empêcher, ou la guerre, ou l'occupation de Rome par une armée française. La guerre était un moyen dont notre gouvernement, dans le moment de ses plus grandes ardeurs pour l'indépendance de l'Italie, et lorsqu'il y avait des chances de succès, puisque les Autrichiens étaient rejetés au delà de l'Adige, n'avait pas usé. Il eût été insensé d'y penser quand l'occasion favorable était manquée, quand une plus juste appréciation des intérêts de la France avait succédé dans les esprits à de dangereux entraînements. La guerre mise à part, il restait un moyen, un seul, c'est que la France allât elle-même satisfaire au grand intérêt des nations catholiques, en rétablissant sur son trône le souverain pontife. L'Autriche n'avait plus alors aucun motif de se rendre à Rome, à moins qu'elle ne prétendit donner à sa victoire des conséquences qu'elle a eu du reste la sagesse de ne pas vouloir lui donner. Il fallait donc ou arrêter l'Autriche par les armes, ce qu'aucun parti en France n'avait voulu ni fait, quand il occupait le pouvoir, ou remplir la tâche que l'univers chrétien désirait voir accomplie par l'une des grandes puissances catholiques. C'était le triple intérêt de la France, de la chrétienté, et de la liberté italienne, qu'il en fût ainsi. C'était l'intérêt de la France; car l'équilibre des influences, rompu en Italie au profit de l'Autriche, était rétabli, dans une certaine mesure, si les Français étaient à Rome, tandis que les Autrichiens étaient à Modène, à Parme, à Florence, à Alexandrie. C'était l'intérêt de la chrétienté; car l'intérêt véritable de la chrétienté, c'est que le souverain pontife soit vraiment indépendant. Or, son indépendance avait moins à souffrir par l'action de la France, qui ne possède rien en Italie, que par l'action de l'Autriche, qui possède une grande partie de cette péninsule, et qui domine de son influence ce qu'elle ne possède pas. C'était enfin l'intérêt de la liberté italienne, car, bien que l'Autriche ait elle-même subi une révolution fondamentale, bien que de nouvelles idées président à la direction de son gouvernement, il est évident que l'irritation toute naturelle d'une lutte récente avec les peuples italiens, la crainte de nouveaux bouleversements dans un pays où elle a de si grands intérêts, le désir de contenir dans d'étroites limites une liberté qui avait produit de si terribles bouleversements, devaient la porter à laisser restreindre cette liberté au delà de la mesure que comportaient les circonstances, peut-être même à laisser s'accomplir tout entière une contre-révolution dont d'indignes excès n'avaient que trop fourni le prétexte. En un mot, sans rechercher quelle est la mesure de liberté désirable et possible pour les Italiens, question fort grave, qu'il est inutile de traiter ici, on conviendra que cette mesure devait être plus restreinte sous l'influence des Autrichiens que sous celle des Français. Il me semble donc que, dans l'intérêt français, catholique et libéral, il n'y avait pas à hésiter, et qu'il valait mieux qu'une intervention, rendue inévitable par les fautes qui avaient perdu l'Italie, eût lieu par les armes de la France que par les armes de l'Autriche. Il pouvait sans doute en résulter des difficultés, des dépenses, du sang versé, et c'était, nous en convenons, une considération grave. Mais, si c'est une considération qui peut être sérieusement alléguée par ces esprits prudents et sages, qui, dans l'état du monde, ne veulent, à aucun degré, compromettre la France dans les affaires extérieures, elle ne saurait être alléguée par ceux qui voudraient verser tout le sang et tous les trésors de la France pour la propagande la plus folle, la plus stérile, la plus impuissante. Il est étrange en effet qu'on veuille risquer l'existence même du pays dans une lutte formidable, pour imposer à tous les peuples une forme unique de gouvernement, et qu'on refuse un effort modéré pour maintenir l'équilibre des influences européennes, pour empêcher une contre-révolution complète, dans une contrée qui nous intéresse à un aussi haut degré que l'Italie. Toutefois, si les efforts que devait coûter l'expédition romaine ne sont pas un argument acceptable de la part de ceux qui proposent si souvent la guerre générale à propos des moindres incidents, cet argument mérite d'être accueilli de la part de ceux qui croient que la France doit, pour longtemps encore, tant que les alliances européennes seront combinées comme elles le sont aujourd'hui, restreindre plutôt qu'étendre son action. Mais à cela nous dirons que, si la France était restée immobile, renfermée chez elle, et laissant volontairement à l'Autriche le soin de tout faire, de tout décider en Italie, peut-être qu'ils auraient regretté eux-mêmes, en présence des faits, un système d'inertie poussé à ce degré d'abnégation. Entre ceux qui voudraient qu'au moindre événement la France se jetât comme un torrent dévastateur au milieu des affaires européennes, et ceux qui voudraient que, renfermée chez elle, elle ne se mêlât plus de rien, il y avait un milieu, un milieu sage et pratique, c'était que la France, puisque les fautes d'une faction avaient amené les armes étrangères en Italie, y parût aussi, pour exercer sa part d'influence, y faire sa part de bien, y diminuer la part inévitable du mal, et sauver du naufrage de la liberté italienne quelquesunes des espérances conçues à l'avènement de Pie IX. C'est ce que la France a exécuté sagement et résolument tout à la fois. Il est vrai qu'en envoyant une armée, elle avait à agir contre une République. Cette considération rendait-elle sacré le gouvernement institué au Capitole? Nous ne le croyons pas. Notre constitution, défectueuse en plus d'un point (ce qu'il est permis de dire puisqu'elle a elle-même prévu et stipulé sa revision), notre constitution aurait méconnu toute raison, si elle avait entendu que telle ou telle forme de gouvernement rendrait un État voisin odieux ou sacré pour nous. On est ami ou ennemi d'un gouvernement, non en raison de sa forme, mais de sa conduite. Aussi la Constitution s'est-elle bornée à déclarer que la France ne prendrait les armes contre la liberté et la nationalité d'aucun peuple étranger. Ce texte résout pour nous la question constitutionnelle. La France, en allant à Rome, y est-elle allée pour nuire à la liberté de l'Italie, et en particulier du peuple romain? Les faits, à cet égard, parlent assez haut pour rendre la réponse facile. Aujourd'hui, en effet, on se récrie contre les résultats obtenus; on trouve qu'on n'a pas assez vaincu à Rome le mauvais vouloir du parti hostile à la liberté, qu'on n'a pas obtenu du gouvernement pontifical assez de clémence ou assez de liberté politique. On convient donc que la France est placée en présence d'influences contraires, avec lesquelles elle est en lutte pour se faire donner ce qu'on lui concède. Elle n'est donc pas à Rome contre la liberté italienne, mais pour elle. On peut penser qu'elle ne fait pas assez; soit, mais enfin elle agit pour, et non pas contre l'esprit de la Constitution n'est donc violé à aucun degré. Ainsi toutes les raisons politiques, morales, religieuses, devaient porter la France à intervenir à Rome. Elle y a envoyé une armée. La faction qui a dirigé depuis deux ans les destinées de l'Italie, au lieu de prendre la France pour arbitre, lui a violemment résisté. Nos soldats, toujours dignes d'eux-mêmes, ont emporté tous les obstacles, comme ils faisaient jadis à Lodi et à Arcole; mais, plus que jamais sages et disciplinés, ils ont mérité l'admiration de l'Europe par la régularité et l'humanité de leur conduite; et |