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tisan de cette modération tant préconisée dans l'Henoticon de l'empereur Zénon. Ainsi, jamais il n'emploie les termes d'une ou de deux natures en Jésus-Christ. On s'explique par là qu'il ait tout d'abord été surtout en faveur chez les adeptes des erreurs d'Eutychès. Cependant on reconnut bientôt qu'il y avait moyen d'entendre dans un sens parfaitement orthodoxe tous les passages du Pseudo-Denis invoqués par la secte, et comme d'ailleurs ses opuscules étaient remplis des idées les plus propres à éclairer et à échauffer la foi et la piété, les catholiques ne se firent pas faute de le louer et de le citer, et n'éprouvèrent plus aucune répugnance à voir dans l'auteur l'illustre Athénien converti par saint Paul. Tout cela est nettement établi par le P. Stiglmayr dans le troisième paragraphe de son étude. Il y a rassemblé des textes de vingt-deux écrivains ecclésiastiques du vi et du VII° siècle, depuis le diacre d'Alexandrie Timothée, qui fleurissait vers 537, jusqu'à Anastase le Sinaïte, mort après l'an 700, auxquels il faut ajouter une quinzaine d'apocryphes, dont il est plus difficile de déterminer l'époque précise, mais qui semblent bien tous antérieurs au vin siècle. Ces trente-cinq écrivains sont tous des Orientaux, à l'exception de trois : Libérat de Carthage, saint Grégoire le Grand et l'auteur inconnu d'un sermon publié sous le nom de saint Léon le Grand.

Toute contestation au sujet de l'authenticité des traités attribués à l'Areopagite cessa après le concile de Latran de 649, où le pape saint Martin er invoqua à plusieurs reprises leur témoignage, et montra qu'un passage, où le monophysitisme était formellement enseigné, avait été altéré sciemment par le patriarche mono

siè

thélite d'Alexandrie, Cyrus, dans l'intérêt de l'hérésie. Au vin et au cle, des exemplaires furent envoyés comme des dons précieux au roi Pépin le Bref, à l'abbé de Saint-Denis, Fulrad, et à l'empereur Louis le Pieux. respectivement, par le pape Paul I", par le pape Hadrien I" et par l'empereur byzantin Michel II On sait l'autorité dont jouirent ces traités parmi les théologiens du moyen âge. “Saint Thomas d'Aquin, en particulier, y a largement puisé. Il faut descendre jusque vers le milieu du xv siècle pour voir apparaitre un doute sur la personnalité de l'auteur.

Le P. Stiglmayr ne dit qu'un mot en passant (Das Aufkommen, etc., p 63) touchant la patrie du pseudoDenis. Un ensemble d'indices porte à croire qu'il faut la chercher en Syrie plutôt qu'en Égypte.

Nous pouvons recommander sans réserve le double travail que nous venons d'analyser. L'auteur y fait preuve d'une érudition aussi sûre qu'étendue. Il connait et a consciencieusement étudié les sources, et aussi tous les travaux modernes de quelque valeur sur la matière. On sera frappé aussi de la parfaite loyauté et de la sage rigueur de sa critique, de son attention scrupuleuse à ne jamais exagérer la valeur de ses arguments et à écarter toute hypothèse trop hasardée; enfin, de l'admirable clarté de l'exposition et du style, qui fait lire cette très savante étude d'un bout à l'autre, sans fatigue et même avec un véritable plaisir. Peu de lecteurs, croyons-nous, à moins de parti pris ou de préjugé aveugle, se refuseront à admettre ses conclusions.

Il ne nous reste qu'un veu à formuler. Le second, et le plus intéressant des deux mémoires du P. Stiglmayr a paru dans une brochure d'une

publicité fort restreinte. Nous espérons que l'auteur, après avoir complété son travail, comme nous supposons qu'il a l'intention de le faire, par un troisième article relatif à l'histoire des controverses sur les écrits du pseudo-Areopagite, réunira le tout en un volume plus accessible au grand public savant.

CH. DE SMEDT, S. J.

