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COURRIER BELGE

SOURCES. Il y a deux ans, nous signalions l'édition de la Keure d'Hazebrouck au XIVe siècle, par M. Gailliard, des archives de Bruges. La publication du second volume 1 de cette étude nous procure l'occasion de revenir sur ce sujet intéressant. Le commentaire de ces textes législatifs n'est pas toujours aisé; rédigés en langue flamande, les articles sont chargés d'expressions spéciales, modifiées plus tard avec les institutions auxquelles elles répondaient, et dont parfois le souvenir même s'est perdu. Pour résoudre les difficultés, M. Gailliard s'est livré à un long travail de recherches. Puissamment aidé par sa connaissance des langues romane et germanique, il a groupé sous chaque expression les textes des coutumes les plus diverses, des passages entiers de chartes ou chroniques, en un mot tous les documents de nature à élucider les points difficiles, faisant ainsi la lumière sur plus d'un article obscur. L'énumération de tous ces textes est peutêtre un peu longue et l'on pourrait critiquer parfois la surabondance des preuves, mais l'inconvénient sera facilement évité par le lecteur pressé, et du groupement des textes divers ressort un enseignement plus général que l'explication de la coutume d'Hazebrouck, la possibilité de comparer entre eux le droit et les institutions de diverses régions à cette époque, de faire sur quelques points une étude comparée des législations coutumières du moyen âge. A ce point de vue, le groupement opéré par M. Gailliard n'est certes ni superflu ni sans intérêt. Dans le premier volume de son ouvrage, M. Gailliard avait expliqué les cinquante premiers articles; nous y avions rencontré les mesures relatives au commerce du vin, par exemple: l'obligation de faire ce commerce ouvertement, la défense d'apporter d'autres vins sur le marché quand la ville en avait mis en vente. Certaines dispositions réglaient la valeur du pain, le gain autorisé des boulangers. D'autres, en entourant de certaines restrictions le commerce des viandes, avaient en vue la santé publique, par exemple, l'obligation de faire examiner les bêtes avant de les tuer. Tout ce qui était relatif aux poids et mesures y était traité en détail. Enfin, de

1 GAILLIARD : De Keure von Hazebræck, van 1336, tweede deell. Gand, Siffer, in-8 de 448 p.

nombreux articles visaient la police intérieure de la ville, la police de la halle et des marchés. Quelques-uns laissaient entrevoir les mœurs des habitants. Ainsi, il était défendu au marchand d'augmenter les prix de ses légumes après les avoir mis en vente, de simuler l'achat de ses propres marchandises dans le but d'attirer les amateurs, défendu aussi de se porter à la rencontre des marchandises amenées au marché. Toutes ces dispositions n'étaient pas groupées en ordre logique, mais semées pêle-mêle. Ce caractère se retrouve dans les cinquante articles étudiés dans le tome II. A côté de dispositions complètement nouvelles, il en est qui sont en rapport direct avec celles déjà analysées. Il n'était pas permis aux habitants de se servir de poids à leur convenance, mais les restrictions apportées à la liberté étaient compensées par les conditions imposées aux mesureurs et peseurs publics et les garanties qui en résultaient. Le commerce des draps ne pouvait se faire en principe que par ceux qui tenaient étal; cependant il était autorisé en dehors de la halle à concurrence de dix aunes. Il était défendu de vendre du drap non paré et retrait. Le commerce du vin était interdit aux bouchers, ciriers, marchands d'huile. Pour acquérir le droit de bourgeoisie, il fallait, outre la résidence légale, la possession d'un certain revenu. Aucun bourgeois ne pouvait distraire un autre bourgeois de la juridiction de ses juges naturels, les échevins. Les coalitions commerciales étaient sévèrement interdites. Nous pourrions citer encore nombre de dispositions d'intérêt public, la défense pour les bouchers d'abattre des bêtes malades, les mesures de salubrité, tout ce qui avait pour but de sauvegarder la paix générale et la sécurité des citoyens. Les explications de M. Gailliard montrent combien est mauvaise la traduction française du texte, faite par Cleenemerk et reproduite par de Baecker 1. Cinquante articles restent à étudier, ce sera l'objet du prochain volume. Il sera accompagné d'un glossaire et de tables que nous souhaitons aussi complètes que possible.

- Nous avons signalé l'an dernier la décision de la Commission royale d'histoire relative à la publication des cartulaires. Un premier pas a été fait dans cette voie. La Commission a publié un inventaire de tous les cartulaires conservés dans les dépôts d'archives de Belgique. Ce travail important sera continué tant en Belgique qu'à l'étranger; il fera connaître des trésors à peine soupçonnés jusqu'ici et contribuera largement au progrès des études historiques.

