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DISCOURS

SUR LA

MISE EN ACCUSATION

DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET DES MINISTRES (PROPOSITION DE M. LEDRU-ROLLIN

QUESTION ROMAINE)

PRONONCÉ LE 12 JUIN 1849

A L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

Après avoir vaincu le Piémont à Novare et comprimé la révolution en Toscane, l'Autriche, à laquelle la République romaine avait fait d'ailleurs une déclaration de guerre, était entrée en Romagne, s'était emparée de Bologne et annonçait l'intention de marcher sur Rome pour y rétablir l'autorité du pape. Il n'était pas possible à la France de donner à la République romaine, foyer de toutes les passions démagogiques, un appui qui eût amené, d'ailleurs, un conflit avec l'Autriche; mais elle ne pouvait non plus laisser cette dernière puissance intervenir seule à Rome, et un crédit fut demandé à l'Assemblée nationale à l'effet d'envoyer en Italie un corps expéditionnaire chargé d'y maintenir la légitime influence de la France et d'obtenir pour les populations romaines un gouvernement fondé sur les institutions libérales. Le commandement de ce corps expéditionnaire, composé de 12,000 hommes, fut confié au général

Oudinot, qui, aussitôt débarqué à Civita-Vecchia et croyant, sur de faux rapports, qu'il serait accueilli à Rome à bras ouverts, s'empressa de se diriger sur cette ville sans attendre sa réserve et son parc d'artillerie. Mais, loin de trouver les portes ouvertes, il fut reçu à coups de fusil et de canon, et, n'ayant pas de matériel de siège, il dut se replier à quelques lieues en arrière.

Cet échec causa en France une grande émotion, et, à la suite d'un débat dans lequel de vifs reproches furent adressés au ministère pour avoir méconnu ses devoirs en permettant au général Oudinot d'attaquer Rome et la République romaine, l'Assemblée nationale vota, le 7 mai, un ordre du jour par lequel le Gouvernement était invité à prendre sans retard les mesures nécessaires pour que l'expédition d'Italie ne fût pas plus longtemps détournée du but qui lui avait été assigné.

Ce vote était un acte de blâme à l'égard du cabinet. Mais l'Assemblée nationale touchait à son terme. Le 13 mai devaient avoir lieu les élections pour l'Assemblée législative; quinze jours après cette Assemblée devait se réunir; c'était donc à cette dernière, expression la plus récente de l'opinion publique, qu'il appartenait d'apprécier avec autorité la conduite du Gouvernement, et le cabinet resta à son poste. Toutefois la France ne pouvait demeurer sous le coup de l'échec que son armée venait de subir devant Rome. Des renforts furent envoyés au général Oudinot, et un agent spécial, M. de Lesseps, fut chargé, avant que l'on eût recours aux moyens de force, de négocier avec le chef de la République romaine l'entrée de nos troupes dans Rome. Mais cet agent s'étant borné à conclure une convention relative au campement des troupes françaises, convention reconnue par le Gouvernement français contraire à l'honneur de nos armes, ordre fut expédié à M. de Lesseps de revenir et au général Oudinot de s'emparer de Rome le plus tôt possible.

Informé de cette résolution, M. Ledru-Rollin déposa, dans la séance du 11 juin, sur le bureau de l'Assemblée législative réunie depuis le 28 mai, une proposition de mise en accusation du Président de la République et de ses ministres, coupables, suivant lui, d'avoir donné à l'expédition un but autre que celui en vue duquel elle avait été votée, et, en déposant cette proposition, M. Ledru-Rollin déclara que la défense de la Constitution étant confiée au patriotisme de tous les Français, la Constitution violée par le Gouvernement serait défendue par lui et par ses amis, même les armes à la main.

La proposition de mise en accusation fut renvoyée à l'examen d'une Commission qui, dans la séance du lendemain 12, conclut à son rejet par l'organe de son rapporteur, M. Daru. M. Ledru-Rollin demanda alors qu'avant de passer à la discussion l'Assemblée réclamât la communication de toutes les pièces relatives à la question qui allait être l'objet du débat, et M. Crémieux ayant insisté dans le même sens, en faisant observer que lui et ceux de ses amis qui n'avaient pas signé la proposition de mise en accusation avaient besoin, avant d'émettre leur vote, d'être éclairés sur la conduite du cabinet, M. Thiers, membre de la Commission, prit la parole.

Messieurs,

Vous pardonnerez à un membre de la Commission (quoiqu'on n'accuse pas la Commission, on veut bien la traiter avec indulgence), vous pardonnerez à un membre de la Commission de vous expliquer pourquoi

elle n'a pas exigé plus de pièces qu'on n'en connaissait, pourquoi sa religion, en se fondant sur ces seules pièces, a été pleinement éclairée, pourquoi, du moins, elle l'a cru ainsi.

Je comprends, jusqu'à un certain point, la distinction qu'a établie M. Crémieux entre ceux qui ont signé l'acte d'accusation et ceux qui ne l'ont pas signé. Les pièces, à mon avis, ne sont pas nécessaires même à ceux qui n'ont pas signé l'acte d'accusation; mais, je le reconnais jusqu'à un certain point, on pourrait croire qu'ils en ont plus besoin que d'autres.

Ce que j'ai beaucoup plus de peine à comprendre, c'est que ceux qui ont signé l'acte d'accusation demandent à être plus éclairés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient hier. (Rires à droite. — Interruptions diverses à gauche.)

M. PASCAL DUPRAT. Je demande la parole.

M. THIERS, se tournant vers la gauche. - Messieurs, je répondrai à vos objections; mais vous m'avez fait sentir tout à l'heure que ma voix n'est pas assez forte pour répondre à vos clameurs. (Bruits divers.)

M. FÉLIX PYAT.

Nous vous avons dit que nous étions parfaitement renseignés, mais que le pays ne l'était pas.

Voix à droite. A l'ordre! A l'ordre! Vous n'avez pas la parole.

M. FÉLIX PYAT. — Je dis que... (A l'ordre! A l'ordre!)

M. LE PRÉSIDENT.

parole à l'orateur.

Je suis obligé de maintenir la

M. FÉLIX PYAT.

Monsieur Thiers, voulez-vous

me permettre de vous répondre?..

M. LE PRÉSIDENT. Vous aurez la parole après l'o

rateur.

-

M. FÉLIX PYAT, s'avançant vers la tribune. - Voulez

vous me permettre?..

Voix nombreuses au centre. A l'ordre!

n'avez pas la parole!

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Je suis obligé de rappeler à

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M. Félix Pyat monte à la tribune, où se trouve encore M. Thiers et dit : « Je demande la parole sur le rappel à l'ordre. » (Vives exclamations au centre.) Un grand nombre de membres se lèvent en protestant contre la présence de M. Félix Pyat à la tribune. M. Félix Pyat, après avoir échangé quelques paroles avec le président, qui lui annonce qu'il aura la parole après l'orateur, descend de la tribune.

M. THIERS.

Toujours, à toutes les époques, j'ai consenti à me laisser interrompre, et j'ai cédé la parole à celui qui me la demandait, mais à une condition, c'est d'avoir eu d'abord la liberté d'expliquer ma pensée.

J'ai dit que je comprenais la distinction que M. Crémieux avait établie entre ceux qui ont signé l'acte d'accusation et ceux qui ne l'ont pas signé,

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