, dans les matières théologiques, le rationaliste soit plus à l'abri du préjugé que le croyant. A la place de quelques propositions définies, qui laissent à la spéculation plus de champ qu'on ne pense, il doit admettre un certain nombre de postulata qui ne sont pas 20

beaucoup moins gênants que les dogmes catholiques. La négation de la divinité du Christ et de la mission de l'Eglise posée en principe entraine de bien grosses conséquences. Le Nouveau Testament, lu à travers la préoccupation d'écarter ces grands faits, prend un aspect tout particulier. L'érudit qui aborderait avec une entière liberté d'esprit l'étude d'un texte comme celui de saint Matthieu, XVI, 13-20, n'aurait pas recours aux subtilités que M. Réville, après d'autres, fait valoir pour en atténuer la portée.

Le système de M. Réville ne lui appartient pas en propre. Son livre a le mérite d'exposer clairement les thèses les plus en vogue dans les écoles allemandes; mais il ne leur enlève rien de ce qu'elles ont d'aventureux, et ne résout aucune des difficultés nouvelles qu'elles soulèvent. On regrette de voir tant de science et de travail dépensés presque en pure perte. HIPP. DELEHAYE, S. J.

Étude sur la

Silviae.

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Peregrinatio Les Églises de Jérusalem, la discipline et la liturgie au IVe siècle, par le R. P. dom Fernand CABROL, prieur de Solesmes, professeur d'histoire à l'Université catholique d'Angers. Paris, H. Oudin, 1895, in-8 de vi-208 p. avec deux planches.

Découverte, il y a dix ans, par M. Gamurrini dans la bibliothèque d'Arezzo, la Peregrinatio Silviae n'a pas cessé d'exercer, à divers points de vue, la sagacité des érudits. Après tant d'autres, dom Fernand Cabrol a encore trouvé à glaner. Il lui a semblé, très justement, que pour la topographie des lieux saints et surtout pour l'histoire de la discipline et de la liturgie, le fameux document n'a

vait point été exploité d'une manière suffisante. Le savant prieur de Solesmes a entrepris cette tâche et il a bien voulu communiquer le résultat très intéressant de ses recherches.

On comprendra aisément l'importance du témoignage de Silvia pour la topographie de Jérusalem, quand on se rappellera que la ville sainte fut détruite par les Perses en 641, et que pour reconstituer l'état de la cité avant cette destruction, il n'existe qu'un petit nombre de textes souvent contradictoires. Or Silvia est un témoin oculaire de la fin du ive siècle. Dom Cabrol recueille et commente les descriptions qu'elle donne de l'église de la Résurrection, de l'église majeure du Golgotha, de la basilique proprement dite du Calvaire et de l'édicule de la Croix. Il résulte des renseignements fournis par Silvia que ́ l'ensemble des constructions élevées par Constantin sur le Calvaire se composait de trois édifices de forme et de destination différentes, « réunis par la cour de la basilique, qui permettait d'accéder de plain-pied ou à l'aide de quelques degrés de l'un dans l'autre; en allant de l'ouest à l'est, on les rencontrait dans l'ordre suivant l'Anastasie, puis l'atrium de la basilique, accostée au sud par l'église majeure, et enfin l'édicule de la Croix. »

Cette description des édifices élevés sur le Calvaire est une des plus importantes qui ressortent du récit de Silvia; elle n'est point la seule, il y a encore à signaler celles de l'église du Cénacle sur la montagne de Sion, de trois églises sur le mont des Oliviers, des deux églises de Béthanie et de la basilique de la Nativité à Bethlehem.

Mais, comme on le pense bien, c'est la seconde partie du livre de

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