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Quoique, par l'établissement de l'armée permanente, Charles VII eût réservé au roi seul le soin de lever des troupes pour organiser la défense du pays, chaque seigneur n'en conservait pas moins le droit de convoquer pour son service les gens de ses terres. C'est ainsi que les habitants de Béarn (gentilshommes ou autres) devaient secours au seigneur contre tous les ennemis et adversaires qu'il avait pour ses domaines, à moins que ces rivaux ne voulussent se soumettre au jugement du seigneur et de sa cour 1. Telle était aussi la condition des habitants de Marsan, uni au Béarn par suite du mariage de Gaston VII de Béarn avec Mathe de Marsan, qui hérita de sa mère Pétronille, le 3 novembre 1251 2. Lors de la conquête, le roi de France avait promis de respecter les libertés de la province nouvellement soumise 3. Entre autres conventions faites, le service militaire ne pouvait être exigé de la noblesse que dans les limites de la Guyenne, sinon qu'il les paie de leurs gaiges et souldes. » Le roi s'était engagé à fournir lui-même la solde des gens de guerre qu'il mettrait dans le pays, et les troupes ne devaient rien prendre sans payer (12 juin 1451) 4. A la demande de Bertrand de Nozeilles, procureur du comte de Foix en Marsan et Gabardan, le premier sénéchal des Lannes établi par l'heureux conquérant, Robin Petit-Lo, avait aussi dû renouveler aux seigneurs de cette contrée le droit de guerre privée (25 août 1455) 5. On conçoit dès lors que chacun d'eux tenait à garder sous son autorité directe les gens de ses domaines, afin de pouvoir en disposer contre ses adversaires, et de ne leur imposer que le service réglé d'avance par les coutumes locales. Or, dès le xe siècle, le service militaire avait été fixé d'une manière régulière et uniforme; mais si, dans le nord, la tenure et hommage lige entrainait le service militaire de quarante jours aux frais du vassal, lequel devait suivre son

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1 a Los homis de Béarn (sian Gentius ô autres) deben adjuda au Senhor contre toutz sous ennemics et adversaris, qui ha prop sa Terra: Sino que tals ennemics se volassan Jusmete au Judjament deudyt Senhor et de sa Cort (Los Fors et costumas de Bearn, p. 12, art. IX).

Arch. des Basses-Pyrénées, E 369; Arch. nat., J 294, no 6; Taulet, Layettes du Trésor, t. III, p. 143, n° 3966.

3 Arch. des Landes, E 40; Livre des Bouillons, fol. 357-359,

Livre des Bouillons, fol. 141 vo, art. XIII et XV.

Arch. nat., coll. Doat, CLXXXV, fol. 23.

seigneur partout où celui-ci voudrait le mener 1, telle n'était pas la condition des populations soumises à l'autorité de Madeleine de France et pour le compte desquelles elle faisait entendre ses légitimes protestations. Quand le seigneur demandait des gens pour aller à la guerre, les commissaires chargés de les lever les choisissaient, sur l'avis des jurats et des prud'hommes des villes et lieux qui devaient les fournir. Les hommes ainsi désignés pour la guerre étaient tenus chaque année à trois campagnes (vegadas) dans les pays dépendants du vicomte (Bigorre, Armagnac, Marsan-Tursan-Gabardan, Soule et Sault de Novailles). La durée de chaque vegada était de neuf jours; chacun devait porter le pain pour sa nourriture, et le prix de ces fournitures était ensuite réparti également sur tout le pays. Le seigneur n'avait pas le droit de mener ses gens de force et à leurs dépens en dehors des frontières de ses États. S'il les leur faisait franchir, ne fût-ce que pour un jour, il devait faire porter leurs vivres, munitions, fourniment et leur donner un de ses barons pour les conduire tant à l'aller qu'au retour 2. Les hommes de chaque bailliage, convoqués par le bayle du lieu, marchaient sous sa direction, et le sénéchal réunissait sous son commandement les miliciens venus ainsi des divers bailliages de la sénéchaussée, ainsi que Madeleine le faisait justement observer à Alain d'Albret. En convoquant directement les gens de ses domaines pour les incorporer aux troupes royales, le sire d'Albret violait donc les droits de la comtesse de Foix, à qui revenait le soin de faire la Semonce 3, et celui des habitants, qu'il privait de leurs chefs naturels pour les entraîner loin des

