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Avant de terminer cette partie, nous allons encore parler de plusieurs autres sortes de concessions ou aliénations du domaine que Philippe de Valois fit pendant son règne, soit comme récompense, soit comme fondation pieuse, soit en pure générosité, afin de s'attacher quelqu'un. Un grand nombre de documents nous montrent qu'en général les récompenses accordées alors aux gens de guerre ou à d'autres personnes pour les services rendus à la royauté consistaient en terres, en rentes et en sommes d'argent. Quelques-unes de ces pièces sont très curieuses et nous apprennent comment le roi encourageait ses officiers et ses soldats à conquérir un territoire sur les ennemis. Ainsi, par une lettre du 13 novembre 1346, il donne à Pierre Morin, écuyer, et à ses compagnons d'armes, l'usufruit pendant un an de tous les biens qu'ils pourront reprendre aux Anglais et qui avaient appartenu au roi. De plus, il leur accorde pour eux et leurs héritiers, à perpétuité, «< toutes les villes, chastiaux et forteresses et touz les héritages et biens qu'ils porront conquerre des biens propres à nos anemis; et leur octroions qu'il en puissent faire leur plaine volenté comme de leur propre chose 1. Philippe VI accorda même en règle générale, à chaque personne du royaume, le droit de disposer en toute propriété de ce qu'elle pourrait prendre ou recouvrer sur les ennemis pendant la guerre 2. Le plus souvent, les terres sont données purement et simplement en récompense, sans qu'on ait besoin de les reconquérir 3.

Des dons furent faits aussi en très grande quantité pendant

lippe VI de Valois, que nous préparons pour la Collection des documents inédits, p. 371, note 2).

1 Archives historiques du Poitou, t. XIII, p. 329.

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2 11 janvier 1347 (n. st.). Le roi donne l'île d'Oléron à Foulques de Matha, car il se souvient avoir octroyé en général que durans noz guerres, tout ce que chascun de nostre royaume pourra acquerre ou recouvrer sur noz anemis, soit à son proffit » (Archives historiques de Saintonge, t. VI, p. 229. Voir aussi Histoire gén. de Languedoc, nouv. éd., t. IX, p. 506, note 3).

3 Février 1329 (n. st.). Don d'une maison sise à Paris en faveur de Robin Huelme, sommelier de la reine, pour les services qu'il lui a rendus (Archives nat., JJ 65, fol. 57 v°, n° 198).

Mai 1329. Don de quelques prés sis dans la châtellenie de Château-Thierry fait en faveur de Guillaume de Noé, maître de l'hôtel du roi, en récompense de ses services (Archives nat., JJ 67. fol. 15 ro, no 46).

5 juin 1338. Philippe VI donne à Gaston de Foix, pour lui et ses successeurs, 1,500 livres de rentes, en récompense de ses services (Archives nat., K 43, n° 2).

Septembre 1341. Philippe VI, en retour des services que lui rendit Aimé,

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le règne de Philippe de Valois, par piété, aux églises ou aux abbayes. Les uns étaient des concessions de terres, de bois, de rentes, de denrées, etc.; d'autres étaient plutôt des privilèges, tels qu'exemptions de péages, de droits d'amortissement, etc. Parmi les dons proprement dits, les uns étaient faits conformément aux dernières volontés des parents ou des prédécesseurs du roi; c'étaient des fondations 1. D'autres étaient accordés par libéralité, pour venir en aide à de pauvres maisons ou pour accroitre les revenus de quelques autres. Les dons faits de cette manière étaient de toute nature: concessions de bois, de vin, de terres, d'argent, de droits de toutes sortes, etc., et l'on peut dire que, sous ce rapport, le roi donna libre cours à sa générosité 2. Une chose cependant est à remarquer à propos des églises, pour ce qui concerne les donations en général; c'est que les rois, dans toute concession de terres ou de domaines, à quelque personne que ce fût, retenaient toujours les églises cathédrales, leurs fiefs et dépendances; c'est ce que Philippe de Valois rappelle expressément dans un acte du mois d'octobre 1328 concernant l'église d'Angoulême 3.

comte de Savoie, lui assigne 2,000 livres tournois de rentes à prendre sur le trésor à Paris (Archives nat., JJ 73, fol. 19 ro, n° 24).

Voir aussi Histoire gén. de Languedoc, nouv. éd., t. X, Preuves, col. 840, pièce du 29 mars 1339; D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, t. I, col. 1457; D. Plancher, Histoire de Bourgogne, t. II, preuves, p. ccix, etc.

1 Juillet 1331. Fondation faite par Philippe de Valois, conformément au testament de son père, d'une chapelle en la maison de Saint-Ouen, près de Saint-Denis, en l'honneur de saint Georges. Pour cette fondation, il est assigné au chapelain qui desservira la chapelle 40 livres tournois sur différentes terres qui appartenaient au roi près de Saint-Ouen (Archives nat., J. 460, n° 27).

