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sous ses coups 1. Le 14, il assiégeait Madaillan, près Agen, et les consuls d'Agen faisaient publier dans leur ville que tous boulangers, cabaretiers, bouchers et autres marchands eussent à porter le lendemain diverses fournitures au camp devant Madailhan 2. Le 28, il était à Agen 3. Presque en même temps, Tournon et ses alentours rentraient dans l'obéissance royale 4. Devant ces succès répétés du comte d'Armagnac, les Anglais durent battre en retraite vers la Réole et Bordeaux. Vers la fin de 1354, ils n'avaient pied presque nulle part en Quercy ni en Agenais, et la victoire de Jean 1er était à peu près complète. Le pays délivré commença à respirer un peu. Le commerce refleurit. Et Jean ler, dont la bourse avait subi de rudes assauts pendant cette longue suite de combats, ne crut pas indigne de lui de s'associer avec un négociant de ses États héréditaires pour réparer les brèches de sa fortune. On voit en effet, dans un acte de 1354, Pierre de Gière, sénéchal d'Armagnac et de Lomagne, bailler, pour et au nom de Mons" le conte d'Armignac, en compaignie et pour faire marchandises, à Ramond du Pouy, marchand, habitant d'Auch, mil cinq cents escus d'or pour marchander toutes marchandises; et est accordé entre eux que ledit conte retirera, en la fin de lad. compaignie, le principal de lad. somme; et le gaing qui en sortira, led. seigneur conte en aura les deux parts, et led. du Pouy en aura la tierce 5. » Le roi vint aussi à son secours en lui donnant le comté de Gaure, qui comprenait plusieurs riches et fertiles paroisses de la plaine du Gers, entre Auch et Lectoure 6.

Au milieu de ce souci de ses intérêts particuliers, Jean ler ne perdait pas de vue la cause nationale. Le 1er octobre 1354, le roi étant à Reims, confirma un traité que Jean Ier avait signé avec un gentilhomme de la sénéchaussée des Lannes, Arnaud-Raymond d'Apremont, seigneur de Roquorne et de Corselles, pour le ramener, lui et ses vassaux, aux couleurs françaises 7.

Hist. gen. de Languedoc, t. IX, p. 646.

2 Jurades d'Agen, p. 356.

3 Sceaux gascons, p. 107.

4 Inventaire de Vic-Fezensac, no 138.

5 Inventaire de Vic-Fezensac, n° 137.

6 Collection du président Doat, t. CXCI, p. 239, à la Bibliothèque nationale. 7 Arch. nat., K 47, n° 30.

II.

DE L'INVASION DE 1355 AU TRAITÉ DE BRÉTIGNY

(Octobre 1355 — 8 mai 1360)

L'ère de tranquillité, qui régnait alors dans le Midi, devait être courte. Nous touchons à la terrible année 1355. Prévoyant l'orage, Jean Ier avait, de toutes parts, pressé les consuls des villes pour leur faire remettre en état leurs remparts plus ou moins ébranlés, et, en bien des cas, il leur alloua diverses sommes d'argent dans ce but. Montauban, Agen, Albi, Condom, Toulouse, Narbonne, voyaient ainsi leurs fortifications à peu près remises sur pied vers la fin de 1354 1. Les villes de moindre importance n'échappèrent pas non plus à la vigilance de Jean It". Montcuq, Puymirol, le Mas-d'Agenais, Monclar-d'Agenais, Cordes en Albigeois, et combien d'autres encore, reçoivent de lui divers crédits applicables à la restauration de leur enceinte 2. A ces remparts, il fallait des soldats valeureux. Jean Ier multiplia les capitaines et les garnisons. De 1350 à 1355, on trouve des capitaines établis à Agen, Montauban, Moissac, Castel-Sarrasin, Lauzerte, Fumel, Montcuq, Sauveterre, Belvès, Tonneins, Marmande, Tournon, Villefranche-de-Périgord, Puycelsy, Garaudières, Cordes, en delà la Garonne; et en deca, à Condom, Lavardac, Nérac, Lectoure, Fleurance, Gimont, Vic-Fezensac, Verdun, Francescas, Valence, Astaffort, Layrac, Nogaro, Montréal, Monheurt, et jusque dans de petits bourgs fortifiés tels que Lialores, Gensac, Saint-Avit, le Sempuy, Saint-Clar, Manciet, Castelnau-d'Auzan, Balarin, Gondrin, Lavardens, Merens, Campagne, Lias, le Castera-Verduzan, Riscle, Barcelonne, Sarron, Castelnau-Rivière-Basse, etc., etc. 3. Il plaçait aussi, à la tête des sénéchaussées, des personnages d'un mérite éprouvé : Pierre de Rabastens à Agen, Thibaut de Barbazan à Carcassonne, Pierre de Caseton à Beaucaire, Géraud de Jaulin à Cahors. Cela

1 Livres des frères Bonis, p. 457, et Sceaux gascons, p. 567; Jurades d'Agen, passim; Hist. gén. de Languedoc, t. IX, p. 599, 601, 615; Sceaux gascons, p. 552.

