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reux pays ? Mais quand donc, quel jour, voudrez-vous opposer une digue aux idées anarchiques? Dites-nous d'ailleurs quelles sont les idées raisonnables, pratiques, auxquelles nous essayons de faire obstacle?

Vous nous dites: Les idées du socialisme. Lesquelles? Où sont-elles? Qu'on les présente, qu'on les apporte ici, à cette tribune, réalisables à quelque degré; qu'on les apporte seulement discutables.

Je vous ai fait un appel : en discutant la proposition de M. Proudhon, puis en discutant le droit au travail, je vous ai sommés de venir, en bons citoyens, porter ici des idées praticables; je l'ai demandé sans cesse. Je suis dans une commission dont je fais partie avec l'honorable M. Emmanuel Arago; demandez-lui si nous repoussons les choses qui ont le moindre degré de vraisemblance. Si vous en avez, apportez-les, je vous le demande avec instance. Vous dites que nous avons de la mauvaise volonté; vous dites que nous ne voulons rien accueillir, que nous voulons enchaîner la presse. Vous savez bien qu'il n'y a pas de gouvernement assez insensé pour condamner une proposition qui aurait un aspect sérieux. En tout cas, la tribune n'est pas fermée; M. Pierre Leroux l'a occupée tout à l'heure; je l'ai entendu comme on doit entendre un homme d'esprit. Qu'a-t-il apporté? Un projet de transformation de l'humanité. Pourquoi, au lieu d'un projet de transformation de l'humanité, ne nous a-t-il pas apporté un projet immédiatement praticable, un projet précis, rédigé, des articles de loi enfin, que

nous puissions examiner, ainsi que l'a fait une fois M. Proudhon? M. Proudhon, lui, a le courage de ses théories. Un jour, il est venu à la tribune et a dit : Vous me poussez sans cesse à apporter une proposition; en voici une : Je vais prendre le tiers du revenu des capitaux, des maisons, des terres; j'établirai ainsi un nouvel impôt, lequel servira à fonder la Banque du peuple.

Nous avons discuté cela, et je crois que ce jour-là vous ne direz pas que vous nous avez combattus, car personne n'a combattu. Il n'y a que deux membres qui aient voté pour la proposition de M. Proudhon, M. Proudhon et un membre qui, je crois, n'est plus ici. Plusieurs membres. - Si! Si! M. Greppo!

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M. THIERS. Si vous avez encore des propositions à nous faire, faites-les. M. Pierre Leroux dit : Mais je ne puis pas apporter une science à cette tribune. Je le sais bien; aussi je ne lui demande pas une science ni un livre, je lui demande une proposition; car l'Assemblée ne discute pas la science, elle n'est pas une académie, elle est une Assemblée législative. Apportez une proposition en autant d'articles que vous voudrez; il y a une tribune où retentiront vos raisons et les nôtres l'Assemblée jugera, et le pays ensuite.

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Mais prenez-y garde, tant que vous n'apporterez pas ici une proposition sous forme législative, vous n'avez améliorer pas le droit de dire que nous ne voulons pas la situation du peuple, et que c'est pour enchaîner la langue ou la plume de ceux qui voudraient l'améliorer,

que nous vous demandons de nouvelles lois sur la presse. Que voulons-nous d'ailleurs interdire? Ce n'est pas la discussion des systèmes, loin de là ; nous voulons interdire ces écrits où, au lieu de discuter les systèmes, parce qu'on sait que les masses entendraient mal la Banque du peuple, les Contradictions économiques, le Phalanstère modifié, la Triade (on rit), on apporte au peuple, dans un style plein de fiel et de violence, cette assertion qu'il y a un bien suprême qui ferait cesser les souffrances de tous les hommes à l'instant même, qu'il dépendrait d'un seul acte de la volonté de la majorité de le donner, mais que nous ne voulons pas le donner, parce que nous sommes de méchants riches intéressés à perpétuer la situation actuelle.

