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qui les fera garder par la brigade qu'il réunit en ce moment. Le cinquième mille sera envoyé en Dauphiné, où il sera employé aux travaux de desséchement ordonnés dans cette contrée. Enfin, le sixième mille sera dirigé sur le Cotentin, où il travaillera au desséchement des marais. Vous recommanderez un régime sévère, et que des mesures soient prises pour faire travailler ces individus de gré ou de force. Ce sont pour la plupart des fanatiques qui n'exigent aucun ménagement.

Le chef des défenseurs de Saragosse, le marquis de Palafox, ne fut guère plus favorisé que ses soldats. Il nous en coûte de constater que Napoléon n'eut pas la grandeur d'âme de le traiter honorablement. Les deux lettres suivantes, adressées au ministre de la Police, feront connaitre de quels sentiments l'Empereur était animé à son égard :

Rambouillet, 14 mars 1809.

Palafox, sa mère et sa femme doivent être arrivés ou arriver à Bayonne. Palafox sera conduit comme un criminel à Vincennes, et il sera mis au secret, de manière qu'on ne sache pas qui il est. Sa mère et sa femme seront envoyées au château de Ham, pour rester comme otages pour une quantité de Français qui sont aux mains des insurgés.

Schönbrunn, 14 juin 1809.

J'ai reçu un mauvais galimatias de ce scélérat de Palafox. Je suis mécontent que vous l'ayez accepté, fait traduire et par là fait connaître qu'il était à Vincennes, tandis qu'il devait y être ignoré. Ce scélérat est couvert du sang de plus de quatre mille Français qu'il a eu la barbarie de faire égorger à Saragosse. Qu'il reste à Vincennes oublié, sans plumes ni papier, et sans moyen d'intéresser à son sort les ennemis acharnés de la France.

Vous n'avez pas rempli mes intentions. Vous deviez ignorer qu'il était à Vincennes. Je vous réitère que mon intention est qu'il y vive séquestré du monde, sans moyen d'écrire ni de se faire connaître. C'est à cette condition que j'ai bien voulu ignorer ses crimes et ne pas le traduire à une commission militaire.

Les divers événements qui marquèrent la guerre d'Espagne de 1809 à 1812 pourraient nous fournir encore l'occasion de faire connaître nombre de pièces omises dans la Correspondance. Mais nous craindrions d'allonger outre mesure cet article déjà long. Cependant, avant d'en venir au dénouement en 1813, nous voudrions dire quelques mots des dilapidations

commises en Espagne par les généraux et les fonctionnaires français. Tout était matière à concussion: ici, ce sont des contributions qui restent dans les poches des généraux ou des commissaires des guerres; là, des balles de laine séquestrées et vendues à leur profit; des prisonniers qu'on libère à prix d'argent, des troupeaux de mérinos qu'on expédie en France, etc. Les lettres de l'Empereur sur ce sujet délicat sont assez nombreuses; la Correspondance en a publié quelques-unes, d'autres sont restées inédites. Nous n'avons pas l'intention de donner ici aucune de ces lettres, où des noms honorés se trouvent singulièrement compromis. Nous nous contenterons de faire connaitre les deux suivantes, qui ont trait à la plus importante et à la plus audacieuse de ces « opérations. Les faits auxquels elles font allusion s'étaient passés en 1807, au lendemain des événements d'Aranjuez, alors que Murat commandait en chef en Espagne. Il semble même que, dans la pensée de l'Empereur, le roi de Naples n'ignorait peut-être pas où se trouvait le produit du vol. Le 20 août 1811, Napoléon écrivait donc au duc de Rovigo, ministre de la Police:

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Il m'a été assuré que les diamants de la couronne d'Espagne ont été enlevés par des Français, et que, en faisant des recherches chez les bijoutiers, surtout chez ceux qui fournissent la cour de Naples, on aurait des indices. Suivez cela adroitement, afin de savoir la vérité.

