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part, remarquons que M. Krusch n'y a recours que pour justifier l'opinion d'après laquelle le premier avènement de Thierry III se rattacherait à l'année 675; et nous avons vu que cette opinion doit être abandonnée. En second lieu, il semble que faire dépendre de la durée fictive du règne de Clotaire III les calculs des chronologistes de Fontenelle est une conjecture purement gratuite. Cette mention de quatorze ans ne se rencontre que dans le Vita secunda S. Wandregisili, qui est, nous l'avons dit, postérieure au Vita Lamberti et au Vita Condedi. Il faudrait prouver que les auteurs de ces derniers ouvrages partaient du même principe, et c'est ce qu'il est impossible de faire.

Nous restons donc en présence de deux hypothèses, qu'il faut apprécier d'après leur degré de vraisemblance. L'une qui s'appuie sur la chronologie du Vita Lamberti confirmée par le Vita secunda Wandregisili, et qui, fixant la mort de saint Wandrille en 668, fixe du même coup le commencement de l'administration de saint Lambert en 668 et la fin en 678 (novembre-décembre), la seconde qui a pour base la chronologie du biographe de saint Condède et qui retarde nécessairement d'une année ces différentes dates (669 et 679 au lieu de 668 et 678).

La dernière hypothèse n'offre guère de garantie. La chronologie du Vita Condedi est sûrement et en tous points le résultat d'un calcul. L'auteur fait partir de 675 le règne de Thierry III, et si l'on suppose que les diplômes de ce prince, dont il se sert, étaient datés, il faut les faire partir au contraire de 673. De là une presque impossibilité de les concilier avec les années de l'administration des abbés de Fontenelle. Il ne serait donc pas étonnant que ce synchronisme conjectural et forcé se trouvât en désaccord avec la chronologie réelle.

La première hypothèse se soutient mieux. Il est assez naturel que les moines de Fontenelle aient conservé le souvenir de la durée du gouvernement de leurs deux premiers abbés, et qu'ils aient noté la date précise de la mort de leur saint fondateur: XI kalendas augusti, feria VII. Or, nous l'avons vu, toutes ces données concordent non seulement entre elles, mais encore avec la chronologie des rois mérovingiens et avec l'ère de l'Incarnation.

Entre ces deux systèmes chronologiques il semble donc que le choix ne saurait être douteux. Le synchronisme hasardé du Vita Condedi doit être sacrifié.

Il nous reste à déterminer la durée du gouvernement de saint Ansbert, successeur de saint Lambert à Fontenelle. Du même coup nous obtiendrons la date de la mort de saint Ouen, prédécesseur de saint Ansbert sur le siège épiscopal de Rouen.

Mais cette question demeurera forcément obscure. Si l'on en croit

l'auteur du Vita Ansberti, la cinquième année du pontificat de saint Ansbert correspond à la seizième année de Thierry III 1. En adoptant le système chronologique du Vita Condedi, cette date coïnciderait avec l'année 691 ou du moins avec fin 690-fin 691. Or, nous avons vu que Thierry était mort avant le 18 mai 690. Faut-il, abandonnant ce synchronisme, compter la seizième année de Thierry III à partir de mars-mai 673? En ce cas, la seizième année correspondrait à l'année 689, et la mort de saint Ouen daterait de 684 (24 août, comme nous le savons par ailleurs) ".

Cette date aurait l'avantage de satisfaire les critiques qui se fient aux derniers biographes de saint Ouen et attribuent à son pontificat une durée de quarante-trois ans et trois mois 3. Saint Ouen monta, en effet, d'après l'auteur du Vita S. Eligii, sur le siège épiscopal de Rouen, à l'époque des Rogations, la troisième année du règne de Clovis II, qui correspond à l'année 641 de notre ère. Si les quarantetrois ans et trois mois de son épiscopat sont un souvenir de la tradition orale et non le produit d'un calcul hypothétique, il faut évidemment fixer sa mort au mois d'août 684.

Cette conclusion se trouve encore confirmée par le Vita Vulfranni, la plus défectueuse malheureusement des Vies interpolées à Fontenelle. On y trouve mentionnée une donation, faite par Wulfran, de la terre de Milly, à Ansbert, demeuré abbé de Fontenelle après son élévation au siège de Rouen, Anno XII Regis Theodorici. Or, la douzième année de Thierry courait justement de mars-mai 684 à mars-mai 685. La mort de saint Ouen serait donc sûrement antérieure au mois d'août 685 5.

Quels renseignements et quel contrôle les autres documents historiques peuvent-ils nous fournir à cet égard? Nous savons que saint Ouen mourut sous le majorat de Warathon, successeur d'Ébroïn •.

1 Dans Mabillon, Acta, loc. cit., t. II, p. 1056, n° 27. Nous ne citons pas l'année de l'Incarnation ni l'indiction, qui n'ont évidemment aucune valeur. 2 Acta sanctorum, August., t. IV, p. 818, no 37.

