Slike stranica
PDF
ePub

ultime vieillesse. C'était d'ailleurs justice: ils lui avaient tracé le chemin qu'il devait suivre si constamment et si brillamment. A peine déclaré majeur et âgé de quinze ans, vers la fin de 1324, il épousait la petite-nièce du pape Clément V, Reine de Goth. Celle-ci étant morte presque aussitôt, il s'unissait, en 1327, avec la petite-fille d'un saint et d'un roi, Béatrix de Clermont 1. Il entre alors de plain-pied dans le torrent des événements. On voudrait l'y suivre, terminant une querelle avec l'archevêque d'Auch (1326), courant en Italie défendre le saint-siège (1333), apaisant des discordes sanglantes entre ses gentilshommes (1332), prenant part aux batailles qui ouvrirent la guerre de Cent ans (1337) et, dès lors, se jetant ardemment après l'Anglais de tous côtés dans le Midi, et plus d'une fois dans le Nord comme en Flandre et en Normandie. Mais nous avons hâte d'arriver à la campagne de 1353, prélude de celle de 1355, où le Prince Noir paraîtra sur la scène.

Nommé lieutenant général du roi pour le Languedoc et les autres provinces se rattachant à ce gouvernement (Agenais, Gascogne, Périgord, Quercy et Rouergue) vers la fin de 1352, Jean ler trouva devant lui une situation des plus compromises. Sauf le Languedoc, le Rouergue et la Gascogne, presque tous les pays de sa lieutenance étaient à peu près au pouvoir des Anglais. En outre, on avait à craindre des défections. Il venait de s'en produire quelques-unes au sein d'une des villes méridionales les plus fidèles, Agen: les consuls avaient ordonné de démolir et raser les maisons des rebelles et d'en consacrer les matériaux à la construction d'un pont de bateaux sur la Garonne (22 septembre 1352) 2. D'autre part, tout le monde réclamait la paix, et Agen, comme sans doute beaucoup d'autres villes, envoyait près du pape, à Avignon, des délégués pour le prier d'intervenir et de négocier une réconciliation entre la France et l'Angleterre (11 janvier 1353) 3.

Le comte d'Armagnac, en présence de ces tentatives de paix, observa une grande réserve et arrêta mème le cours des hostilités. Nulle part, en effet, on ne le voit alors se livrer à la moin

1 Cette princesse était petite-fille de Robert de Clermont, dernier fils de saint Louis et tige de la maison de Bourbon.

2 Jurades d'Agen. Auch, 1894, p. 250.

3 Ibid., p.3 03.

dre attaque contre l'ennemi. Mais, n'ayant pas beaucoup de confiance dans l'heureux succès des pourparlers, il préparait activement la campagne prochaine. Pressé par lui, maint gentilhomme, qui avait passé du côté anglais, se hâta d'implorer le pardon de sa faute et de reprendre les couleurs françaises (janvier 1353) 1.

Il avait d'ailleurs bien auguré des événements. Ses espérances de paix ne tardèrent pas à s'évanouir, et, dès les premiers jours de février, le comte d'Armagnac commençait les opérations par le siège de Saint-Antonin, position très forte sise en Rouergue, dont les Anglais s'étaient emparés durant leurs courses précédentes. Ce siège, presque aussi célèbre que celui d'Aiguillon (1345) dans les fastes du Midi au xive siècle, débuta vers le 4 février 1353; ce jour-là, en effet, on ignorait encore à Agen si le lieutenant général était à Toulouse ou sous les murs de Saint-Antonin 2. En même temps, il envoyait d'autres compagnies assiéger divers lieux ou châteaux, notamment Monbalen, sur la route d'Agen à Périgueux, lequel fut pris par Pierre de Rabastens, sénéchal d'Agenais, et démoli peu après (vers le 12 mars 1353) 3. Pour lui, il resta avec le gros de son armée devant Saint-Antonin, où on le trouve le 21 février et le 5 mars 4.

