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suzeraineté sur les pays des appelants, sans leur consentement. Eux-mêmes jurent de reconnaitre toujours cette souveraineté. Ils se promettent les uns aux autres assistance constante pour soutenir la cause royale. 6° Ils s'interdisent de traiter aucune paix sans accord préalable entre eux ni séparément. 7° Supposé que la guerre n'ait pas lieu en Guyenne, mais dans les sénéchaussées de Toulouse, Carcassonne ou Beaucaire, en Auvergne, Berry ou Touraine, le comte d'Armagnac et les siens se rendront en ces pays avec leurs hommes d'armes pour guerroyer. 8° Le roi confirme tous les privilèges de la Guyenne. 9° I promet de ne pas y lever fouages » ou autres impôts extraordinaires d'ici à dix ans. 10° Il s'engage de nouveau, « en bonne foy et parole de roy,» à ne pas renoncer à sa souveraineté, la guerre étant commencée. 11° Le comte d'Armagnac et les siens jurent de ne jamais reconnaître pour leur souverain le roi d'Angleterre. 12° Les frères du roi confirment toutes les clauses de ce traité. 13° Divers conseillers du roi jurent également de l'observer et faire observer en tout 1. Telle fut la charte du mouvement national de 1368-1369 dans le Midi.

Dès l'abord, et parce que tout y était prévu et clairement expliqué, elle fut tenue cachée soigneusement, et l'on ne connaissait encore des diverses phases suivies par les événements que l'appel de Jean I et le mariage symptomatique d'ArnaudAmanieu. L'orage, qui grondait déjà, devint plus menaçant lorsque, à son tour, Arnaud-Amanieu fit appel contre le fouage, et en termes qui ne permettaient aucune illusion sur son ralliement à la cause française. Jamais, disait-il, dans ses terres, les ducs de Guyenne n'avaient prélevé aucun fouage, sans le consentement de ses ancêtres. Or, le prince de Galles a ouvertement violé ce privilège en décrétant un fouage en dehors de son consentement à lui. Par conséquent, l'appel contre une telle violation de droits par-devant le roi de France ou son parlement de Paris devient juste et nécessaire (8 septembre 1368) 2.

1 Bibl. nat., Collect. Doat, t. CXCVI, p. 274-280.

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2 Id., ibid., p. 288: ad dominum meum Karolum regem Franciae, dominum meum superiorem, vel ad ejus curiam Parlamenti his scriptis provoco et appello, suisque jurisdictioni, protectioni et salvaegardiae me, terram meam, subditos meos, adherentesque et adherere volentes ac omnia bona mea et ipsorum submitto. » Rédigé à Paris, par M° Pierre Hebert, notaire de SaintMarcel-lez-Paris, en l'hôtel de l'archevêque de Rouen. Un des témoins de Gascogne est Arnaud-Guillem, comte de Pardiac.

Peu de temps après, Jean Ier, rentré dans le Midi, s'empressa, avant de rompre ouvertement avec le Prince Noir, d'acquitter ce qu'il lui devait encore pour le reste de son emprunt relatif à la rançon de Launac. Le 25 septembre, à Bordeaux, il retirait quittance du trésorier du Prince de la somme de 25,000 nobles qu'il lui restait sur celle de 40,000 qui lui avait été prêtée 1. C'était briser le dernier lien qui le retint encore sur la rive anglaise.

En présence de ces manifestations, le roi témoigna éprouver un certain embarras, bien qu'au fond il fût parfaitement décidé. Ce qui met bien en pleine lumière cette secrète résolution, c'est que, le jour même du traité du 30 juin, il assemblait son conseil et soumettait à son examen la question de savoir s'il avait le droit d'accepter l'appel. On ne saurait d'ailleurs lui reprocher cette attitude. Rien ne l'obligeait à déclarer ses desseins avant le moment qu'il jugeait opportun. Agir ainsi était donc, non pas hypocrisie et palinodie, mais prudence et sagesse. La réponse du conseil royal fut pleinement affirmative 2. Dès le lendemain, 1er juillet, Charles V, découvrant un peu ses batteries, faisait don au comte d'Armagnac du comté de Bigorre, auquel il avait des droits par son aïeule, Mathe de Béarn, et se prononçait ainsi contre Gaston-Phébus, qui revendiquait ce même pays. Il lui renouvelait aussi la donation du comté de Gaure faite par le roi Jean et y ajoutait les villes de Montréal, Mezin, Francescas, Astaffort, Lavardac, Fauguerolles, Mas-d'Agenais, Cauderoue en Agenais, Castets, Lias, Montagnac, Montguilhem dans la sénéchaussée d'Armagnac, la moitié de la vicomté de Juliac, les hommages de Casaubon, Poudenas, Fourcésès, Villeneuve-deMezin, les appels et premiers ressorts de Lectoure 3.