M. Hermans, archiviste de la ville de Malines, a publié un

1 DE BAECKER: Les Flamands de France.

2 Inventaire des Cartulaires conservés dans les dépôts des archives de l'État en Belgique. Bruxelles, Hayez, in-8 de 123 p.

huitième volume de l'inventaire des documents confiés à ses soins 1. HISTOIRE NATIONALE. Le conseil privé dans les Pays-Bas est le plus important des conseils de gouvernement que nous ayons connus, un corps qui, pendant trois siècles, fut mêlé activement aux événements les plus graves et les plus variés. M. Alexandre, préfet de l'Athénée d'Ixelles, en a écrit l'histoire. L'Académie, en couronnant son mémoire, lui a accordé la juste récompense de ses nombreuses recherches. Le conseil privé ne fut définitivement organisé que par Charles-Quint; mais il avait été précédé d'institutions analogues d'une durée plus ou moins éphémère. Les premiers ducs de Bourgogne étaient assistés d'un conseil de gouvernement. Il siégeait irrégulièrement et, quelle que fût sa compétence, jugeait toutes les affaires apportées devant lui. Philippe le Bon créa, en 1446, un grand conseil dont les attributions politiques, judiciaires et financières portèrent atteinte à la compétence du premier conseil. En 1473, Charles le Téméraire transforma l'administration, en attribuant la politique au grand conseil, les finances à une chambre des comptes, la justice à un parlement sédentaire. Ces institutions ne lui survécurent pas, et Philippe le Beau se borna à partager le parlement en deux sections, l'une chargée des affaires d'État, l'autre du contentieux. Jusqu'ici, le conseil n'est pas formé ; il ne s'assemble pas régulièrement, n'a pas d'instruction spéciale pour la direction des affaires, pas de juridiction bien déterminée.

En 1517, au moment de partir pour l'Espagne, Charles-Quint institua un conseil privé, véritable conseil de régence et de gouvernement, chargé de toutes les affaires du pays. En face de ce conseil, la régente Marguerite d'Autriche avait une position tout à fait secondaire. En 1520, les rôles changent : désormais le conseil doit se réunir quand la régente le convoque, pour délibérer sur les affaires sortant du train ordinaire de justice; en outre il se réunit chaque jour pour expédier les affaires ordinaires. Enfin, en 1531, voyant qu'un seul conseil ne pouvait suffire, Charles-Quint institua trois conseils collatéraux, conseil d'État, conseil privé, conseil des finances. Il en fit les ressorts principaux du pouvoir, destinés à faire pénétrer sa pensée jusqu'aux extrémités du pays et à faire connaître les vœux de la nation. Le conseil privé de 1531, contrairement à celui de 1517, était simplement consultatif, sauf en certains cas spéciaux dont il pouvait disposer. Ses principales attributions étaient la direction et la sur

1 HERMANS: Inventaire des archives de la ville de Malines, t. VIII. Malines, de Nayer, in-8 de 401 p.

2 P. ALEXANDRE Histoire du conseil privé dans les anciens Pays-Bas. Bruxelles, Hayez, in-8 de 420 p. (Extrait du t. LII des Mémoires couronnés et autres mémoires publiés par l'Académie royale de Belgique.

veillance de la justice et de la police, la confection des lois, la promulgation des édits et statuts, l'interprétation des lois en vigueur. Dans l'œuvre d'unification des coutumes et de la législation entreprise par Charles-Quint, son rôle fut très considérable.

Les instructions du conseil privé ne furent pas modifiées avant 1632, mais des transformations de fait s'opérèrent bien avant cette date. Dès le début des troubles religieux du xvIe siècle, la noblesse de Belgique demanda la subordination du conseil privé au conseil d'État. Les grands seigneurs se rendaient ainsi maîtres du gouvernement central et indépendants dans leurs gouvernements provinciaux, puisqu'ils n'étaient plus contrôlés que par eux-mêmes. Le roi s'opposa toujours à leurs prétentions. Sous le duc d'Albe, le conseil privé, qui n'intervint pas dans la création du conseil des troubles, fut réduit à un rôle très effacé. Toutes les affaires importantes étaient soumises directement à l'examen et à la décision du duc. Cependant, c'est en grande partie aux travaux du conseil privé de cette époque que nous devons les ordonnances criminelles de 1570, un des monuments les plus remarquables de la jurisprudence du xvIe siècle.

