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reste-t-il donc? La politique de la guerre! Malgré la franchise de ceux qui viendront exposer cette politique à cette tribune, je crois qu'elle aura peu de défenseurs; elle n'excite que le dédain sur les bancs de beaucoup de membres de cette Assemblée. Que reste-t-il? Messieurs, pour des hommes de bon sens, qui ne veulent pas compromettre le pays légèrement, il reste à négocier sur la base de l'intégrité du territoire piémontais.

On dit, et je répète une expression familière, vulgaire, indigne de la tribune; on dit qu'on enfonce une porte ouverte. Messieurs, permettez-moi, cependant, de vous soumettre une réflexion dans l'intérêt et pour l'honneur de notre pays.

Si les Autrichiens s'arrêtent après une seconde victoire, quand nulle part, en Italie, ne peut naître une résistance, pour qui croyez-vous qu'ils fassent cela, sinon pour la France? Si la France n'était pas là, croyez-vous qu'ils s'arrêteraient?

Rendez donc justice à votre pays; il pèse dans les balances de l'Europe, et il pèse assez pour que, quoiqu'il soit éloigné du théâtre des événements, on s'arrête devant la seule pensée de provoquer en France des réclamations, une émotion profonde; on s'arrête devant la France, cela est incontestable.

J'honore le gouvernement victorieux qui sait apprécier d'avance les susceptibilités de ses adversaires; mais enfin on s'arrête..... (Mouvement.)

Je ne retiendrai pas longtemps encore l'Assemblée;

je ne demande plus que quelques secondes d'atten

tion.

Oui, je le reconnais, c'est un grand malheur que l'état de l'Italie. C'est un malheur pour elle, c'est un malheur très grand pour la France, je ne le méconnais pas; c'est une situation très grave, très douloureuse que celle-là. Je ne traite pas légèrement le malheur de voir les Autrichiens étendre leur influence en Italie; mais je voudrais vous faire faire une réflexion qui diminuat, dans l'intérêt de tout le monde, l'amertume de nos regrets.

Oui, c'est un grand malheur que les Autrichiens soient dans le Piémont, c'en est un très grand; mais regardez l'Europe entière : est-ce que toutes les nations, aujourd'hui, n'ont pas aussi leurs très graves sujets d'affliction? L'Autriche est victorieuse, cela est vrai; mais elle l'est à quelle condition? A la condition d'avoir les Russes sur ses frontières.

Les Allemands n'ont pas le malheur que nous avons; ils ont le malheur très grand d'avoir vu les Russes dans un des États de la confédération.

L'Angleterre! Elle est à l'abri des commotions du continent, mais elle a le chagrin de voir les Russes sur le bas Danube. Quelle est la nation aujourd'hui qui n'ait pas un grand sujet de souci, un grand sujet d'affliction? Nous ne sommes pas les seuls. (Interruption à gauche.)

Nous ne sommes pas les seuls, pourquoi? C'est que nous sommes dans une situation extraordinaire.

VIII.

46

Rien n'est dans sa situation naturelle, rien; tous les États, un seul excepté, tous sont dans une situation fâcheuse, tous sont obligés de songer à l'intérieur, de se défendre contre les ennemis redoutables qui menacent leur repos. L'Autriche, l'Allemagne, l'Angleterre elle-même, toutes ont de grandes préoccupations. Il n'y a qu'une puissance qui profite, et savez-vous de quoi? De la désorganisation sociale. Savez-vous ce qu'il faut faire pour rétablir la balance en votre faveur? Il faut sortir du désordre, il faut organiser ses forces, et prendre une leçon, savez-vous de qui? Du seul État qui n'ait pas été ébranlé dans cette désorganisation générale. Cet État, qui n'a pas eu de fâcheuse situation à traverser, est le seul qui n'ait pas eu de malheur dans sa politique. Ce n'est pas parce qu'il est dans les mains d'un pouvoir absolu, je ne fais pas cet honneur au gouvernement absolu, mais c'est un fait qu'il est le seul qui n'ait pas souffert de la désorganisation de ses forces.

Eh bien, tirez donc des événements de cette année cette leçon que tous les États sont hors de leur situation naturelle, et qu'ils ont besoin d'y rentrer. (Vives exclamations à gauche. Agitation prolongée.)

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Un membre, ironiquement. — Le retour à la monarchie française.

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M. THIERS. Messieurs, je ne veux pas, en descendant de cette tribune, laisser à des adversaires qui peut-être ne pourront pas détruire la solidité de mes

raisonnements... (Exclamations ironiques aux bancs

extrêmes.)

·A gauche.

- C'est modeste!

A droite.-Très bien! Très bien ! -Parlez! Parlez!

M. THIERS. Qui ne pourront pas attaquer, si vous voulez... je n'ai pas l'intention de m'adresser à moi-même des compliments... (Rumeurs et rires à gauche), qui ne pourront pas attaquer les simples vérités, les évidentes vérités que j'ai portées à cette tribune, je ne veux pas leur laisser l'avantage d'abuser d'une de mes expressions pour dire que j'ai voulu attaquer la Constitution de l'État. Non, non, je ne l'ai pas voulu. (Rumeurs à gauche.) J'ai toujours respecté... (Interruption nouvelle.)

Vous voulez que je l'aie attaquée, quel avantage y trouverez-vous? (Rires d'adhésion à droite.)

Quand j'apporte ici à cette tribune les opinions que j'y apporte depuis une année, je ne suppose pas qu'on m'accuse d'avoir craint de dire ce que je pense... Non, je n'ai pas voulu attaquer la constitution de l'État; non! Ne tirez pas avantage, contre les vérités que j'ai soutenues, de l'imprudence que j'aurais pu commettre, si j'en avais commis une; vous avez interprété ma pensée comme elle ne devait pas l'être. Je dis, ce qui reste vrai, qu'il n'y a de puissance et de force aujourd'hui que pour les États qui savent s'organiser, soumettre le désordre et triompher; ce sont ceux qui ne souffrent pas du désordre chez eux qui sont puissants au dehors... (très bien! très bien!), et je vous ramène à la

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vérité suprême de cette question et de ce sujet : Venez dire ici que, pour une question d'influence, vous demandez à la France, la guerre!

(Vive approbation à droite, agitation sur tous les bancs.)

Dans la même séance, l'ordre du jour proposé par le comité des affaires étrangères et accepté par le gouvernement fut adopté par 444 voix contre 320.

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