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l'ineptie et de la lâcheté à tout cela. Témoignez mon mécontentement à Reille; dites-lui que je ne le reconnais plus. En général, ils ne montrent tous que la timidité des femmes.

En même temps, pour essayer de pallier aux yeux de l'Europe la défaite de Vittoria et d'en atténuer les conséquences morales, il écrivait de Magdebourg, le lendemain 12 juillet, au ministre des Relations extérieures :

Magdebourg, 12 juillet 1813.

.... Il est convenable d'écrire une circulaire à tous mes ministres pour leur faire la langue sur les affaires d'Espagne.; Vous leur direz que, toutes nos armées d'Espagne s'étant concentrées afin de devenir disponibles comme réserve, selon que les circonstances l'exigeraient, l'armée du Nord s'était portée de Pampelune sur l'Aragon, et les autres armées sur les débouchés de la Biscaye et de la Navarre; que les Anglais, s'étant aperçus de ces mouvements, en avaient profité pour suivre vivement nos marches, et que, le 21, une affaire assez chaude avait eu lieu devant Vittoria, dans laquelle il y avait eu une perte égale des deux côtés; que l'armée avait continué son mouvement et était arrivée au point fixé pour sa réunion; que cependant l'ennemi avait pris une centaine de pièces de canon ou voitures qui étaient dételées à Vittoria, reste de l'immense évacuation qui avait été faite de Madrid et de l'Espagne; que c'est la prise de ces bagages que les Anglais voudraient faire passer pour des pièces de canon attelées et enlevées du champ de bataille.

Joseph avait obéi aux ordres de son frère; le 12 juillet, il avait remis le commandement à Soult, lui laissant la tâche de défendre, non plus le royaume d'Espagne, mais la frontière française des Pyrénées. Après un court séjour au château de Poyanne, près de Bayonne, il se retira à Morfontaine. Il y vécut plusieurs mois dans le plus strict isolement. Napoléon avait encore insisté auprès de Cambacérès pour que ses intentions à cet égard fussent ponctuellement exécutées. La lettre qu'il lui adressa de Dresde, le 20 juillet, a été supprimée comme celle du 11, dont nous avons parlé plus haut; elle ne nous a été conservée qu'en copie 1.

Au prince Cambacérès, archichancelier de l'Empire.

Dresde, 20 juillet 1813. Je reçois votre lettre. Je vous ai fait connaître, de Wittemberg, que 1 Archives nationales, registre AFiv* 57.

mon intention était que le roi se rendît à Morfontaine et qu'il y gardat le plus grand incognito. Mon intention est que vous ne le voyiez pas. S'il demandait à vous voir, vous répondriez qu'il y a défense de ma part. Mon intention est qu'il ne voie aucun de mes ministres; s'il demandait à les voir, on lui ferait la même réponse. Le président du Sénat, les ministres d'État, les présidents de section ne le verront pas. Vous ferez connaître de la manière la plus positive au roi que, jusqu'à mon retour, mon intention est qu'il ne voie personne 1.

Il vient de m'écrire une lettre où il accuse le ministre de la Guerre et tout le monde. La faute de tout est à lui. La relation des Anglais montre assez avec quelle ineptie cette armée a été conduite; il n'y en a pas d'exemple dans le monde. Sans doute le roi n'était pas militaire; mais il est responsable de son immoralité, et la plus grande immoralité, c'est de faire un métier qu'on ne sait pas. S'il manquait à l'armée un homme, c'était un général, et s'il y avait un homme de trop, c'était le roi. Je n'entends donc pas raillerie là-dessus. Si vous mettiez ici de la faiblesse et ne faisiez pas connaître clairement mes intentions, le roi recevrait du monde, deviendrait un centre d'intrigues, et cela me mettrait dans la nécessité de le faire arrêter; car ma patience est à bout. J'ai blâmé la lettre que lui a écrite le ministre de la Guerre, parce que le roi aura pris facilement le change. Il faut qu'il connaisse mes vrais sentiments, et qu'il sache que, s'il ne s'y conforme pas, le ministre de la Police a ordre de l'arrêter. Il n'y a absolument que cela qui puisse le contraindre.

Je suis surpris, après ce que je vous ai écrit, que vous ayez eu encore quelque doute sur la conduite à tenir envers le roi. Tout ceci ne doit être que provisoire; il est donc tout simple qu'il reste à se reposer à la campagne en attendant que je puisse lui demander compte de sa mauvaise conduite. Je ne sais ce que vous avez chargé Roderer de lui dire; mais, si vous ne lui avez pas parlé clair et fait voir mes lettres, vous aurez manqué votre but. Il paraît que Roederer va venir auprès de moi; j'en suis bien aise; je pourrai lui dire toute ma façon de penser, et que je ne veux plus exposer mes affaires par ménagement pour des imbéciles qui ne sont ni militaires, ni politiques, ni administrateurs.

Les malheurs de la France firent sortir Joseph de sa retraite. Le 29 décembre, il écrivit à l'Empereur pour se mettre à sa disposition. Napoléon lui répondit par une lettre peu aimable, dont

1 Sauf sa femme, sa mère, les personnes de sa famille et quelques Espagnols de son intimité, est-il dit dans une lettre du même jour au ministre de la Police.