Saint Austinde, archevêque d'Auch (1000-1068), et la Gascogne au XIa slècle, par l'abbé A. BREUILS. Auch, imprimerie Léonce Cocharaux. Paris, Alph. Picard et fils, 1895, gr. in-8 de vi-359 p. M. Léonce Couture, le savant et éloquent doyen de la Faculté libre des lettres de Toulouse, a déjà dit tout le mérite du travail de M. l'abbé Breuils dans une Lettre à l'auteur, qu'on trouvera en tête du volume, et à laquelle je n'emprunterai que ce passage si expressif: « L'inédit, si justement prisé des chercheurs, recommande particulièrement votre livre ; j'en connais peu qui réunissent tant de mentions de vieux papiers de villes, de couvents et de notaires. Vous avez pris possession, avec une évidente maitrise, d'un magnifique et difficile sujet. Vous avez élevé un monument sans précédent à l'hagiographie gasconne. C'est en effet, à mains pleines, on peut l'assurer, que nous cueillons ici des renseignements nouveaux et des vues nouvelles. Les cartulaires de la région gasconne, que M. l'abbé Breuils a étudiés à fond, et dont les plus anciens, tels que ceux d'Auch et de Saint-Mont (Gers), sont encore inédits, lui ont fourni pour son œuvre les matériaux les plus abondants et les plus précieux. Aussi, l'édifice construit grâce à eux est-il neuf dans presque toutes ses parties.

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Chargé d'y introduire le lecteur, je ne regrette qu'une chose : c'est d'être obligé d'y passer trop rapidement, et de décrire en des pages trop sommaires les pièces diverses et leurs nombreuses richesses.

Outre la lettre-préface de M. L. Couture, qui est, comme on pouvait s'y attendre, une merveille de sens et de goût, Saint Austinde comprend onze chapitres. Les deux premiers sont consacrés aux origines (Avant l'Épiscopat.-L'Episcopat), et dissipent plus d'un nuage resté jusqu'à présent fort épais. Dans les trois suivants, où se justifie surtout le sous-titre de l'ouvrage, sont étudiés l'Église, la féodalité et le peuple en Gascogne (le chapitre sur l'Église, publié ici même en janvier 1894, et fort apprécié, a été un peu modifié et développé). Les trols chapitres apportent, sur plusieurs points, d'importantes révélations, et seront lus avec le plus vif intérêt. Quelques conclusions seront probablement contestées, surtout à cause de leur nouveauté même. Néanmoins, à la manière dont elles sont étayées et appuyées, on peut croire que l'attaque, si elle se produit, trouvera devant elle de bonnes armes, capables de fournir une solide et brillante défense. On reprochera peut-être aussi à ces pages de n'avoir pas indiqué toujours un nombre suffisant de faits pour asseoir un jugement définitif. Mais nous ne serions pas autrement étonné que M. l'abbé Breuils, qui connaît admirablement tout ce que le x siècle nous a laissé de chartes, en eût encore d'autres à tirer de ses cartons confirmant les données établies par lui. Ces trois chapitres, si richement remplis, ne pouvaient guère, d'ailleurs, semble-t-il, se prêter à de plus amples développements sur les divers ordres d'idées exami

nés sans dépasser la mesure, peutêtre même sans nuire à l'intérêt de l'exposition. L'auteur a évidemment choisi dans le nombre, et nous n'avons encore que le dessus du panier. En verrons-nous quelque jour le fond? Si la discussion prévue pouvait conduire à ce résultat, il n'y aurait qu'à s'en féliciter.

Dans les cinq autres chapitres est retracée la vie de saint Austinde depuis son sacre jusqu'à ses derniers moments. Nous y suivons avec une pieuse sympathie ses généreux efforts pour relever la discipline ecclésiastique et faire refleurir l'état monastique. On lira, non sans beaucoup de fruit, tout ce qui est dit de la réorganisation des diocèses, des progrès de la réforme cluniste, de l'administration épiscopale, des attributions des chapitres cathédraux ou collégiaux, de l'assistance publique, des écoles, des conciles, de l'inféodation des biens d'église, de la lutte qu'elle amena entre le sacerdoce et l'Empire en Gascogne, etc. Mais notre saint qui, en sa qualité d'enfant de Bordeaux, était bon Gascon, ne laissait pas, tout en songeant beaucoup au ciel, à se préoccuper fort habilement de la terre. A ce point de vue, un des chapitres les plus neufs et les plus curieux du volume est celui où est racontée la fondation de la petite ville de Nogaro par saint Austinde en 1060, les difficultés de toute sorte qu'elle souleva, et qui furent vaincues, à force de zèle et de finesse, par un prélat qui fut, en cette occasion, le plus ferme et le plus souple des diplomates. Nous avons vu que l'inédit abonde dans le volume il abonde surtout dans le chapitre sur Nogaro. Beaucoup n'apprendront pas sans surprise que le mouvement de construction de bastides et villes