3 Vita S. Audoeni, auctore anonymo, n° 71, dans Analecta Bollandiana, 1886, t. V, p. 80 du tirage à part. Cf. Acta sanctorum, August., IV, 818, no 37. A Vila Eligii, lib. II, cap. 1, dans Migne, Patrol. lat., t. LXXXVII, p. 512. Avec M. Krusch nous lisons XIII au lieu de xiv° die mensis tertii. Le dimanche qui précède les Rogations ne tomba un 14 mai qu'en 635 et 646 (Cf. Krusch, Zur Chronologie, loc. cit., p. 468-470). Selon l'opinion reçue, saint Ouen serait lui-même l'auteur de ce Vita Eligii. Nous nous proposons de démontrer prochainement que l'ouvrage dû à la plume de saint Ouen est perdu et que le Vita que nous possédons est d'un auteur anonyme.

Cf. Vita S. Wulfranni, cap. 1, ap. Mabillon, Acta, ш, pars 12, p. 358. Liber historiæ Francorum, cap. XLVII, ap. Mon. Germ. Hist., éd. Krusch, Rerum Meroving. Script., II, 321, Cf. le Continúateur de Frédégaire, ibid., p. 170-171.

Il paraît sûr, d'autre part, que la mort d'Ébroïn ne saurait être retardée au delà de 681 1. Enfin, Warathon fut remplacé par Berchaire bien avant le mois de juin 687. Le majorat de Warathon, coupé, il est vrai, par un interrègne assez bref de son fils Gislemare, s'étend donc au moins de 681 à 685 ou 686. Ces indications sont loin de contredire l'opinion exposée plus haut, elles la corroborent plutôt. Il n'y a donc pas trop de témérité à fixer la mort de saint Ouen au 24 août 684 3. Résumons-nous et indiquons, pour finir, les principales conclusions de ce travail.

Thierry III commença de régner, après la mort de son frère Clotaire III, entre le 11 mars et le 15 mai 673, et mourut, après dix-sept ans de règne, avant le 18 mai 690. Les chroniqueurs qui comptent son règne à partir de la fin de l'année de 675 font allusion à sa restauration et non à son premier avènement.

Childéric II est mort vers la fin de l'année 675, après deux ans et six mois de règne en Neustrie.

1 Cette mort avait été généralement fixée, d'après la Vie anonyme de saint Léger, à l'année 681. Mais dans son étude sur Die älteste vila Lendegarii, M. Bruno Krusch renonce à cette indication qui lui paraît peu sûre, et s'appuyant sur le Vita S. Filiberti (Mabillon, Acta, и, 823, n° 26) qui raconte que, Ebroïn étant mort, saint Philbert rentra à Jumièges, après plus de huit ans d'exil, anno peracto octavo, incipiente nono, il estime que la mort d'Ebroïn doit être reportée à la fin de 683 (Neues Archiv, t. XVI, p. 589-590). Cependant il faut tenir compte d'une charte insérée dans la Vie de saint Condède et datée de la septième année de Thierry III et de la seconde année de l'administration abbatiale de saint Ansbert, c'est-à-dire de l'année 681, selon la chronologie de ce Vila (Mabillon, Acta, 11, 864, n° 8). Or, cette pièce est signée de Warathon, maire du palais. Par conséquent, Ebroïn était mort à cette date. Sans doute ce synchronisme est le résultat d'un calcul de l'interpolateur du Vita S. Condedi; mais, soit que l'on s'attache à la septième année réelle du règne de Thierry ou à la seconde année réelle de l'administration de saint Ansbert, on trouve, d'après ce que nous avons dit plus haut, la date 678-680 ou 680-681. De toute façon, il faut reconnaître qu'Ebroïn mourut au plus tard entre 679 et 681.

Berchaire fut battu par Pépin à Testry au mois de juin 687. Cf. Liber historia Francorum, cap. XLVIII, éd. Krusch, p. 322, note.

3 On pourrait objecter à cette opinion que le dernier biographe de saint Ouen fixe sa mort au 24 août et un dimanche, dominica, nona kalendarum septembrium (Bibl. nat., ms. lat. n° 5607, p. 19. Le regretté abbé Sauvage, qui a publié ce Vita S. Audoeni dans les Analecta Bollandiana, t. V, 1886, p. 80 du tirage à part, a mal collationné ce passage et a omis le mot nona qui manque, il est vrai, dans les mss. 9742 et 10852, mais qui est important et s'impose). Or, le 24 août n'est tombé un dimanche, entre 676 et 693, c'est-àdire dans l'espace de dix-sept ans, qu'en 682. A cette date, nous l'avons vu, Warathon avait déjà succédé à Ebroïn, peut-être depuis plusieurs années. Faut-il donc rattacher la mort de saint Ouen à l'année 682 ? Le mot dominica, que nombre d'hagiographes appliquaient alors sans motif à la date de la mort de leurs héros, n'est pas une note chronologique assez sûre pour que nous puissions lui sacrifier les arguments qui militent en faveur de 684.

