cent à y naître; elle s'y développe sans que l'Autriche puisse venir l'y étouffer. Que les Italiens, qui ont vécu jusqu'à ce jour sous des gouvernements absolus, prennent peu à peu les habitudes des gouvernements libres, qu'après s'être formés à ces institutions nouvelles pour eux, ils prennent l'habitude de se liguer défensivement, et que la France, invoquant les traités qui lient tout le monde (je m'expliquerai tout à l'heure sur ces traités, et vous verrez que les paroles que j'ai employées il y a quinze mois sur ces traités sont encore vraies aujourd'hui), que la France, invoquant les traités, dise que la liberté qui naîtra naturellement, spontanément, à Naples, à Rome, à Florence, à Turin, soit sacrée pour les Autrichiens! Quant à la Lombardie, à la Vénétie, la France n'y peut rien, car ce serait détruire les traités, ce serait la guerre. Mais, lorsque l'Italie aura peu à peu contracté les habitudes de la liberté, des institutions nouvelles, quand régnera l'esprit d'union entre les divers États de l'Italie, entre la moyenne et la basse Italie, et quand son indépendance sera ainsi préparée, si l'Autriche voulait aller empêcher ce travail naturel qui se serait fait derrière la ligne des traités, la France devrait s'y opposer. Voilà ce que j'ai soutenu dans la dernière discussion qui a eu lieu sous la monarchie. Et quels étaient mes motifs, Messieurs? Ce n'est pas que la France, que nous, membres de l'opposition, nous fussions insensibles au sort de la Lombardie et de la Vénétie; c'est que nous étions toujours dans cette vérité, que, pour rendre la Lombardie et la Vénétie indépendantes, il fallait détruire les traités, faire la guerre; et nous avons dit que la France ne pouvait pas s'engager pour l'Italie à faire la guerre. Lorsque j'ai porté cette politique à la tribune, oh! elle a été peu agréable à la majorité du temps; mais la minorité l'a combattue; on a dit que c'était une politique indigne et faible, que j'acceptais les traités de 1815. J'ai souri, Messieurs, j'ai souri de cette grande énergie qui devait si facilement déchirer les traités de 1815; j'ai laissé au temps à justifier la vérité de cette politique; je ne savais pas que sitôt une si cruelle expérience montrerait la vérité de cette politique et la vanité funeste de la politique contraire. que Eh bien, cette politique qui consistait à dire : que les États indépendants se développent librement, mais la Lombardie et la Vénétie attendent ce que la destinée décidera plus tard, cette politique si faible, qu'avez-vous mis à la place? Quoi? Le manifeste de M. de Lamartine. La révolution du 24 février arrivant, j'ai cru et j'en ai tremblé, mais vous m'avez bientôt rassuré, j'ai cru et j'en ai tremblé pour mon pays, que, pour être fidèles à cette vaine et puérile politique qu'on avait soutenue, vous alliez exposer la France et ses légions pour affranchir l'Italie. J'ai été bientôt rassuré; et ce n'est pas ici une 222 attaque, une vengeance que j'exerce; je sais que les hommes les plus avancés, les plus vifs, quand ils sont devant les faits, sont arrêtés par leur conscience; et je vous remercie d'avoir cédé à cette puissance-là, dans un moment où vous pouviez perdre le pays. (Mouvement.) Mais qu'avez-vous dit? Vous avez dit : Le peuple et la paix, c'est la même chose. Et que disions-nous, depuis dix-huit ans, nous-mêmes de l'opposition? Le peuple et la paix. Voilà le manifeste; le peuple et la paix, c'est la même chose. Apparemment cela ne signifiait pas qu'on allait faire la guerre pour l'affranchissement de la Lombardie et de la Vénétie. Vous avez dit plus. Vous avez dit les traités de 1815 sont abolis en droit; mais ils subsistent en fait. Pensez-vous, Messieurs, qu'il y ait beaucoup de dignité dans cette manière de s'exprimer devant les nations? Suivant moi, il y a là la plus souveraine imprudence. Et je l'ai dit à mes amis, à cette époque ; tous pourront me rendre justice; ils se rappellent sans doute les paroles que j'ai prononcées. Oui, prétendre que les traités de 1815 sont abolis en droit, mais qu'ils subsistent en fait, c'est la puérilité la plus dangereuse du monde. Je vais le démontrer en deux mots. Savez-vous de quoi se composent les traités de 1815? Ils se composent, d'abord, de démarcations territoriales. C'est là ce qu'il y a de plus malheureux, car ces démarcations de territoire ont été faites au jour de nos défaites par l'épée du vainqueur. Savez-vous, après ces démarcations, ce qu'il y a encore dans les traités de 1815? Il y a des principes d'humanité, des principes admirables. On a voulu, au moment où, avec l'épée du vainqueur, on traçait la carte de l'Europe à nos dépens, on a voulu qu'il y eût là des principes d'humanité. Et ici il faut rendre justice à un prince généreux, à l'empereur Alexandre. Il a voulu que l'on consacrât dans ces traités les plus nobles maximes du droit des gens; il a voulu que la liberté des mers, l'abolition de la traite, la liberté des fleuves, la neutralité de la Suisse, fussent garanties. Savez-vous ce que vous auriez amené, si l'on avait pris au sérieux votre manifeste? Ces démarcations territoriales, qui sont notre oppression, auraient subsisté; mais, quand on aurait voulu, par exemple, invoquer la neutralité de la Suisse, on vous aurait dit : Les traités de 1815 n'existent plus en droit. Heureusement, Messieurs, on n'a pas pris au sérieux votre manifeste. (Mouvement. - A droite, très bien!) M. BARTHÉLEMY (BOUCHES-DU-RHÔNE). Vous faites l'apologie des traités de 1815. M. THIERS. J'entends un de mes honorables adversaires dire que je fais l'apologie des traités de 1815. Permettez-moi de vous citer ici quatre lignes, ce ne sera pas fatigant pour l'Assemblée, quatre lignes seulement, que j'ai dites sous la monarchie sur les traités de 1815. Eh bien, «ces traités (je cite textuellement, j'ai dit ceci dans la séance du 1er fé vrier 1848); ces traités il faut les observer, mes amis me permettront de le leur dire (je m'adressais à mes amis de l'opposition qu'on qualifiait alors de dynastique), il faut les observer jusqu'au jour où l'on fait la guerre, car jusque-là il faut bien trouver quelque part la règle de ses relations avec les autres États; il faut les observer et les détester. >> Eh bien, oui, il faut les observer et les détester; car, dire qu'on les déchire quand on ne fait pas la guerre, c'est faire une chose indigne d'hommes sérieux et qui veulent le bien de leur pays. Cette politique qui vous disait : Il faut protéger la liberté dans les États indépendants d'Italie, mais, au delà, il ne faut pas porter la main, car ce serait déchirer, cette politique vous la proclamez dans votre manifeste de la manière la plus formelle, et, si après cela vous aviez voulu faire la guerre, on aurait pu vous dire très justement que vous aviez voulu tromper l'Europe. Après avoir dit que vous respectiez les traités, vous ne pouviez plus dire que vous faisiez la guerre pour arriver à la destruction de ces traités. Mais vous n'avez pas laissé la moindre équivoque à cet égard. Hier, de ma place, lorsque l'honorable M. LedruRollin citait le manifeste, la pensée, l'âme du Gouvernement provisoire, je me suis permis une chose que je ne me permets jamais je me suis permis de l'interrompre bien doucement, car il ne m'avait pas entendu d'abord; j'ai dit dans les États indépendants. |