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neuves du moyen âge, restreint d'ordinaire par les historiens aux x et XIV siècles, leur est en réalité bien antérieur. M. l'abbé Breuils en marque, sans contestation possible, le commencement dès l'an 1003, et en montre les progrès fort sensibles vers les premières années du XII° siècle. Le nom lui-même de bastide était usité aux siècle. Ainsi ce chapitre, qui tout d'abord ne paraissait pas devoir sortir des étroites limites d'un intérêt exclusivement local, ouvre une large et claire fenêtre sur une des questions les plus discutées de l'histoire du moyen âge.

On remarquera également l'étude par laquelle se termine le chapitre VII. Là est mise en lumière une des phases les moins connues, on pourrait même dire l'origine véritable des haines de la France et de l'Angleterre, par l'examen de l'établissement de la maison d'Aquitaine-Poitiers dans la Gascogne conquise en 1059 ou 1060.

Les folkloristes trouveront aussi à faire leur gerbe dans ce champ si vaste et si fécond. Quelques-unes des superstitions gasconnes du moyen âge y sont signalées d'après un texte synodal de cette époque. Enfin, au dernier chapitre, on trouve un historique des reliques et du culte de saint Austinde jusqu'au temps présent. En ce morceau, non moins nouveau que le reste de l'ouvrage, est mentionnée et relevée une erreur du Gallia christiana.

Si maintenant j'ajoute qu'à tous ces mérites du fond vient se joindre, comme l'a remarqué un maître critique, notre cher collaborateur M le chanoine E. Allain (Revue catholique de Bordeaux du 10 décembre 1895), « le charme savoureux de la forme, » que l'impression et le papier flattent et ravissent l'œil le plus difficile, que dix

belles planches photographiques hors texte augmentent encore l'heureux effet de l'ensemble, j'aurai, je l'espère, démontré que Saint Austinde est à tous égards digne d'occuper une bonne place dans la bibliothèque des hommes d'érudition et de goût.

T. DE L.

Anthoine du Roure et la ré. volte de 1670, par Raoul DE VISSAC. Paris, E. Lechevalier, 1895, in-8 de vi-85 p.

La petite brochure, si joliment imprimée, que M. R. de Vissac a consacrée à un épisode de la chronique Vivaroise est faite sur des papiers de famille, à l'aide desquels l'auteur a éclairci un point assez obscur de l'histoire du XVII siècle. Des paysans se révoltant en plein règne de Louis XIV, parce qu'ils sont écrasés d'impôts, et ayant à leur tête un seigneur du pays, ce n'est pas chose

commune.

Ce gentilhomme de la Chapelle-sousAubenas, parent des Vogüé, allié à toutes les vieilles familles du pays, ayant épousé Ysabeau Gout de Vissac, Antoine du Roure, seigneur de la Rande était, dit l'auteur, en avance sur les idées de son temps, rêvant une société plus équilibrée, une justice mieux distribuée. » Dans cet état d'esprit, il se laissa prendre pour chef par une bande de laboureurs à peine armés, d'artisans, de pâtres, qui prétendaient s'emparer de la petite ville d'Aubenas. Surpris par une insurrection si peu prévue, les autorités royales ne purent arrêter d'abord les faciles progrès de l'émeute; ils parlementèrent au lieu de résister, se réservant plus tard la justice ou la vengeance. Un mois après, le malheureux chef est écrasé par des forces vingt fois supérieures; caché quelque

temps, il est découvert par les soldats royaux, enfermé à l'hôtel de ville de Montpellier par ordre du marquis de Castries, lieutenant général du Languedoc, et sans retard condamné à mort et exécuté le 29 octobre 1670, sur le parvis Saint-Pierre. Trente paysans étaient condamnés à la potence, trente complices à la potence, et six cents autres envoyés aux galères; et l'histoire, qui ne s'occupe pas des détails, passait à peu près sous silence cette révolte populaire, dont le chef n'était pas même exactement connu.