Ces succès déjà acquis ou prévus firent renaître un peu d'espoir. Les consuls d'Agen prennent, à leur manière, une certaine offensive en interdisant à tout marchand de blé des villes ou localités anglaises de venir à Agen écouler sa marchandise. De plus, ils ordonnent que l'exportation des blés de la ville ne pourra se faire que dans les lieux soumis au roi de France et par ceuxlà uniquement qui seront munis de lettres de créance signées par les consuls du lieu où ils résident 5. Les consuls de Montauban se rendent eux-mêmes au siège de Saint-Antonin 6. En même temps, les États du Languedoc, convoqués à Najac, non loin de Saint-Antonin, par Jean ler, et où parurent seulement les députés

1 Arch. nat, série JJ, vol. 89, no 78; Histoire générale de Languedoc, t. IX, p. 641, note de M. A. Molinier. Disons ici, une fois pour toutes, que la plupart des références ayant trait à l'Histoire générale de Languedoc sont empruntées aux notes si érudites et si substantielles de M. Molinier.

2 Jurades d'Agen, p. 304.

3 Ibid, p. 305.

▲ Hist. gen. de Languedoc, t. IX, p. 641.

5 Jurades d'Agen, p. 319.

6 Sceaux gascons. Auch, 1889, p. 567.

de la vaste sénéchaussée de Beaucaire, votaient un subside de 24,000 deniers d'or à l'écu payables durant l'année. Par un exemple assez rare d'enthousiasme, ils demandèrent même à s'acquitter des restes de subsides précédents dont ils étaient encore redevables et à s'imposer de nouveau dans ce but ; ce que Jean Ier s'empressa de leur accorder (15-22 mars 1353) 1. De son côté, la sénéchaussée de Carcassonne octroyait au comte d'Armagnac une taille de 72,000 livres, payable en trois termes, pour la continuation de la lutte 2: Une ordonnance générale était aussi publiée portant que tout homme s'équiperait en armes de guerre, et il n'y eut pas jusqu'au moindre bouvier qui ne se pourvût de lances et de pavois 3.

Mais alors survint la nouvelle que les deux rois avaient, le 1er mars, signé une trêve qui devait se prolonger jusqu'au 1er août. Le pape s'était rendu au vœu général et avait envoyé près des cours ennemies un légat, le cardinal de Boulogne, dont les ouvertures de paix, d'abord assez mal reçues, avaient cependant fini par être accueillies.

Aussitôt le comte d'Armagnac, fidèle observateur de la foi jurée, leva le siège de Saint-Antonin, et se retira avec son armée à Montauban, où il se trouvait le 10 avril 4. On le voit aussi à Toulouse le 8 mai 5. Cependant, vers les premiers jours de juin, une certaine agitation se manifeste. Rabastens, sénéchal d'Agenais, entre en campagne, et Agen lui fournit près de deux cents hommes pour aller faire le dégât» sur les terres des ennemis (3 juin) 6. Le 8, Clairac, près Marmande, assiégé par Jean d'Armagnac, comte de Charolais et fils aîné de Jean Ier, capitule et ouvre ses portes. En revanche, des forces anglaises assez considérables s'emparent du château de Lusignan, près Agen, et menacent la ville elle-même 7. En juillet, l'action s'accuse un peu plus. Jean I, qui était à Montauban le 29 juin 8, reparait sous les murs de Saint-Antonin et assiège de nouveau la place 9.

1 Hist. gen. de Languedoc, t. IX, p. 642.

2 Id, ibid.

3 Les Livres de comptes des frères Bonis. Paris-Auch, 1890, p. 360. 4 Ibid., p. 354.

5 Hist. gén de Languedoc, t. IX, p. 643.

6 Jurades d'Agen, p. 322.

7 Ibid., p. 325.

s Id,

ibid.

9 Hist. gén. de Languedoc, t. IX, p. 643.

T. LIX. 1er JANVIER 1896.

4

Le 3 juillet, quelques-uns de ses capitaines entouraient aussi Fenayrols 1. De son côté, l'ennemi occupait Beauville et plusieurs autres lieux du voisinage 2.