2 Sceaux gascons, p. 568, 575, 563, 566; Hist. gén. de Languedoc, t. IX, p. 655.

3 Sceaux gascons, passim, surtout au t. II.

fait, il décrétait, pour Toulouse et les environs, une organisation générale sur le pied de guerre, recommandait aux gens des campagnes de mettre à l'abri dans les places fortes, à la première alarme, leurs biens les plus précieux, sollicitait et obtenait, notamment dans les sénéchaussées de Carcassonne et de Beaucaire, de nouveaux et importants subsides. Puis, il visitait les pays frontières, surtout l'Agenais, le plus exposé aux irruptions ennemies; il était à Agen le 7 juillet 1. II pouvait donc avec quelque confiance attendre la tempête qui s'annonçait, ayant tout fait pour détourner ou du moins bien amortir ses coups. L'événement en décida autrement.

Dans le camp adverse, les préparatifs, commencés ouvertement dès le mois d'avril, s'avançaient avec activité, et le 20 septembre, le Prince Noir, appelé par les barons de la Gascogne anglaise, débarquait à Bordeaux 2. Alors tous ces chevaliers gascons, que la vaillance du comte d'Armagnac avait, l'année précédente, expulsés de leurs conquêtes et renvoyés à leurs landes, las de ronger leur frein et avides de pilleries nouvelles, circonvinrent le jeune prince, dont l'ardeur ne demandait du reste qu'à marcher, et, stimulé par eux, celui-ci décida de quitter Bordeaux et d'aller ravager le vaste et plantureux pays soumis au gouvernement du comte d'Armagnac. Les barons anglais, venus avec lui, adoptèrent avec enthousiasme le projet de campagne. Édouard recruta aussi quelques bandes béarnaises; ce qui montre bien que le vicomte de Béarn, GastonPhébus, vit sans déplaisir et seconda peut-être secrètement le Prince Noir en vue de cette expédition dirigée contre le comte d'Armagnac, son grand ennemi 3.

Quand tout fut mis au point, l'armée anglo-gasconne sortit de Bordeaux le 6 octobre et remonta le cours de la Garonne jusqu'au Port-Sainte-Marie. Or la rivière estoit durement

1 Hist. gen. de Languedoc, t. IX, p. 650.

2 Froissart, éd. Luce, t. IV. Par Gascogne anglaise, il faut entendre l'antique duché de Gascogne, dont héritèrent vers 1060 les comtes de Poitiers et que leur descendante, Eléonore d'Aquitaine, porta à l'Angleterre cent ans après. Elle comprenait l'immense sénéchaussée des Lannes, équivalente à peu près au département des Landes et aux arrondissements de Bayonne et d'Orthez; 2° la sénéchaussée de Bordeaux à gauche de la Garonne; 3° la sénéchaussée de Bazas.

Froissart, t. VI, 1. 1, § 356.

basse et li saison belle et sèche; si faisoit bon hostoier 1. » Là, au lieu de continuer à suivre la Garonne vers Agen et Toulouse, suivant le plan primitif, l'ennemi franchit le fleuve, nous dirons tout à l'heure pourquoi, et se dirigea vers le pays de Juliac, qui relevait du comte d'Armagnac, par la vallée de la Baïse et la lisière des forêts de pins vers Sos et Gabarret 2. Le 11 octobre, il était en plein Juliac, à Arouille (Landes), dont il ne fit qu'un monceau de cendres.

Ici, il divisa ses forces en trois corps, destinés à agir parallèlement, sans doute pour que chacun d'eux pût dévaster plus à son aise les pays situés sur son passage. En sept ou huit jours, tous les trois couvrirent l'Armagnac de ruines sans nombre. Seule, la petite ville de Nogaro (Gers) résista pendant trois jours aux assauts répétés des Anglais et échappa ainsi au sort commun 3.

1 Froissart, t. VI, 1. I, § 356. Dans le Prince Noir en Aquitaine (Paris, Picard, 1894, in-8, p. 33), le P. Moisant décrit la marche de l'ennemi à travers le pays de Juliac, par Villeneuve-d'Ornon, Langon, Castets en Dorthe, Bazas et Castelnau. » C'est une erreur. Le pays de Juliac était situé sur la limite actuelle des Landes et du Gers, entre Saint-Justin-de-Marsan et Gabarret (Landes), c'està-dire fort loin des villes désignées par le P. Moisant.

2 On pourra aussi étudier la marche de l'invasion anglaises dans Églises et paroisses d'Armagnac d'après une enquête de 1546 (Auch, 1892, in-8 de 164 p.), par M. l'abbé A. Breuils. Mais, à ce point de vue, le document le plus important et dont l'existence n'a pas été encore, croyons-nous, bien signalée, est un rôle des villes, lieux et châteaux ravagés par le Prince Noir en 1355. Cette liste contient cinq cents noms environ. Elle est conservée à la Tour de Londres, parmi les Rôles gascons, et nous en devons nous-même la connaissance à l'un de nos plus jeunes et plus actifs érudits méridionaux, M. Maurice Romieu, qui vient de publier une belle Histoire de la vicomté de Juliac (Romorantin, 1894), 473 p.