Saint Wandrille fonda l'abbaye de Fontenelle le 1er mars 649, et mourut le 22 juillet 668.

Son successeur saint Lambert gouverna l'abbaye durant dix ans et cinq mois environ, et monta sur le siège de Lyon en novembredécembre 678, après Genésius, mort le 1er novembre de cette même année.

Saint Ansbert fut abbé de Fontenelle, de la fin de l'année 678 à la fin de l'année 684 et plus tard encore, et succéda, sur le siège de Rouen, à saint Ouen, mort, selon une grande probabilité, après quarante-trois ans et trois mois d'épiscopat, le 24 août 684.

E. VACANDARD,

Premier aumônier du lycée de Rouen.

II.

BLANCHE DE CASTILLE, REINE DE FRANCE 1

Des travaux remarquables ont mis en lumière notre histoire du XIIIe siècle. Philippe Auguste, Louis VIII, Louis IX, ont été l'objet d'études approfondies. A côté de ces grandes figures dont l'étude s'imposait tout d'abord, d'autres, non moins intéressantes pour être moins connues, restaient à étudier. Au nombre de celles-ci, Blanche de Castille devait attirer l'attention des érudits. M. Élie Berger vient de combler cette lacune en consacrant à la mère de saint Louis un livre, fruit de patientes et laborieuses recherches.

Blanche naquit à Palencia, vers le 4 mars 1188. Elle était la troisième fille d'Alphonse VIII de Castille et d'Éléonore, fille de Henri II, roi d'Angleterre. Comme tant d'autres mariages princiers, l'union de Blanche avec le prince Louis de France fut la conséquence de négociations politiques. Ce mariage servit de base au traité du Goulet (22 avril 1200), qui réconcilia pour un temps les deux couronnes de France et d'Angleterre. Entre Blanche et Louis, mariés en dehors de toute préoccu

Histoire de Blanche de Castille, reine de France, par M. Elie BERGER. Paris, Ernest Thorin, 1895, grand in-8 de 423 p. (Bibliothèque des Écoles françaises de Rome et d'Athènes, fascicule LXX),

pation sentimentale, naquit bientôt une affection sincère qui, de part et d'autre, ne se démentit pas. Durant les premières années de son mariage, qui furent aussi les plus heureuses de sa vie, Blanche mena une existence paisible, se consacrant tout entière à ses enfants, dont le premier, une fille, naquit en 1205. Bien qu'avec M. Berger nous regrettions le petit nombre de documents pouvant éclaircir cette première partie de la vie de Blanche, de brèves mentions de chroniques suffisent à montrer que Blanche fut une mère admirable, veillant elle-même à l'éducation de ses enfants, soin qu'elle ne voulut jamais confier à d'autres, même aux temps les plus troublés de la régence. Son amour maternel ne dégénéra jamais en faiblesse. Grâce aux comptes de l'hôtel, dont M. Berger a tiré un judicieux parti, la vie intime de Blanche et de ses enfants nous est connue. Éloignée par goût d'un luxe superflu, Blanche, devenue reine de France, sut maintenir sa maison au rang qui lui convenait; les principes d'ordre, d'économie, suivis plus tard par Louis IX, sont mis en pratique, mais en de solennelles circonstances: pour l'entrée en chevalerie de Robert et d'Alphonse, frères du roi, pour le mariage de Louis IX, l'éclat de la cour de France est relevé par des fêtes somptueuses.

Blanche de Castille n'eût-elle pour seul titre de gloire que d'être la mère de saint Louis, qu'il suffirait à l'élever au plus haut rang des figures de notre histoire nationale. Devenu roi de France en 1223, après trois ans de règne, Louis VIII, mourait à Montpensier (8 novembre 1226). Louis, l'aîné de ses enfants et son successeur, n'avait alors que douze ans. Sur son lit de mort, Louis VIII confia à Blanche la garde du royaume et la tutelle de ses enfants. Dès lors l'histoire du royaume se confond avec celle de Blanche, reine et régente du royaume; aussi est-ce à bon droit que M. Berger a pu dire: « La vie de Blanche, pendant une grande partie du XIe siècle, est la vie même de la France qu'elle a pacifiée; son histoire est celle du pouvoir royal, en dehors duquel il n'y a pas alors de patrie. »

La mort prématurée de Louis VIII marquait un temps d'arrêt au prodigieux essor donné à l'extension du pouvoir royal par Philippe Auguste et par Louis VIII. Une réaction, inévitable en pareil cas, se produisit. Les grands vassaux de la couronne songèrent à s'affranchir du joug auquel les avait soumis la lourde main du Conquérant; Henri III, dépossédé de toutes ses possessions françaises à l'exception de la Gascogne, crut le moment venu de reconquérir le patrimoine perdu; les sentiments hostiles de l'Albigeois, récemment soumis, ne faisaient de doute pour personne. Pour s'opposer au mécontentement des grands, aux secrètes intrigues de Henri III, un enfant en bas âge et une femme restent seuls. Si Blanche de Castille n'avait pas été la femme au caractère fortement trempé que nous fait

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