Néanmoins, il ne se prononça bien que plus tard, quand les progrès faits par l'appel lui parurent avoir mûri complètement la question. Le 18 novembre, il déclara publiquement prendre sous sa protection et sauvegarde spéciales le comte d'Armagnac et tous ses adhérents dans l'appel contre le fouage. Enfin, le lendemain 19 novembre, il donnait des lettres royales par lesquelles le Prince Noir était assigné à comparaitre devant le

1 Arch. des Basses-Pyrénées, Inventaire de Vic-Fezensac, n° 175.

2 Arch. nat., J 213, n° 16 et 17. 3 Ordonnances, t. XVIII, p. 491.

Parlement de Paris, le 2 mai de l'année suivante, pour y voir trancher la cause de l'appel 1. Il est inutile de dire comment fut reçu à Bordeaux le messager royal, porteur de cette nouvelle; Froissart nous en a fait un récit des plus vivants et des plus curieux.

Dans l'intervalle et durant leur séjour à Paris, Charles V s'était étudié de son mieux à gagner de plus en plus les seigneurs gascons. Il les combla de présents et leur ouvrit largement ses trésors, soit pour les indemniser des pertes d'argent que la rupture allait leur occasionner, soit pour les aider à s'armer promptement. Ainsi munis de bonnes et suffisantes provisions 2, nos chevaliers quittèrent Paris et regagnèrent les bords de la Garonne. Nous avons vu plus haut que leur chef, le grand organisateur de toute l'entreprise, Jean le, était déjà dans le Midi vers la fin de septembre. Le moment critique approchant, et dès que le roi, par ses actes des 18 et 19 novembre, eut accepté et notifié l'appel, il se multiplie, va et vient de tous côtés. Le 14 décembre, il est à Toulouse et s'entend avec le duc d'Anjou, frère du roi et lieutenant général du Languedoc, au sujet de la future campagne. Le 18, à Gaillac, il passe en revue les compagnies du sénéchal de Toulouse 3. Le 22, il est encore près du duc d'Anjou quand celui-ci approuve et ratifie le traité du 30 juin 4.

A leur tour, les populations se jetaient avec entrain dans le mouvement. Cela devait ètre d'ailleurs, par la raison fort simple que payer l'impôt n'a jamais beaucoup souri à personne, et que, lorsqu'on propose de le réduire ou de le supprimer, on est toujours sûr d'avoir les foules derrière soi. Dès le 17 septembre, Rodez et, peu à peu, le Rouergue et le Quercy adhéraient à l'appel, mais en se maintenant toujours, comme les comtes et chevaliers eux-mêmes, dans les limites légales et sans se détacher encore de l'Angleterre 5.

Cependant, la frontière séparant le terrain juridique de celui de la révolte s'amincissait de plus en plus, tout le Midi était agité, et des rumeurs couraient annonçant la rupture imminente de la paix de Brétigny et une guerre nouvelle. Ces bruits par

1 Bibl. nat., Collect. Doat, t. CXCVI, f° 293.

2 Id., ibid., t. CXCVI, fos 305-308.

3 Hist. gén. de Languedoc, t. IX, p. 799-800. 4 Bibl. nat., Collect. Doat, t. CXCVI, fo 310. Froissart, éd. Luce, t. VI.

vinrent jusqu'à la cour. Et vers les premiers jours de décembre, Charles V écrivait aux principales villes et aux seigneurs les plus marquants du Rouergue et du Quercy pour calmer ces inquiétudes, disant qu'il ne cherchait nullement à rompre le traité de Brétigny, et qu'il se contentait, en acceptant l'appel, de revendi quer le droit de suprême suzeraineté et de dernier ressort appartenant à la couronne de France 1.

Mais, en fait, était-il bien certain encore de ce droit? Ou bien, ces bruits de guerre venus du Midi le troublèrent-ils? En tout cas, il chercha, par une seconde et solennelle consultation, à rassurer sa conscience. Le 28 décembre, au moment extrême où le feu de la révolte couvant sous les cendres depuis des mois allait éclater, il réunit à Paris une nouvelle assemblée, qui comptait quarante-huit personnes des plus notables du royaume, el soumit derechef à leur appréciation son droit de suzeraineté et de ressort et son acceptation de l'appel. A l'unanimité, il fut décidé que le roi pouvait et devait, sous peine de péché mortel, user de ce droit et recevoir l'appel. Désormais, la question était tranchée, et, dans ces derniers jours de décembre, le roi faisait publier en Flandre son acceptation de l'appel ?. C'est alors seulement que la révolte caractérisée éclata.