Et, quatre jours plus tard, il adressait à Maret, alors ministre des Relations extérieures, une lettre plus explicite :

Saint-Cloud, 24 août 1811. Écrivez en chiffres au comte Laforest qu'il voie le roi d'Espagne et qu'il lui fasse connaître que, ayant des indices que quinze à dix-huit millions de diamants avaient été soustraits par des individus à la couronne d'Espagne, et ayant appris qu'un sieur Aymé y était compromis, je l'ai fait enfermer jusqu'à ce qu'il ait révélé ce qu'il sait sur cette affaire; qu'il a déjà avoué qu'il avait vu de très beaux diamants, et entre autres la perle Pérégrine; que ces objets étaient sous la garde de cinq Espagnols à Madrid, au départ du roi Charles IV; que je désire que ces cinq Espagnols soient interrogés et que procèsverbal de leur interrogatoire soit envoyé à Paris; que la perle Pérégrine a passé dans les mains d'un bijoutier qui est en ce moment à Naples; que j'ai donné ordre à mon ministre à Naples de faire interroger ce bijoutier et de prendre tous les renseignements qui pour

raient éclairer là-dessus, mon intention étant de faire retrouver ces quinze ou dix-huit millions de diamants et d'en envoyer la valeur au roi, secours qui sera essentiel pour lui dans cette circonstance; qu'il a été soustrait des objets d'un grand prix chez le prince de la Paix ; qu'il faut faire faire des enquêtes; que cela sera suivi en France, et qu'on fera rentrer des sommes considérables.

Vous écrirez au baron Durand en chiffres de faire interroger le bijoutier de la cour de Naples qui est à Naples dans ce moment, et chez lequel on a vu la perle Pérégrine, et de faire des recherches pour parvenir à découvrir ce qu'est devenue cette perle et les autres diamants de la couronne d'Espagne; qu'il doit mettre le plus grand mystère dans ces recherches; que l'Espagne a besoin d'avoir ces objets importants dans la situation où elle se trouve.

Les événements de Russie en 1812 eurent leur contre-coup en Espagne; les insurgés sentirent grandir leurs espérances de se débarrasser des Français. La bataille des Arapiles, gagnée par Wellington sur Marmont, força Joseph à abandonner Madrid. Le roi, que l'Empereur avait, au commencement de l'année, investi du commandement suprême des troupes de la Péninsule, était mal secondé par ses lieutenants, Jourdan, Soult, Marmont, Suchet; leurs rivalités et leurs dissentiments devaient fatalement aboutir à un désastre. Une marche audacieuse de Wellington vers les provinces basques, pour couper la route de Bayonne, obligea l'armée française à se retirer derrière l'Ebre. Le 21 juin, le général anglais l'atteignit à Vittoria et lui infligea une sanglante défaite. La nouvelle en parvint le 1er juillet à Napoléon, alors à Dresde. Furieux de ce désastre, qu'il attribuait à l'impérilie de son frère, l'Empereur lui retira le commandement des troupes pour le donner au maréchal Soult, et il notifia au roi cette décision par une lettre assez sèche, qui se terminait ainsi : « Je désire que vous ne vous mêliez en rien des affaires de mes armées. En même temps, il adressait au prince Cambacérès, archichancelier de l'Empire, la lettre suivante :

Dresde, 1er juillet 1813.

Je reçois des lettres du ministre de la Guerre dans lesquelles se trouvent celles du général Foy, du 22; le ministre de la Guerre vous fera connaître, mes intentions.

J'envoie le duc de Dalmatie, avec le titre de mon lieutenant général, en Espagne. Il sera cependant sous les ordres de la régence et rendra compte au ministre de la Guerre.

Quant au roi d'Espagne, mon intention est qu'il demeure à Pampelune, Saint-Sébastien ou Bayonne, et qu'il y attende mes ordres. Dans tous les cas, mon intention est qu'il ne vienne pas à Paris et qu'aucun grand dignitaire, aucun ministre, sénateur ou conseiller d'État ne le voie jusqu'à ce que je lui aie fait connaître mes intentions. S'il avait dépassé la Loire, vous vous concerterez avec les ministres de la Guerre et de la Police pour faire ce qui serait le plus convenable, sans affliger l'impératrice de ces détails. Le roi ne doit pas passer la Loire sans mon ordre; mais enfin, s'il l'avait passée, il devrait se rendre dans le plus grand incognito à Morfontaine, d'où il serait convenable que ni lui ni aucun officier de sa maison ne vint à Paris inquiéter l'administration de la régence. Vous verrez avec le ministre de la Police qui l'on pourrait charger de faire connaître mes intentions au roi. On pourrait faire choix de Roederer ou de tout autre dont le roi aurait l'habitude. Mais, quoi qu'il en soit, vous devez employer la force, s'il est nécessaire, pour l'exécution de mes ordres. En général, je désire que toute communication qui sera faite au roi d'Espagne lui soit faite, non par le canal du ministre de la Police, mais par celui du ministre de la Guerre.