1 E. Boutaric, Institutions militaires de la France avant les armées permanentes, p. 359.

2 Talz homis eslegitz per la Guerra, seran tengutz de anâ tres vegadas l'an en l'os païs de Bigorre, Armanhac, Marsan, Sola Saut de Navalhes et tout le Navalheês : (si tant es que per le Senhor lor sia commandat) et per cascuna de las dijtas tres vegadas servir nau jorns, et portà Pân per lor vivre et neuritura loquau Pân sera paquat et esgoulat sos tout la Païs de Béarn. Mes ne son tengutz de ana en Espanha à lors des pentz, per mandament deu Senhor, si de lor bon voler no y volen ana. Et a caàs que salhissen fora lo Païs per un Jorn tant solamens, lo senhor lós deu far porta los goarninsens, armas et monitions, et lor donna un deus Barons per los condusir tant anan que retornan, si en y ha de sofficientz (Los Fors et costumas de Bearn, p. 12, art. XII et XIII).

3 Cette convocation ou semonce était appelée submonitio, heriban, et dans les plus anciens textes, heribannum dominicum.

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frontières qu'ils avaient mission de défendre. Mais qu'importaient ces réclamations des vaincus? Rien ne pouvait plus arrêter la marche envahissante du pouvoir royal, et les provinces annexées à la nation française devaient voir disparaitre l'une après l'autre leurs coutumes et leurs franchises. Viendra l'heure où la Révolution inaugurera, en les détruisant ellesmêmes, l'œuvre d'unification égalitaire dont nous constatons les déplorables résultats.

La protection de ses sujets n'était pas la seule sollicitude qui préoccupât la régente de Béarn; les affaires de Navarre attiraient aussi son attention et lui créaient de multiples embarras. Depuis la mort de la reine Éléonore, les deux factions rivales de Beaumont ou de Luxe et de Gramont, un instant contenues, étaient continuellement sous les armes. Une première fois, grâce à l'intervention des commissaires du roi de France, le chevalier Thomas de Lansac et Étienne Makanam, maire de Bayonne, une réconciliation avait eu lieu, mais les vieilles haines avaient vite repris le dessus. Espérant faire enfin jouir d'une paix durable ces populations, désolées depuis si longtemps par les déprédations et les pillages des deux partis, Madeleine, escortée seulement de quinze lances, se rendit en Navarre et fit couronner à Pampelune François-Phoebus, son fils (3 novembre 1482). La guerre civile n'en continua pas moins; elle contraignit le jeune souverain et sa mère à retourner en Béarn, où, devenu majeur, François prêta serment aux États (24 novembre 1482) 1. Il ne devait pas repasser les monts; et, à peine âgé de quinze ans, il mourut subitement au château de Pau (29 janvier 1483), empoisonné, dit-on, par les Espagnols, qui préludaient ainsi à l'invasion de la Navarre 2. Par un testament rédigé deux jours avant sa mort (27 janvier), il avait désigné comme héritière de tous ses biens sa sœur Catherine, âgée de treize ans 3. Le vicomte de Narbonne, Jean de Foix, troisième fils de Gaston XI, voulut, dès le premier jour, disputer à sa nièce cette riche succession 4. Toutes les souverainetés du sud-ouest étaient de transmission

1 Arch. des Basses-Pyrénées, C 1234.

2 Favyn, Hist. de Navarre, liv. VI, p. 600.

3 Arch. des Basses-Pyrénées, E 325.

4 Cf. Davezac Macaya, Essai historique sur le Bigorre, t. II, p. 138; Castillon d'Aspet, Hist. des comtes de Foix, t. II, p. 159.

féminine; mais Jean prétendait que depuis peu de temps la maison de Grailli avait a dopté la loi salique, comme les maisons d'Armagnac et d'Albret l'avaient fait en 1456 1. Louis XI intervint en faveur de sa nièce et, par ses menaces, contraignit le vicomte de Narbonne à renoncer à ses revendications sur les États du comte de Foix 2.