Sur ces entrefaites, la trêve entre les deux couronnes, si compromise de part et d'autre, fut confirmée le 10 juillet et prolongée jusqu'à la Saint-Martin (11 novembre). C'est sans doute pour ce motif que Jean Ier interrompit une seconde fois son expédition; on le rencontre en effet dans ses États à Auvillars le 15 août 3, et, un peu auparavant, le 5 août, à Toulouse 4. Néanmoins, pour plus de sûreté encore, Agen lui demanda l'autorisation de conclure un pati ou trêve particulière avec les chefs anglais de son voisinage, qui commettaient beaucoup d'exactions dans le pays. Pour toute réponse, Jean Ier détacha aussitôt de son armée une compagnie de 300 hommes sous les ordres d'un de ses plus fidèles chevaliers, Arnaud-Guillem de Montlezun, avec mission de tenir garnison à Agen et de protéger contre toute violence les gens qui sortaient de la ville afin d'aller récolter leur vendange (vers le 5 septembre 1353) 5.

Mais, ces incursions dévastatrices se multipliant, il courut de nouveau aux armes. Dès le 8 septembre, il avait repris les champs. Le 17, sur sa demande, Agen lui envoya 200 pionniers, pour faire le dégât 6. » Le 2 octobre, il est aux environs de Marmande, le 3 et le 9 à Tournon 7.

A leur tour, les Anglais se mettent aussi en marche. Le 27 octobre, ils tiennent tous les environs d'Agen, et pas un homme ne sort de la ville pour labourer et ensemencer les terres qu'il ne soit pris par eux 8. Informé de cet état de choses, Jean Ier, qui avait appelé à lui le sire de Montlezun et ses gens d'armes, les renvoie hâtivement à Agen; ils y étaient en garnison le 7 novembre 9. Repoussé de ce côté, l'ennemi réunit des forces plus considérables (22 novembre) 10, s'empare de Sainte-Livrade,

[blocks in formation]

sur le Lot et de plusieurs autres lieux, et y est fortement posté vers le 31 décembre 1.

Le comte d'Armagnac, un moment débordé et manquant d'argent pour payer ses compagnies, s'occupa en ce moment de regarnir un peu ses coffres vides. Plusieurs villes, notamment Montpellier, lui octroyèrent des fonds pour activer la guerre. Quittant alors le Bas-Languedoc, où il était le 7 janvier 1354, il s'avança vers la plaine du Lot et reprit Monsempron, que les habitants avaient livré à l'Anglais 2. Mais une trève, publiée à Agen le 22 février 3 et confirmée le 6 avril, vint arrêter le cours des hostilités. Jean I consacra ce temps de répit à visiter le Rouergue, le Quercy et l'Armagnac.

Malheureusement, la lutte ne tarda pas à recommencer. Devant le péril menaçant, le comte d'Armagnac avait regagné Toulouse et s'y trouvait le 1er mai 4. Les Anglais aussi chevauchaient de nouveau autour d'Agen 5. Entrant alors vivement en campagne, Jean Ier passe à Moissac le 3 mai, se jette dans les coteaux montueux de la droite du Tarn, vers Brassac et Campagnac, et parait soudain devant Beauville, défendu par Arnaud et Pons de Beauville. Le 13 mai, ceux-ci capitulent et leur défaite amène la soumission d'une foule d'autres localités environnantes 6.

L'ennemi, refoulé presque partout et chassé du Port-SainteMarie, recule jusqu'à la Réole. Seules, quelques villes, comme Aiguillon et Prayssas, tiennent encore et donnent par leur résistance (fin mai) le temps aux Anglais de se ressaisir et de reformer leurs troupes à la Réole 7. Ils reprennent, en effet, leurs courses vers l'Agenais, du côté de Castelmoron, et essaient mème de faire lever le siège d'Aiguillon 8. Mais ce fut vainement. Aidé par des troupes fraîches, que diverses villes lui envoyèrent avec hàte, Jean ler repoussa vaillamment l'effort de l'ennemi, et avant le 10 juin, Aiguillon et Prayssas tombaient

1 Jurades d'Agen, p. 334.

Hist. gén. de Languedoc, t. IX, p. 646.

3 Jurades d'Agen, p. 336.

Ibid., p. 348.

5 Ibid., p. 343.

6 Ibid., p. 351; Hist. gen. de Languedoc, t. IX, p. 646.

Hist. gén. de Languedoc, t. IX, p. 643; Sceaux gascons. p. 145; Jurades d'Agen, p. 352-354.

8 Jurades d'Agen, p. 352-356.

« PrethodnaNastavi »