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toute la part à payer au Trésor, et éloignerait ainsi du marché français les capitaux étrangers, au grand détriment de notre commerce et de notre industrie; sur ce que, d'ailleurs, il n'était pas juste de prétendre que les revenus mobiliers ne payaient aucune part d'impôt, lorsqu'au contraire la plupart des grandes associations industrielles étaient soumises, sous diverses formes, à des taxes qui constituaient une portion importante du revenu de l'État.

Le débat du projet sur les valeurs mobilières commença le 8 janvier, et ce projet fut combattu par MM. Wolowski, Soubeyran et autres partisans de l'impôt sur le revenu, qui lui reprochèrent de faire une chose essentiellement funeste en frappant le capital, et l'un d'eux, M. Rouveure, prétendit même que le gouvernement n'avait proposé cet impôt, qui devait produire seulement 30 millions, et repoussé l'impôt sur le revenu, qui en aurait donné 80, que pour obliger l'Assemblée à voter l'impôt sur les matières premières qui avait toutes les préférences du Chef du pouvoir exécutif. M. Thiers prit alors la parole.

Messieurs,

Nous sommes tous arrivés au moment le plus embarrassant de cette grave et douloureuse situation. L'embarras que l'Assemblée éprouve en ce moment, la commission et le gouvernement l'ont également éprouvé. Vous y êtes amenés à votre tour. C'était inévitable.

Il n'y a pas, on l'a dit, de bons impôts; c'est-à-dire il n'y a pas d'impôt qui n'ait des inconvénients très

graves; il n'y a pas d'impôt, surtout lorsqu'on arrive à atteindre la limite des impôts possibles, qui ne soulève de très graves objections.

L'honorable député qui descend de cette tribune disait « Nous voyons bien où nous mène le gouvernement; il veut nous conduire successivement dans une sorte d'impasse et nous obliger à voter un impôt pour lequel sont toutes ses préférences. »

Si je ne voulais pas traiter notre honorable collègue avec plus de ménagements qu'il n'en a eu pour nous, je lui dirais : « Nous voyons où vous voulez nous mener; vous voulez, en nous faisant rejeter tous les impôts, nous conduire à voter celui que vous préférez: l'impôt sur le revenu.» (Rires approbatifs.)

M. LEOPOLD JAVAL. C'est vrai!

M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE. Mais je n'userai pas de représailles, et je ne vous dirai pas ce que vous nous avez dit. Cependant je crois qu'en vous répondant je serai dans le vrai beaucoup plus que vous n'y avez été vous-même.

Oui, vous voulez nous amener à l'impôt sur le

revenu.

Un membre.

Oui, si nous le pouvons.

M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE. Croyez-vous que, dans la situation si grave où est le pays, nous ayons obéi à l'esprit de système, de parti ou de classe? Si vous le pensiez, vous seriez cruellement injustes. Nous n'avons cherché, comme la commission,

comme l'Assemblée le fait elle-même dans ce moment, qu'à trouver ceux des impôts qui pouvaient, avec le moins d'inconvénients, nous donner les sommes nécessaires. (Très bien !) Soyez justes, je vous en supplie. Est-ce que nous sommes un gouvernement qui vient ici vous demander des ressources pour réparer ses fautes ou pour satisfaire ses goûts de dépense? Nous sommes tout simplement placés sous le joug de la nécessité, et nous cherchons ce qui peut tirer le pays des cruels embarras dans lesquels il a été précipité par d'autres que par nous. (Très bien! Très bien!)

Est-ce que vous pensez que, pour ma part, quelque profondément affligé que je sois de la situation du pays, si je croyais trouver dans l'impôt sur le revenu cette ressource que nous cherchons, j'hésiterais à dire à tous ces braves patriotes qui sont ici, à tous ces conservateurs : Faites un sacrifice? Ils vous ont prouvé déjà qu'ils étaient prêts à le faire, car beaucoup d'entre eux étaient, avant la discussion, favorables à l'impôt sur le revenu. (C'est vrai! Très bien!)

Messieurs, il faut être justes les uns envers les autres. Eh bien, la vérité, c'est que nous ne le sommes pas, c'est que nous nous attribuons les uns aux autres des intentions que nous n'avons ni les uns ni les autres. (Très bien !)

L'Assemblée (je ne veux pas la flatter, quelquefois on m'a reproché de l'avoir très peu flattée), l'Assemblée est une assemblée sincère, honnête, qui

cherche péniblement, comme nous tous, à sortir des embarras où le pays a été précipité si gratuitement. (Très bien! Très bien!)

Soyons justes. Quant à moi, je n'apporte aucun esprit de système ; quoique je me sois occupé de ces matières toute ma vie, je crois être sorti de cette étude sans aucun parti pris systématique. Je n'ai point, contre l'impôt du revenu, de ces objections qui tiennent à l'esprit de système; mais voici ce qui me le fait considérer comme détestable et ce qui m'a fait l'exclure, dès l'origine : c'est que c'est un impôt qui n'est fondé que sur l'arbitraire. C'est là ce que j'ai déjà dit et c'est ce que je maintiens. (C'est vrai! Très bien! Très bien!)

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Vous le flattez, cet impôt, quand vous le comparez à l'income tax. En Angleterre, l'income tax, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, a cessé d'être aussi arbitraire qu'il l'était au début. Pourquoi ? Parce qu'on a trouvé depuis lors des bases d'impôt qui n'avaient pas été chargées encore, et qu'on s'est servi de ces bases d'impôt pour diminuer l'arbitraire de l'income tax. Ainsi l'on s'est adressé à certains revenus de la terre; on s'est adressé à certains salaires; on s'est adressé aux émoluments distribués par l'État, et l'on est arrivé, car l'income tax est maintenant, par rapport à ce qu'il était autrefois, assez modique, on est arrivé à le rendre supportable.

Je vous défie d'en faire autant en France pour l'impôt sur le revenu.

Toutes les bases sur lesquelles on peut s'appuyer pour le rendre moins arbitraire étant chez nous des bases complètement et surabondamment chargées, il ne nous reste que ceci à dire au contribuable : « Je suppose que vous avez telle fortune, et, d'après cette fortune, je vous impose à tant. » Eh bien, je dis que c'est là un impôt inacceptable dans quelque pays que ce soit, mais inacceptable surtout dans des pays malheureusement troublés comme le nôtre. (Très bien ! Très bien!)

Oui, je déclare que cette ressource, je ne l'admets à aucun degré. (Mouvement marqué.) Elle sera aujourd'hui dans la main des uns, le lendemain dans la main des autres, et elle sera toujours dans la main du plus fort contre le plus faible. (C'est cela! Très bien! - Applaudissements.) Et remarquez bien que cet impôt-là devrait être aujourd'hui de 200 millions. Après-demain on pourrait faire qu'il fût de 300, de 400 millions; on pourrait même finir par rejeter sur lui toute la charge des autres impôts. La faute la plus grave que des gens éclairés, que d'honnêtes gens pussent commettre, en regardant à l'avenir possible, ce serait de vouloir établir un tel impôt dans notre pays. Quant à moi, j'y résiste absolument.

Mais je sais très bien que ce n'est pas tout que de repousser des impôts; il faut en trouver d'autres. La commission a été livrée, à ce sujet, à des perplexités que je respecte, car elle a cherché, comme tout le monde, à sortir d'embarras. Elle a dit : « L'impôt sur

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