Joseph eut le bon esprit de ne pas se froisser. Il fit savoir à son frère qu'il renonçait au titre de roi et ne se regardait plus que comme prince français; il le supplia d'user de ses services et de son dévouement. Dès lors, Napoléon lui rendit sa confiance et le nomma, au commencement de 1814, son lieutenant général à Paris, avec des pouvoirs assez étendus. C'est en cette qualité qu'il dirigea le gouvernement, de concert avec l'impératrice régente, jusqu'à ce que l'entrée des alliés à Paris et l'abdication de l'Empereur eussent mis fin à son rôle politique.

LÉON LECESTRE.

MÉLANGES

I.

LE RÈGNE DE THIERRY III

ET LA CHRONOLOGIE DES MOINES DE FONTENELLE

Grâce aux récents travaux de M. Bruno Krusch et du regretté Julien Havet, la chronologie des rois mérovingiens, déjà éclaircie par Mabillon, paraît à peu près définitivement fixée. Sur un point, cependant, leurs conclusions, déjà adoptées par les érudits, sont contestables et veulent être corrigées. Il importe même de faire cette correction avant que l'erreur, s'abritant sous leurs noms justement autorisés, se répande dans les manuels d'enseignement.

Nous avons en vue la chronologie du règne de Thierry III. M. Krusch consacre à cette question, que l'incohérence des documents rend extrêmement difficile, plus de douze pages de son étude: Zur Chronologie der merowingischen Könige, et il fixe la date initiale de ce règne à la fin de l'année 675. Julien Havet, précisant encore davantage, la place entre le 11 septembre et le 14 décembre 675 3.

Parmi les textes que M. Bruno Krusch apporte à l'appui de son opinion, deux seulement sont à retenir l'un est tiré d'un manuscrit d'Oxford, du xe ou XIe siècle (Bibliothèque Bodléienne e Museo 94, ol. 113; Julien Havet dit 113, ol. 94, fol. 114 et 115). C'est une note

1 Zur Chronologie der merowingischen Könige, von Bruno Krusch, dans Forschungen zur deutschen Geschichte, t. XXII, p. 449-490. Göttingen, 1882.

Voir Les Questions mérovingiennes, par Julien Havet, dans la Bibliothèque de l'École des chartes, t. XLVI, XLVII et LI, années 1885, 1887 et 1890, en particulier, La Date d'un manuscrit de Luxeuil, 1885, et Les Charles de SaintCalais, 1887.

3 La Date d'un manuscrit de Luxeuil, p. 10 et 11 du tirage à part, Paris, Champion, 1885.

qui fait suite aux Chroniques d'Isidore de Séville et qui fut évidemment copiée sur un manuscrit plus ancien 1. En voici la teneur : A passione Domini nostri Jesu Christi usque ad transitum Childeberti regis, in quo anno cyclus Victorii rurso ex passione dominica circulum annorum ad inicium rediit sunt anni 532. In summa ab initio mundi usque in predicto anno sunt anni 5760. Ab eo anno usque primo anno regni Clotharii, filii Chlodovei, sunt anni 89. Abinde usque transitum illius, quando Heldericus germanus suus tria hec regna Neustria, Austria et Burgundia subjugavit, sunt anni quindecim et menses V. Hildericus regnavit in Neustria annos 2 et menses 6. Cui germanus suus Teodericus successit in regno. Ab eo anno, quando passus est Dominus noster Jesus Christus, usque primo anno Theoderici regis anni sunt 648. Fiunt insimul ab initio mundi usque in predicto primo anni (sic) regni Teoderici incliti regis anni 5876, et restat de sexto miliario anni 124. M. Bruno Krusch estime que le copiste, en transcrivant ce texte, a commis une erreur de lecture ou de plume et propose la correction suivante qui s'impose au lieu de anni LXXXVIIII (89), il faut lire LXXXXVIIII (99). Ce chiffre établi, voici comme il raisonne: On sait que le cycle de Victorius est de 532 ans; la première révolution de ce cycle a commencé en l'an 28 (l'année de la Passion selon Victorius), pour finir en 559. Ajoutez à ces 559 ans les 99 ans du texte corrigé, vous avez l'année 658, ou du moins une partie de cette année 658, comme date initiale du règne de Clotaire III, fils de Clovis II. Par d'autres calculs, M. Krusch établit que le règne de Clovis II prenait justement fin dans les derniers mois de 657. Cette double année 657-658 marque donc exactement le commencement du règne de Clotaire III. Or il régna 15 ans et 5 mois, et Childéric régna ensuite en Neustrie 2 ans et 6 mois, soit en tout, pour les deux frères, 17 ans et 11 mois de règne. La conclusion s'impose l'avènement de leur successeur Thierry III doit être fixé en 675 3.

Julien Havet, commentant le même texte, arrive par une autre voie à la même conclusion. Il fait remarquer que, selon les calculs de

Waitz avait déjà publié ce texte dans Neues Archiv, IV, 383.

2 Selon M. Krusch, il y aurait une lacune entre les mots menses et v ce qui donnerait « Anni quindecim et menses a dies v. » Mais, comme l'a fait observer Julien Havet (Manuscrit de Luxeuil, p. 10 du tirage à part), si l'auteur de la note avait voulu indiquer la durée du règne de Clotaire III, à la fois en années, en mois et en jours, il aurait mis le mot et devant dies et non devant menses; d'ailleurs, puisque pour Childéric II il n'a indiqué que des ans et des mois, il n'est pas probable qu'il ait précisé plus pour son prédécesseur. Il n'y a donc pas lieu d'invoquer ici une lacune.

3 Zur Chronologie, loc. cit., p. 478, 481.

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