Le conseil privé reprit son activité ordinaire en rentrant à Bruxelles en 1585. La situation du pays était déplorable, la population avait diminué, l'industrie drapière avait émigré et le commerce avait souffert tout autant, enfin l'administration était dans un complet désarroi. Le conseil, aidé, il est vrai, de membres d'autres corps, entreprit une œuvre de restauration. Ses mesures furent-elles toujours heureuses et efficaces? ce n'est pas ici le lieu de les discuter, il nous suffit de constater les efforts du conseil pour ramener l'ordre et la prospérité dans nos provinces. Ses préoccupations demeurèrent les mêmes sous le règne des archiducs. Tout ce qui tenait à l'ordre public et à la vie économique du peuple fut l'objet de ses soins attentifs. De sa volonté de réorganiser les tribunaux sortit le célèbre édit perpétuel de 1611. Sous le règne de Philippe IV et de Charles V, l'influence espagnole triomphante plaça le conseil privé dans une situation précaire, rendue plus inférieure encore à l'avènement de Philippe V. Dès lors, le conseil fut complètement annihilé jusqu'au jour où Louis XIV ordonna la suppression des trois conseils collatéraux, remplacés par un conseil unique, le conseil du roi. Ces événements se passèrent en 1702. Charles VI ne rétablit les anciens conseils collatéraux qu'en 1725. Le cadre de 1531 était conservé, mais la transformation intérieure était complète. La compétence en matière contentieuse était enlevée au conseil privé et transportée aux tribunaux ordinaires; au contraire, la consulte des provisions, les collations en matières ecclésiastique, politique et civile passaient du conseil d'État au conseil privé. Cette mesure faisait perdre au conseil

d'État toute activité et toute importance. Pendant les guerres des premières années de Marie-Thérèse, le conseil, limité à quelques membres, se transportait de ville en ville, selon les circonstances, et suivait les armées; il ne reprit sérieusement ses fonctions qu'en 1749. L'impératrice en donna la présidence à de Neny et trouva dans ce corps un instrument actif, docile, et toujours prêt à la seconder. Le conseil se prêta bénévolement à toutes les visées du gouvernement autrichien. Imbu lui-même des idées progressistes de l'époque, il manifesta son activité dans tous les domaines et principalement sur le terrain ecclésiastique, dans le but de faire prévaloir l'absolutisme du pouvoir civil. Les nombreux rapports et consultes sur ce sujet, dit M. Alexandre, constituent un cours complet d'histoire ecclésiastique au XVIIe siècle. Le conseil contribua aux mesures contre l'augmentation de la mainmorte, à celles qui poursuivirent le relèvement de l'industrie, il prit part à la réforme de l'enseignement supérieur et moyen. Enfin ses vues sur la réorganisation des tribunaux auraient amené de grands résultats si elles ne s'étaient heurtées à l'opposition farouche des différents corps de justice. On trouvera des détails sur ce sujet dans une excellente notice de M. le professeur Hubert, que nous signalions l'an dernier 1. Le conseil privé ne suivit pas Joseph II avec autant de confiance qu'il avait suivi sa mère. Siégeant à Bruxelles, son expérience de la nation lui faisait sentir les dangers de la voie suivie par son maître. A plusieurs reprises il tenta de lui inspirer et la prudence et la patience. La révolution brabançonne ne tarda pas à justifier ses appréhensions. Les trois conseils furent rétablis après la révolution, mais ils n'avaient plus que l'ombre de leur ancien pouvoir, et il est sans intérêt de les suivre jusqu'à la conquête française. Il n'était guère possible de faire l'histoire d'un corps mêlé directement aux affaires les plus délicates, dans les périodes les plus troublées de notre histoire, sans émettre parfois un jugement sur la politique des gouvernements et les mesures prises par eux pour la faire prévaloir. M. Alexandre l'a toujours fait avec une impartialité qui lui fait honneur. On peut ne pas partager toutes ses opinions, mais il faut reconnaître que l'auteur s'est toujours montré animé d'un réel esprit de mesure. De tous ses jugements sur la politique espagnole et la politique autrichienne, je ne crois pas qu'il y en ait qui soient inspirés par un parti pris quelconque.

Ce n'était pas assez de faire l'histoire externe du conseil, M. Alexandre en fait aussi l'histoire interne. Tout d'abord il fait connaître

1 E. HUBERT: Un Chapitre de l'histoire du droit criminel dans les Pays-Bas autrichiens au XVIII® siècle. Bruxelles, Hayez, in-8 de 102 p. (Extrait du Bull. comm. d'histoire, 5 série, t. V.)

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