En prenant en main, au nom de sa fille, l'administration de ces vastes domaines, Madeleine ordonna à noble Pées de Béarn, grand écuyer, son conseiller, sénéchal de Marsan-Gabardan, de procéder à l'hommage général des seigneurs de la vicomté de Marsan, dans la localité qui lui paraîtrait le plus propre à la cérémonie (5 juillet 1483) 3. La réunion eut donc lieu à Mont-de-Marsan, dans le château mayour de cette ville (15 juillet). Quelques jours plus tard, le roi Louis XI s'éteignit, le samedi 30 août, environ dix heures de nuit 4,» aux Montils-lez-Tours, léguant la couronne à Charles VIII, qu'il laissait placé sous la tutelle de sa sœur, Anne de Beaujeu.

Le duché de Guyenne définitivement réuni à la couronne, le comté d'Armagnac confisqué au profit de la royauté, les vastes États de la maison de Foix soumis à la puissante direction du pouvoir central sous prétexte d'assurer la protection des chefs mineurs de cette famille; en un mot, l'autorité royale affermie dans tout le sud-ouest, tels furent les résultats de la politique de Louis XI en Gascogne. Si, à côté de ces mesures qui marquent de si grands progrès dans la voie de la centralisation, nous plaçons la confirmation des privilèges municipaux de quelques cités, comme Dax, Saint-Sever, Bayonne, les libéralités faites à quelques monastères et à quelques seigneurs, nous sommes forcé de convenir que bien petites sont les faveurs dont notre pays fut redevable au sombre solitaire de Plessis-lez-Tours.

J.-C. TAUZIN.

Arch. des Basses-Pyrénées, E 565.

2 Arch. des Basses-Pyrénées, E 568.

3 Arch. du grand séminaire d'Auch, no 1827. Cette pièce contient le nom des seigneurs présents à cette assemblée.

▲ Arch. des Basses-Pyrénées, E 84 bis, Lettre de M. de Rohan à Alain.

LA GUERRE DE LA PÉNINSULE

(1807-1813)

D'APRÈS

LA CORRESPONDANCE INÉDITE DE NAPOLÉON Jer

C'est une opinion assez répandue que la grande publication de la Correspondance de Napoléon 1er, exécutée par ordre de Napoléon III, renferme dans ses vingt-huit volumes toutes les lettres sans exception écrites par l'Empereur 1. Trompés par cette idée, bien des historiens, qui ont traité divers épisodes de l'histoire du premier empire, ont négligé de consulter les cartons où reposent, aux Archives nationales, les minutes originales de cette immense correspondance; ils y auraient pourtant trouvé presque toujours des renseignements inédits et souvent des plus curieux. Cependant, l'ouvrage de M. F. Rocquain, Napoléon et le roi Louis, les articles de M. le baron Du Casse parus dans la Revue historique 2, et d'autres travaux aussi, ont établi, dans ces dernières années, que nombre de lettres avaient été omises. Une simple comparaison de chiffres montrera l'importance de ces omissions.

La Correspondance, publiée de 1858 à 1869, comprend vingtdeux mille numéros; encore s'y trouve-t-il des décrets, des ordres du jour, les bulletins de la Grande Armée, etc., qui ne sont point des lettres. Or, les quarante-huit cartons des Archives 3 contiennent plus de trente mille pièces ; et il est certain que cet ensemble n'est pas complet. Outre les lettres écrites entre le

1 La publication comprend en réalité trente-deux volumes, mais les quatre derniers ne contiennent pas de lettres.

2 Années 1886 et 1887.

3 AFIV 861 à 908.

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