3 Le Prince Noir en Aquitaine, p. 34. Le capitaine de Nogaro était probablement viguier de Galard (Documents sur la maison de Galard, t. II, p. 15). Nous citerons ici maintenant un extrait des Rôles de la Tour de Londres en ce qui concerne l'invasion du Prince Noir en Armagnac. Les noms de lieux y sont assez défigurés; nous tâcherons de les rétablir dans leur vraie forme par des indications entre parenthèses. « Gabarret (chef-lieu de canton, Landes); Goailhard (pour Graulas ou mieux Graulous, ancien village près Gabarret); Herré, l'église (près Gabarret); Saint-Barthélemy, l'église (pour Saint-Remy, petite église alors située près Sainte-Meilhe, non loin de Gabarret); Arrolha, le château (Arouille, près Saint-Justin-de-Marsan); Beroy-de-Juliac (château sis en Betbezé près la Bastide-d'Armagnac et dont mouvait la vicomté et pays de Juliać); Geu (près la Bastide-d'Armagnac); Perquie (près Roquefort, Landes); Saint-Ag, le fort (pour Sainte-Aigne, ancienne paroisse dans la Bastide-d'Armagnac); Gontalet de Sent-Justy (Gontaud, ancienne paroisse près Saint-Justinde-Marsan); Bielle (Vielle-Soubiran, près Saint-Justin); Panjas (près Nogaro, Gers); Escut (pour Estang, petite ville à côté de Panjas); Beysiet (pour Beyries, dans Castets près Estang); Malvezin (Mauvezin près la Bastide-d'Armagnac); Samiac (pour le Saumon, près Mauvezin); Mauo (Mau, près le Houga en

Plaisance disparut dans les flammes 1. De là, l'ouragan de fer et de feu, ayant épargné Bassones, à cause de l'archevêque d'Auch, Guillaume de Flavacourt, qui en était le seigneur, s'abattit sur Montesquiou, Mirande et l'abbaye voisine de Berdoues (21 octobre) 2. Traversant ensuite le comté d'Astarac par Seissan et Simorre (Gers), il atteignit le Comminges à Samatan (Gers), qu'il incendia complètement 3. Sainte-Foy-de-Peyrolières et Saint-Lys, sur la route de Toulouse, eurent la même destinée. Bientôt, après avoir passé la Garonne à Portet, près du confluent de l'Ariège, les envahisseurs parurent à la Croix-Falgarde, sous les murs de Toulouse, et, sans s'y arrêter beaucoup, poursuivirent leur course dévastatrice vers Villefranche, Castelnaudary et Carcassonne, dont les faubourgs furent pris et brûlés le 3 novembre; les faubourgs de Narbonne succombèrent également peu après.

Pendant ce temps-là, que faisait le comte d'Armagnac ? Voyant bien que l'objectif d'Édouard était Toulouse et le Languedoc, Jean Ier s'était porté, pour l'arrêter, à Agen, où il était le 6 octobre, le jour même de l'entrée des Anglais en campagne. Mais le Prince Noir, craignant une rencontre avec l'armée des Armagnacs, changea ses plans et prit sa route vers Toulouse par les pays situés à gauche de la Garonne. Jean ler avait alors le choix. Poursuivrait-il le prince ravageant ses propres États, ou, sacrifiant ceux-ci, courrait-il au plus pressé en allant l'attendre à Toulouse et préserver ainsi le Languedoc? Le dernier parti était certainement le plus utile à l'intérêt général. C'est celui que Jean le adopta, non probablement sans le vif regret d'abandonner aux fureurs anglaises son pays lui-même. Toutefois,

Armagnac); Pouy (nom de lieu très répandu et difficile à identifier au juste); Bedeyssan (Bréchan, près la Bastide-d'Armagnac); Bergunz (Bergonce, près Roquefort). Sur Nogaro, cf. le Prince Noir en Aquitaine, p. 34.

Monlezun, Hist de la Gascogne. Auch, 1847, t. III.

2 Notons une erreur géographique du P. Moisant, p. 34. Il place « les vallées de la Gimone, de la Baradée, de l'Osse et du Lys entre la vallée de l'Arros et celle de la Baïse.» En réalité, la Gimone coule à une assez grande distance de la région susdite. Quant à la Baradée et au Lys, ces rivières y sont complètement inconnues.

3 Ms. Oihenart, appartenant à M. l'abbé de Carsalade, chanoine d'Auch, membre de plusieurs sociétés savantes. Le P. Moisant, se référant à un récit contemporain de la campagne, édité dans Avesbury, dit que Samatan était une ville aussi considérable que Norwich. » Samatan est encore une ville de 2,000 habitants environ et ne fut jamais plus peuplée.

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