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« Considérant que la proposition du citoyen Proudhon est une atteinte odieuse aux principes de la morale publique; qu'elle viole la propriété, qu'elle encourage la délation; qu'elle fait appel aux plus mauvaises passions; — considérant, en outre, que l'auteur a calomnié la révolution de février 1848 en prétendant la rendre complice des théories qu'il a développées, passe à l'ordre du jour. »

Citoyens représentants,

Le comité des finances, dont j'ai l'honneur de faire partie, m'a chargé de vous présenter son rapport sur la proposition du citoyen Proudhon, qui consiste à s'emparer du tiers des fermages, des loyers, des intérêts de capitaux, dans un double but d'impôt et de crédit.

Après avoir mûrement examiné cette proposition, votre comité des finances a décidé qu'elle ne devait pas être prise en considération. Il l'a décidé à l'unanimité.

Je dois d'abord vous faire connaître les principales dispositions du projet soumis à votre examen.

D'après ce projet, les fermiers et les locataires seraient dispensés de payer le tiers des termes échus ou à échoir de leurs fermages et de leurs loyers. Les débiteurs de créances hypothécaires ou chirographaires seraient également dispensés d'acquitter le

tiers des intérêts auxquels ils sont obligés par leurs contrats. L'État, à son tour, serait dispensé de servir le tiers des rentes inscrites au grand livre. Il n'acquitterait qu'une partie des pensions ou salaires dus par lui, en suivant, dans cette réduction, une progression qui s'élèverait depuis 5 jusqu'à 50 pour cent. Même disposition aurait lieu pour les actions industrielles, au détriment des porteurs d'actions, au profit de ceux qui en doivent les dividendes.

Le tiers des sommes retenues serait divisé en deux sixièmes, dont l'un serait abandonné aux locataires, fermiers, débiteurs de tout genre, à titre de crédit que s'accorderaient entre elles les diverses classes de citoyens; l'autre serait versé dans les caisses de l'État; à titre d'impôt sur le revenu.

L'auteur du projet évalue à 1,500 millions la part qui serait abandonnée aux locataires, fermiers, débiteurs, à 1,500 millions la part qui reviendrait à l'État; ce qui porte à un total de 3 milliards par an le sacrifice demandé à la propriété mobilière et immobilière pour ce système combiné de crédit et d'impôt.

Au moyen de cette double ressource fournie aux particuliers et à l'État, il arriverait, suivant l'auteur, premièrement, que les particuliers dispensés de payer pour loyers, fermages, intérêts de capitaux, un sixième de ce qu'ils doivent, auraient à leur disposition une somme de 1,500 millions, laquelle serait dans leurs mains un capital vivifiant qui ranimerait l'industrie et le commerce, et ferait partout renaître

le travail. En même temps, leurs frais de production étant devenus moindres, ils pourraient livrer leurs produits à plus bas prix, et les propriétaires de terres, maisons, créances, rentes, actions, retrouveraient en bon marché l'équivalent de ce qu'ils auraient perdu

en revenus.

A ce premier résultat, en succéderait immédiatement un second non moins important. L'État, percevant l'autre sixième, recevrait une somme de 1,500 millions, équivalant à peu près aux recettes actuelles du budget. Il serait dès lors mis en mesure de diminuer ou de supprimer certains impôts, de créer de grands établissements de crédit, de fournir de vastes secours à l'industrie. Il pourrait, par exemple, abandonner l'impôt des 45 centimes qui est aujourd'hui en recouvrement, les deux impôts sur les hypothèques et sur les successions qui ne sont qu'en projet; il pourrait remettre aux patentables 30 pour 100 de leur patente, diminuer dans une large proportion les impôts sur le sel, sur la viande, sur les boissons, ainsi que les droits de navigation sur les canaux et rivières. Après tous ces soulagements procurés aux contribuables, il resterait encore des ressources suffisantes pour les objets suivants : création de comptoirs d'escompte dans les arrondissements, établissement de banques agricoles et industrielles, et surtout garantie donnée à tous les entrepreneurs, fabricants, constructeurs, chefs d'ateliers quelconques, du placement de leurs produits, dans une proportion égale à

ce qu'ils fabriquaient au moment où la révolution du 24 février est venue les saisir.

Ainsi, moyennant un sacrifice du tiers de leur revenu, demandé à tous les propriétaires, on aurait ranimé le crédit par une réciprocité de bons offices; on aurait fourni à l'État le moyen de diminuer ou de supprimer les impôts les plus onéreux, de créer les grands établissements de crédit auxquels certains esprits attachent aujourd'hui le développement illimité du travail, et de donner enfin à l'industrie le signal d'une reprise générale de ses travaux par la garantie du placement de ses produits.

Je crois n'avoir omis aucun des avantages annoncés par l'auteur de ce système. Pour en compléter l'exposition, je dois dire que l'auteur accorde en outre aux locataires, fermiers, débiteurs de tout genre, des termes de trois mois ou de six mois pour l'acquittement des deux tiers dont ils restent chargés; de plus, la faculté de prolonger de trois ans, et à leur convenance, la durée de leurs baux; de différer de trois ans, et toujours à leur convenance, l'acquittement de leurs créances.

Enfin, prévoyant qu'à l'avenir les capitaux qui auraient à se placer pourraient exiger un tiers de plus d'intérêt, pour se soustraire aux nouvelles prescriptions de la loi, ce qui ferait aboutir le système à une élévation d'intérêt, l'auteur a ajouté que toute créance contractée postérieurement au 15 juillet 1848 ne serait point soumise au nouveau système d'impôt sur le revenu.

Tel est, dans son entier, le projet qui a été discuté plusieurs jours de suite dans le sein de votre comité des finances.

Après en avoir exposé les dispositions, je dois l'apprécier sous ses divers rapports, financiers, moraux et politiques. C'est ce que je vais faire dans les termes que votre comité m'a prescrit d'employer.

Ce projet s'était déjà produit hors de cette enceinte, dans une feuille quotidienne, aujourd'hui suspendue. L'intention de l'auteur ne s'était nullement dissimulée lors de cette première expression de sa pensée : c'était, quant au fond, une atteinte directe et avouée à la propriété, car, disait-il, la rente de la terre est un privilège gratuit qu'il appartient à la société de révoquer; c'était, quant à la forme, une pétition factieuse, car, disait-il encore, elle devait vous être présentée, non comme une supplique, mais comme un ordre. Le Pouvoir exécutif, chargé d'appliquer les lois répressives aux délits contre l'ordre public, ayant usé des droits que lui confère l'état de siège pour suspendre le journal qui contenait cette proposition, l'auteur, se servant de son initiative comme membre de l'Assemblée nationale, vous l'a présentée sous la forme d'un projet financier. C'est à ce titre que votre comité a dû en être saisi.

On s'attendait à voir l'auteur appuyer sa proposition sur les seules raisons qui peuvent lui mériter quelque attention, c'est-à-dire sur la négation du droit de propriété, négation devenue malheureuse

« PrethodnaNastavi »