Septembre 1331. Fondation faite par Philippe de Valois, en conséquence du testament de son père, d'une chapelle dans l'église Saint-Eustache de Paris; le chapelain qui la desservira prendra 40 livres de rentes sur les émoluments de la prévôté de Torcy (Archives nat., J 460, n° 28).

2 Août 1329. Philippe VI donne en toute propriété, aux religieux de l'abbaye de la Fontaine-Notre-Dame-en-Valois, 120 livres de revenus assis en différents lieux (Archives nat., JJ 66, fol. 12 ro, n° 35).

Mars 1330 (n. st.). Philippe de Valois donne en aumône aux Célestins du Mont-de-Châtres, en la forêt de Compiègne, 21 muids de vin de vinage qui lui étaient dus sur plusieurs héritages dans la vallée de Montigny et aux environs (Archives nat., K 42, no 7).

1333. Philippe VI donne à l'abbaye du Moncel-lez-Pont-Sainte-Maxence, à l'effet d'en achever les constructions commencées par Philippe le Bel, plusieurs héritages, rentes et droits sis au Moncel, à Pont-Sainte-Maxence et à Senlis, et la terre et ville de Chambly (Inventaire des archives de Seine-etOise, série A, p. 107, liasse 1442. Voir aussi Ordonnances, t. XVIII, p. 344, etc.). 3 Archives nat., JJ 65, fol. 11 ro, n° 36.

T. LIX. 1er AVRIL 1896.

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I roi fit aussi beaucoup d'autres dons par pure générosité ou pour attirer quelqu'un à son service, surtout des princes étrangers. Au mois de février 1328 (n. st.), il céda de cette manière une maison à Jean, roi de Bohème 1. Désirant s'attacher Charles de Grimaldi et Antonio Doria, il leur donna à chacun. 1,000 livres de rentes à prendre sur la claverie d'AiguesMortes; et par lettres du mois de novembre 1339, il les autorisa à les transmettre à leurs héritiers, au lieu de les tenir seulement à vie, comme auparavant 2. De même, 1,000 florins de revenu annuel furent assignés, sa vie durant, sur le trésor, à Gilles Bucanigra, amiral de Castille 3. On a déjà vu plus haut plusieurs autres dons de ce genre, faits pour se procurer des alliances, nous n'y reviendrons pas, et nous ne ferons que signaler les échanges que le roi fit quelquefois pour décharger le trésor, assignant, au lieu de rentes, des revenus sur des terres 5.

1 Archives nat., JJ 65, fol. 1, n° 3, et Revue des questions historiques, 1892, t. LII, p. 421, Jean l'Aveugle en France, par le comte de Puymaigre. 2 Archives nat., JJ 72, fol. 392 v°, no 490.

3 Archives nat., J 602, n° 46.

4 Il nous serait facile de multiplier les exemples de ces dons de toutes sortes. Nous venons d'en citer quelques-uns des principaux; en voici encore plusieurs que l'on peut signaler.

Octobre 1328. Philippe VI donne à Guigues VIII, dauphin de Vienne, un hôtel sis à Paris en place de Grève, appelé la Maison aux piliers (Archives nat., JJ 65", fol. 10 ro, no 34). Au mois d'août 1335, il la transporta à Humbert (Guiffrey, op. cit., p. 320, no 7).

Mai 1332. Philippe de Valois donne l'hôtel de Nesle à sa femme; il venait de l'acheter des exécuteurs testamentaires de Jeanne de Bourgogne (Archives nat., J 234, n° 5).

Avril 1343 ou 1344. Le roi donne 4,000 livres de rentes à prendre sur le trẻsor au comte d'Eu, connétable de France (Archives nat., JJ 74, fol. 44, n° 74). En 1335, Philippe de Valois avait envoyé le connétable au secours du roi d'Écosse contre le roi d'Angleterre ; comme il tenait de ce dernier une terre qui lui rapportait 4,000 livres tournois, il lui rendit son hommage, et le roi de France, pour le dédommager, lui fit cette assignation.

6 avril 1347. Philippe de Valois reçoit l'hommage lige de Thierry, seigneur de Houquerenge, chevalier du comté de Luxembourg, pour 200 livres tournois de rente annuelle à prendre sur le trésor; en retour, ce chevalier promet de le servir dans ses guerres (Archives nat., J 153, n° 13 ).

Décembre 1347. Philippe VI donne 1,000 livres de rentes au comte de Namur pour services rendus, mais celui-ci sera tenu, ainsi que ses successeurs, de servir le roi dont il devient l'homme lige (Bibl. nat., coll. Fontanieu, portef. 76).

Voir encore deux mentions de ces sortes de dons faits à Jean de Hainaut et à don Tello, fils naturel d'Alphonse XI, roi de Castille et de Léon, consignés dans l'édition des Journaux du trésor de Philippe VI de Valois, que je prépare pour la Collection des documents inédits, sous les n° 269 et 1755.