Au reçu de la présente, vous ferez appeler chez vous les ministres de la Guerre et de la Police, et vous leur remettrez leur lettre, en leur recommandant sur le tout le plus parfait silence.

Si le roi avait repris l'avantage et qu'on eût réoccupé Vittoria, vous y mettriez d'autant plus de ménagement. Je suppose que le sénateur Roederer, ou tout autre ayant la confiance du roi, pourrait lui être envoyé pour lui faire sentir que, d'après l'opinion que j'ai de ses talents militaires, j'ai été obligé par les circonstances de donner le commandement de l'armée à un général ayant ma confiance.

Je vous envoie aussi une lettre pour le roi d'Espagne. Vous ne la remettrez au duc de Dalmatie qu'autant que cela paraîtrait nécessaire au ministre de la Guerre. Je désire que le duc de Dalmatie ne la remette qu'autant qu'il serait impossible de faire autrement. Il me semble qu'une ampliation du décret et une lettre du ministre sont suffisantes.

Veillez à ce que le ministre de la Police ne se mêle de rien que de surveiller, et à ce que le ministre de la Guerre n'écrive au roi d'Espagne que ce que les circonstances exigent qu'il sache; enfin, à ce que tout se fasse avec le plus de modération possible.

Des instructions conformes furent adressées le mème jour aux ministres de la Guerre et de la Police. Dans celle du général Clarke, l'Empereur disait :

Toutes les sottises qui ont eu lieu en Espagne sont venues de la

complaisance malentendue que j'ai eue pour le roi, qui non seulement ne sait pas commander une armée, mais encore ne sait pas assez se rendre justice pour en laisser le commandement aux militaires.... Tout ce qui regarde le roi est extrêmement secret, et le duc de Dalmatie même ne doit pas en être instruit.

L'irritation de Napoléon, au sujet des événements d'Espagne, ne se calma pas rapidement. Il faut reconnaître que ni Joseph ni Jourdan, son major général, ne firent ce qu'il fallait pour cela. La lettre suivante, au ministre de la Guerre, fera voir que le mécontentement de l'Empereur était en grande partie justifié. La minute n'en existe plus dans les cartons des Archives nationales elle a été supprimée sous le second empire; nous avons pu en retrouver le texte dans une copie des minutes de l'année 1813, exécutée sons la monarchie de Juillet 1:

Wittemberg, le 11 juillet 1813. Je suis aussi surpris qu'indigné de n'avoir aucun renseignement sur la situation de mes armées d'Espagne. J'ignore encore pourquoi on ne s'est pas lié avec le général Clausel; j'ignore la perte qu'on a faite en hommes; je n'ai pas reçu le récit de la bataille. Témoignez mon mécontentement au maréchal Jourdan; suspendez-le de ses fonctions, et donnez-lui ordre de se rendre dans ses terres, où il restera suspendu et sans traitement jusqu'à ce qu'il m'ait rendu ses comptes de la campagne. Son premier devoir était de vous mettre au fait et de vous faire le récit de la bataille. Demandez aussi ce récit à chaque général en chef. Enfin, témoignez au roi mon mécontentement de ce qu'il n'a pas envoyé ce récit, et de ce qu'il ne m'a pas fait part des raisons qui l'ont porté à abandonner le général Clausel.

Je ne suis pas très content de la lettre que vous avez écrite au roi, J'y vois trop de compliments. Lorsqu'on m'a perdu une armée par ineptie, je puis avoir le ménagement de ne pas mettre le public dans ma confidence; mais du moins ce n'est pas le cas de faire des compliments. Au contraire, la faute de tout ceci est au roi, qui ne sait pas commander, qui n'a rendu aucun compte et qui n'a donné aucun moyen de s'occuper de l'armée. Il est convenable que vous fassiez en sorte que cette manière dont j'envisage les choses soit connue du roi et de tous ceux qui l'entourent. La conduite de ce prince n'a cessé de faire le malheur de mon armée depuis cinq ans. Il est temps que cela finisse.

Il paraît qu'on a fait sauter le pont de la Bidassoa. Il y a bien de

Archives nationales, AFiv* 57.

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