Le premier signal partit, nous l'avons dit, des châteaux. Et à l'instant, les populations y répondirent et se rangèrent derrière les gentilshommes. Une des premières villes qui secoua le joug anglais fut Najac en Rouergue, et cela dès le 5 janvier 1369 3. Vers le milieu de ce mois, les hostilités étaient engagées de part et d'autre sur les frontières des régions disputées. Le 17 janvier, on se battait aux environs de Puylagarde, près Caylus en Quercy, et Jean d'Armagnac, comte de Charolais, y mettait en déroule les troupes anglaises. Mais c'était surtout Jean Ier qui dirigeait et activait la lutte. Le Prince Noir ne s'y trompait pas. Aussi publiait-il contre lui, dès le 27 janvier, un manifeste des plus violents à l'adresse des prélats, barons et communes de sa principauté, » le traitant d'ingrat et de parjure, et exhortant les peuples à ne pas le suivre dans sa révolte. Le comte d'Armagnac

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Froissart, éd. Luce, t. VI. Voir aussi dans l'Hist. gén. de Languedoc, t. IX, p. 800, la lettre du roi sur ce sujet aux habitants de Montauban. 2 Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove, t. XVIII, p. 491. Froissart, éd. Luce, t. VI, § 356; Arch. nat., JJ 102, no 101.

crut devoir répondre à ces accusations et les mettre au point voulu en exposant sa conduite et les justes mobiles qui l'avaient dictée. Il autorise son attitude par celle que le Prince crut, dit-il, devoir prendre à son égard aussitôt qu'il eut connu l'appel d'avril 1368, et qui, d'ailleurs, est bien conforme à tout ce que l'on sait. du caractère fantasque et emporté d'Édouard. Celui-ci n'avait parlé de rien moins que de marcher immédiatement contre l'Armagnac, de conquérir toute cette région, et, après en avoir dépossédé Jean Ier, d'en faire don à l'un de ses féaux, Olivier de Clisson 1. On conçoit, en effet, que de telles menaces n'aient pas peu contribué à exciter le comte d'Armagnac. Ce qui ne s'était pas réalisé alors s'accomplissait maintenant. Dès les débuts du printemps, le Prince Noir lançait sur l'Armagnac et le pays d'Albret plusieurs compagnies de routiers qui commirent d'affreux ravages. Chandos et le captal de Buch furent envoyés vers le Quercy, le Rouergue et l'Agenais, et s'y maintinrent pendant quelque temps. De leur côté, les Armagnacs frappaient de leur mieux sur l'Anglais. Cependant, la guerre n'était pas encore officiellement déclarée. Vers le 25 janvier, Charles V faisait signifier au Prince Noir de nouvelles lettres l'invitant à respecter les appelants et leurs biens, et à laisser le procès suivre son cours régulier. Les messagers royaux furent reçus comme on pouvait s'y attendre; le Prince les fit jeter en prison 2. A Toulouse, le duc d'Anjou n'avait pas encore pris les armes. Mais il y travaillait activement, achetait diverses fournitures militaires 3, et surtout cherchait à augmenter le nombre des appelants 4.

Sous son inspiration et celle du comte d'Armagnac, l'appel gagna de tous côtés, dans les villes et campagnes, un très grand nombre d'adhérents. Au 18 mars 1369, la trainée avait pris une étendue considérable. Un document de cette date mentionne près d'un millier de localités méridionales, grandes et

1 Le Prince Noir en Aquitaine, pièces justificatives, p. 208-215. Il y reconnaît aussi que le Prince Noir lui a prêté de l'argent pour sa rançon; mais il ajoute qu'il l'a entièrement payé. Nous avons vu plus haut la quittance. 2 Hist. gén. de Languedoc, t. IX, p. 801.

3 Sceaux gascons, p. 623, acte du 26 février 1369.

Bibl. nat., Collect. Doat, t. CXCVI, f°* 330-331 lettre du duc d'Anjou, datée du 16 janvier 1369, adressée à Guillaume-Raymond de Pins, seigneur de Maseret, près Nérac ; il lui annonce que déjà un grand nombre de gentilshommes ont appelé par-devant le roi et l'engage à les imiter, sous les mêmes conditions de protection contre le Prince Noir.

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