M. Raoul de Vissac a comblé cette lacune par un travail consciencieux et intéressant.

G. BAGUENAULT DE PUCHESSE.

L'Idée de l'État. Essai critique sur l'histoire des théories sociales et politiques en France depuis la Révolution, par M. Henry MICHEL. Paris, Hachette, 1896, gr. in-8 de 659p. Ce livre est l'oeuvre d'un philosophe; il traite des doctrines politiques et sociales de notre siècle; je ne suis ni philosophe, ni économiste, ni politique; cette revue est une revue d'his toire, et cependant je croirais manquer à nos lecteurs autant qu'à l'auteur en ne signalant pas ici un travail d'une telle importance. Aussi bien touche-t-il à l'histoire par maints côtés et je puis n'en parler qu'à titre d'historien. L'histoire des idées n'estelle pas la branche principale de la science historique, et dans l'histoire des idées, celle qui se consacre aux théories politiques et sociales, n'estelle pas susceptible de donner la loi même des faits, leur enchainement philosophique? S'il est une vérité admirablement mise en lumière par M. Michel, c'est assurément celle-ci : qu'il y a un lien nécessaire entre les solutions politiques et sociales adoptées

par un peuple c'est-à-dire entre l'histoire de ce peuple et ses conceptions philosophiques. En réalité, il n'y a point de système social qui ne tienne à un système métaphysique. L'histoire, d'autre part, réagit sur la formation des idées et des doctrines; ces deux conceptions des droits de l'État et de l'individu, fondées elles-mêmes sur deux conceptions de la liberté, dont M. Michel suit le long duel à travers les âges, ne s'incarnent-elles pas dans deux systèmes historiques le système antique et païen, le système germanique et chrétien? Qu'est-ce que l'État dans les sociétés germano-chrétiennes du moyen âge, sinon le protecteur de tous les droits de l'individu ? Chaque individu a son droit, chaque groupe d'individus a le sien; l'État n'a pas de droit primordial, il n'est que le gardien des droits de tous. L'individualisme repose sur le droit de la conscience et le caractère sacré de la personne humaine. Kant donnera l'expression philosophique de ce qui était depuis des siècles l'idée germanique de l'État et de la liberté.

M. Henry Michel n'est pas atteint de ce qu'il appelle à bon droit la superstition historique; il ne croit pas qu'il soit interdit à une nation de se proposer une sorte d'idéal moral, idéal de justice, qu'elle cherche à réaliser dans ses institutions. Si la Révolution est à blâmer, c'est pour avoir poursuivi un idéal faux, mais non pour avoir poursuivi un idéal. Entre toutes les illusions, l'illusion empirique n'est pas la moins dangereuse; il est bon de se proposer telle fin, et c'est uniquement dans le choix des moyens que l'expérience tient le rôle principal.

Historien, M. Henry Michel l'est dans toute la force du terme, lors

qu'il expose les théories sociales et politiques qui se sont succédé en France depuis la Révolution. Dieu sait si elles sont nombreuses! on demeure confondu de la féconde imagination comme de la raison subtile des penseurs de ce siècle. L'on ne peut se défendre d'admirer l'écrivain qui a eu le courage de les lire tous, avec une conscience méticuleuse et une scrupuleuse bonne foi. Partout on sent le contact direct de l'interprète et de l'auteur. Vous ne trouverez pas dans l'Idée de l'État ces vagues analyses, ces résumés superficiels, entrecoupés de réflexions humoristiques et de spirituels portraits, si aisés à faire en fin de compte; mais la substance même de chaque œuvre, en quelques pages condensées et fortement écrites. Analyser ainsi, c'est penser à nouveau tous les systèmes. Et ne croyez pas qu'il s'ensuive aucune confusion, aucun désordre, par suite aucune fatigue pour le lecteur. Tout vient s'encadrer logiquement, naturellement, dans un plan très simple. L'Introduction expose à grands trails l'idée de l'État sous la monarchie administrative du xvII° siècle, la théorie du despotisme éclairé, le mouvement individualiste du XVIIIe siècle, l'individualisme et la Révolution française; le livre premier et le livre second retracent l'histoire de la réaction contre l'individualisme, réaction politique, par exemple celle de l'école theocratique en France, ou bien en Allemagne et en Angleterre celle de l'école historique de Savigny et de Burke; réaction économique et sociale, le saint-simonisme, la religion du progrès et la religion de l'humanité, Buchez et Pierre Leroux; le socialisme autoritaire, Louis Blanc, Pecqueur et Vidal, Cabet; les économistes dissidents, Sismondi, Villeneuve

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