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cane, et vous fermez l'oreille, et vous n'écoutez pas la fortune qui, dans ce moment, vous traite peut-être mieux que vous ne le méritez, en vous offrant l'occasion unique, je le répète, de réaliser votre politique! Vous me renvoyez à l'histoire! Eh bien, je vous y attends. (Approbation à droite.)

M. CRÉMIEUX. Je vous demande de fixer la date!

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M. THIERS. M. Crémieux me demande un chiffre. Je lui demande pardon si le chiffre est accablant : c'est la date du 24 mai.

Quoi! vous avez trouvé l'Autriche abattue pour la première fois, malgré ce qu'il y a de ténacité, de glorieuse opiniâtreté dans son gouvernement (car, lorsqu'on est opiniâtre à ce point pour la grandeur de son pays, on mérite les hommages même des nations. étrangères). Quoi! vous avez trouvé l'Autriche vaincue par une révolution, l'Autriche qui se démet de sa vieille ténacité, l'Autriche qui vous offre une partie notable de cette Italie pour laquelle elle lutte depuis tant de siècles, et vous ne l'acceptez pas ! Vous espériez peut-être l'Italie tout entière, ou bien le roi de Piémont étant un roi, vous ne vouliez pas le servir dans sa diplomatie. Voilà la véritable raison!

A droite. C'est cela! Cela a été dit!

M. FLOCON. - La raison, c'est que la Lombardie refusait!

M. THIERS.- La Lombardie a refusé. Je sais bien qu'il y avait des Italiens assez insensés pour ne pas accepter cela. Eh quoi! vous êtes donc à la merci de

ceux que vous prétendez protéger, de ceux pour lesquels vous prétendez dépenser toute la puissance de la France! Êtes-vous à leur merci à ce point que, lorsque la fortune leur fait un don inespéré, vous leur permettiez de le refuser? Si vous aviez eu l'intention énergique de profiter de l'occasion qui se présentait, vous le pouviez; et, quand vous avez eu des amis assez imprudents pour tourner le dos à la fortune, vous voulez aujourd'hui leur sacrifier la France! Puisqu'ils ont été assez imprudents pour refuser la bonne fortune qui leur arrivait, vous ne leur devez plus rien.

Cette politique, qui consistait à dire qu'on ne devait protéger que la liberté des États indépendants, faire des vœux pour le reste et se servir des traités, cette politique, vous l'avez suivie, et, quand la fortune vous a donné l'occasion de faire mieux, vous ne l'avez pas saisie. Voilà pour vous!

Maintenant je n'ai que des hommages à rendre à la politique du général Cavaignac. Il a voulu la paix... (Exclamations à gauche. - Approbation à droite), il a voulu la paix, il l'a voulue sincèrement, il l'a voulue avec les conditions qu'elle exige. Sous son gouvernement, les Italiens ont demandé l'intervention; on a répondu par la médiation. On a dit que la pensée de la médiation était antérieure à la demande. C'est vrai! Les deux pensées se sont rencontrées. Tandis que le ministre piémontais, tandis que tous les Italiens disaient, par une susceptibilité que l'on conçoit :

Italia fara da se, la diplomatie était assaillie de demandes pour aller au secours de l'Italie, car on comprenait que les succès sur l'Adige pouvaient être suivis de prompts revers; de sorte qu'il est vrai que, lorsque le général Cavaignac a reçu la demande officielle, la demande officieuse l'avait précédée depuis longtemps. Cela est connu de tous les hommes qui se sont occupés des affaires.

A l'idée d'intervention on a opposé la médiation. Vous avez vu quel principe a été posé; il était bon; c'était celui du memorandum de M. Hummelauer.

Quand l'Autriche a dit: Mais les propositions de M. Hummelauer, je les ai faites quand j'étais vaincue, je ne les renouvelle plus quand je suis victorieuse, l'administration de M. le général Cavaignac l'a admis, et elle a eu raison, car il eût été puéril d'agir autrement. Elle a admis que le memorandum ne pouvait plus être la base des négociations, et, je le répète, elle a eu raison, car le contraire eût été ce que nous ne voulons pas aujourd'hui, la guerre pour une question d'influence.

Sous l'administration du général Cavaignac, l'armée a reçu un développement qui n'était pas seulement son fait; il y avait des ordres antérieurs, je le reconnais, même à l'entrée aux affaires de M. de Lamoricière; mais l'armée n'a reçu tous les développements qu'elle a eus depuis (voici les états) qu'à partir de juillet, d'août, de septembre. On est arrivé à 503,000 hommes. Les personnes qui ne connaissent

pas l'administration de la guerre s'imaginent que 503,000 hommes, c'est 500,000 hommes. C'est là une

erreur.

Savez-vous (je m'en suis entretenu avec l'honorable général de Lamoricière, qui ne me démentira pas), savez-vous ce qu'on avait de disponible avec 503,000 hommes? On avait de quoi faire une armée de 75,000 hommes sur les Alpes, puis une armée de 75,000 hommes sur le Rhin, c'est-à-dire 150,000 hommes sur 500,000. Pour arriver à 4 ou 500,000 hommes présents au feu, il faut arriver à un effectif de 800,000 hommes.

Eh bien, M. le général Cavaignac, quoique ayant beaucoup fait, n'avait pas encore assez fait pour la guerre. Il avait assez pour négocier, il n'avait pas assez pour combattre; l'état de nos finances ne lui permettait pas d'avoir une telle armée, et vous-mêmes, s'il vous eût demandé la dépense énorme nécessaire pour une armée de 800,000 hommes, vous la lui auriez refusée.

Donc M. le général Cavaignac comme M. le général de Lamoricière avaient bien un armement pour négocier, mais non pour combattre.

Eh bien, eux aussi, et je les honore d'avoir résisté à cette tentation qui aurait pu séduire d'autres hommes moins fermes qu'eux, eux aussi, avec une armée de 75,000 hommes au pied des Alpes et une autre armée de 75,000 hommes qu'on pouvait réunir immédiatement sur le Rhin, lorsque les Hongrois marchaient sur

Vienne, lorsque l'empereur était en fuite, eux aussi auraient pu être tentés, et je les honore de ne pas s'être laissés aller à cette tentation, de faire la guerre. S'ils avaient parlé au nom de 500,000 hommes, ils auraient pu obtenir quelque chose, ils auraient pu obtenir un succès, mais, je me hâte de le dire, un succès qui n'aurait pas duré.

Ils ont donc eu une occasion; je les honore, car ils pouvaient être tentés d'y céder, je les honore de n'y avoir pas cédé. (Rumeurs à gauche. droite.)

Approbation à

Ne croyez pas que ce soit, de ma part, une vaine précaution; je les honore, je le répète... (Nouvelle rumeur à gauche.) Laissez-moi donc expliquer ma pensée; je ne cède pas ici à une habitude qu'on a prise fréquemment, dans cette enceinte, d'accabler M. le général Cavaignac de compliments et d'hommages; je ne cède pas à cette habitude puérile, je dis

la vérité.

Oui, on pouvait, à l'époque où l'empereur d'Autriche était en fuite, où l'Autriche était complètement affaiblie, où les Hongrois étaient sous Vienne, on pouvait céder à la tentation. C'eût été le succès d'un moment; deux mois après, on avait l'Europe sur les bras. J'honore donc M. le général Cavaignac de n'avoir pas fait courir un tel danger à la France.

Voilà la politique du Gouvernement provisoire et de la Commission exécutive. Il y avait dans le Gouvernement provisoire et dans la Commission exécutive des

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