C'est ainsi qu'au mois de janvier 1335 (n. st.) Philippe VI donna à Guy

Pour terminer cette première partie, nous allons examinen des ordonnances que fit le roi pour mettre un frein à ses liberalités et l'empêcher de trop amoindrir le domaine royal.

Chacune des donations qu'il faisait, soit pour récompenser des services, soit par piété, soit par faveur, n'était souvent pas très considérable en elle-même; mais leur nombre était illimité, et la conservation du domaine pouvait être menacée aussi sérieusement par leur multiplicité que par des concessions d'une grande étendue de territoire, tels que les apanages. Aussi, comme le roi pouvait se laisser aller plus facilement à donner sans mesure de petites rentes ou de petites sommes que de grands domaines, il voulut réglementer ses largesses; mais la quantité d'ordonnances qu'il rendit à ce sujet, et les dons qu'il fut loin de restreindre, nous prouvent qu'il n'observa guère ces prescriptions.

Le 1er juin 1331, après délibération du grand conseil, Philippe VI ordonna que tous les revenus des sceaux, tabliers et écritures seraient versés au trésor, et il annula les dons qui avaient été faits ou qui pourraient être faits sur leurs émoluments 1. Peu après, pour éviter de faire plusieurs concessions à la même personne pour le même service rendu, comme cela était déjà arrivé, il déclara, par ordonnances du 11 mai 1333 et du 21 septembre 1334 2, nulles toutes lettres de dons en argent, de rentes à vie ou à héritage, de bénéfices, de forfaitures, dans lesquelles il ne serait pas fait mention des autres gràces accordées à l'impétrant par le roi ou par ses prédécesseurs. Mais Philippe de Valois ne tarda pas à enfreindre cette prescription et à accorder des lettres de dons où n'étaient pas mentionnés ceux qui avaient été faits précédemment. Les gens des comptes, dans l'embarras, voulurent alors connaître ses intentions à ce sujet. Il leur prescrivit donc, par ordonnance du 26 décembre 1333 3, de passer toute lettre qui, bien que n'ayant aucune déclaration des dons antérieurs, porterait la clause: «Non contrestant autres dons que nous ou nos prédécesseurs avons faits

Chevrier une maison à Gisy-les-Nobles, afin d'exonérer le trésor d'une rente qu'il y percevait (Archives nat., JJ 69, fol. 33 r3, no 77).

1 Ordonnances, t. II, p. 67.

2 Ordonnances, t. II, p. 92 et 100.

3 Ordonnances, t. II, p. 105.

à eux ou à leurs devanciers. Peu après, il voulut encore porter remède à un autre abus. Il donnait souvent des offices, des bénéfices, des biens confisqués avant qu'ils fussent vacants ou avant qu'ils eussent été réunis au domaine; de là surgissaient des difficultés et des embarras. Il décida donc, par ordonnances du 17 mars 1338 (n. st.) et du 9 juillet 1341, qu'à l'avenir il ne donnerait aucune chose, quelle qu'elle fût, si elle ne vaquait de fait 1.

Toutes ces règles eussent pu suffire largement si elles eussent été bien observées, pour empêcher un grand nombre d'abus; mais il fallait, après peu de temps, renouveler toutes ces ordonnances, car elles étaient bientôt oubliées. Ainsi, le 8 juillet 1344 2, le roi enjoignit de nouveau aux gens de la Chambre des comptes d'exiger de ses donataires un état par écrit de tous les dons et de toutes les gràces qu'ils auraient déjà reçus de lui ou de ses prédécesseurs. Il veut cela, dit-il, pour éviter que quelques-uns ne soient trop largement récompensés et d'autres pas assez. Toutes ces ordonnances concernent surtout les dons d'argent ou de valeurs mobilières; mais, comme on l'a vu précédemment, et comme un grand nombre d'exemples le prouvent, ces dons d'argent, de rentes, etc., étaient souvent convertis en fonds domaniaux évalués de manière à représenter le capital de ces rentes. D'autres fois, outre les concessions de terres faites directement, le roi donnait des rentes à vie ou à héritage, à value de terre, c'est-à-dire sous forme de revenu annuel. Bien des personnes, prétendant que telle était la coutume ou la teneur des lettres royales, parvenaient quelquefois à se faire donner ces rentes par assiette de terre, ce qui causait un grave préjudice au domaine. Le roi prescrivit alors, par ordonnance du 29 octobre 1344 3, d'annuler tout ce qui avait été fait autrement que selon sa volonté, et de faire rendre ce qui avait été levé en plus de la valeur de la rente annuelle. En outre, comme il y en avait qui détenaient des biens du domaine dans la ville et la vicomté de Paris, sous prétexte de grâces accordées par le roi ou par ses devanciers, Philippe de Valois, voulant connaitre les motifs de cette occupa

1 Ordonnances, t. II, p. 120 et 166.

2 Ordonnances, t. II, p. 200.

3 Ordonnances, t. II, p. 210.

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