C'est cette assertion abominable qu'on apporte sans cesse au peuple sous des formes déplorablement corruptrices, que nous voulons empêcher de reproduire. Les systèmes sérieux, nous les discuterons ici, avec passion, avec sincérité, parce que jamais questions plus graves, plus hautes, plus dignes d'hommes ayant un cœur et une intelligence, n'auront été soumises aux représentants d'un grand peuple. (Très bien!) Mais ce que nous vous demandons, c'est de formuler ce bien suprême que vous prétendez posséder, et que malheureusement vous ne possédez pas plus que nous! (Rires et approbation au centre et à droite.)

Non, vous ne le possédez pas, car, si vous le possédiez, vous auriez dû l'apporter à cette tribune; si vous

aviez ces vérités qui doivent faire cesser la misère, vous auriez été bien coupables, depuis quinze mois, de ne pas les apporter ici; mais, si vous ne les avez pas, ne venez pas parler à un peuple qui souffre, et qui souffre plus par votre faute que par la nôtre, par suite de désordres dont vous êtes les auteurs plus que nous, ne venez pas lui parler d'un bien que vous ne pouvez pas lui donner... (Nouvelle approbation.) Car, si vous parveniez à obtenir ce que vous n'obtiendrez pas, la liberté de le corrompre jusqu'au bout, savez-vous ce qui arriverait? Ce n'est pas nous seulement qui serions dans une situation affreuse, vous seriez vous-mêmes placés dans une position abominable!

Qu'auriez-vous fait, je vous le demande, si des Arts et Métiers avait surgi un gouvernement nouveau? Qu'auriez-vous fait? Rien! Rien! Vous auriez été placés en face d'exigences, auxquelles vous n'auriez eu aucune réponse à faire, aucune, aucune. Et, quand je présente ici une hypothèse, j'ai tort, car cette hypothèse, elle s'est réalisée. Après le 24 février, vos amis ont été tout-puissants, ils ont pu tout ce qu'ils ont voulu; il n'y a pas de loi qui les ait arrêtés; ils ne se sont pas arrêtés même devant la propriété, car ils ont voulu enlever et les chemins de fer et les caisses d'épargne..., pardon, non pas les caisses d'épargne, je me trompe, mais les compagnies d'assurances. (Interruptions diverses.) Aucune loi ne les a arrêtés.

Il n'y a aucun pouvoir, même dans les temps de la monarchie absolue, aucun pouvoir qui se soit permis

à l'égard des lois tout ce que s'est permis le Gouvernement provisoire, et je ne veux pas lui en faire un reproche, je veux seulement constater qu'il a tout osé, car il a pris les banques de province (je l'ai moi-même approuvé dans cette mesure); car il a voulu prendre les chemins de fer, les assurances, etc.; et vous voyez qu'il ne s'est pas même arrêté devant la propriété.

Eh bien, ce pouvoir que rien n'arrêtait, qu'a-t-il fait? Il a tenu les conférences du Luxembourg.

Je ne dis pas que les conférences du Luxembourg pussent à l'instant réaliser tout; mais ce qu'on ne peut pas réaliser, on peut l'énoncer. Qu'avez-vous mis au jour dans ces conférences du Luxembourg? L'association des ouvriers pour laquelle nous avons consenti à employer quelques millions pour faire des expériences. Quoi, l'association des ouvriers composait tout votre savoir! Mais ce bien du peuple, au nom duquel vous faisiez la révolution du 24 février, pour lequel vous renversiez la monarchie, vous ne l'aviez donc pas, car, si vous l'aviez eu, c'était le cas de le présenter au Luxembourg, à la foule qui l'attendait!

Il ne faut pas deux mois, quand ce bien est si certain, si réel, si grand, il ne faut pas deux mois pour l'énoncer. L'avez-vous énoncé un seul jour? Jamais. Je ne vous reproche pas de ne l'avoir pas accompli, je dis que vous ne l'avez pas énoncé. Et ce n'est pas votre esprit, votre savoir que j'accuse; vous ne le connaissiez pas plus que nous, parce que personne n'a dans la main le moyen de réaliser à l'instant le bon

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