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n'aurions-nous obtenu de notre expédition que cette nouvelle manifestation des vertus guerrières de notre armée, nous ne devrions pas avoir de regrets, car pour nous, au milieu des douleurs que nous inspire le spectacle du temps, la conduite de nos soldats a été une véritable consolation patriotique.

La France, une fois présente à Rome par son armée, n'y pouvait commettre l'inconséquence de violenter elle-même le saint-père, qu'elle venait délivrer de la violence d'une faction. Elle a dû lui rendre son trône et sa liberté, sa liberté pleine et entière, car telle était sa mission. Mais elle tenait des circonstances un droit, un droit qu'on n'a que très rarement, celui des conseils. Si, dans les circonstances ordinaires, un souverain se permettait de dire à un autre Vous vous conduisez mal; comportez-vous de telle ou telle manière; il commettrait à la fois une inconvenance et une usurpation. Mais un souverain qui est venu en rétablir un autre, dans un intérêt commun d'ordre, d'humanité, de religion, d'équilibre politique, trouve dans la gravité des circonstances qui l'ont amené, dans le service rendu, le droit de donner un conseil. La France, en faisant un effort, effort qu'il faut mesurer non à la difficulté d'emporter quelques bastions, difficulté qui heureusement n'en est pas une pour son armée, mais aux difficultés politiques que peut entraîner une entreprise de ce genre, la France, disons-nous, en faisant un tel effort, avait le droit de supplier le saint-père de prendre les moyens convenables pour satisfaire ses

peuples et pour apaiser ce qu'il y avait chez eux de mécontentements légitimes. Elle avait droit de lui conseiller les réformes qui pouvaient, en réconciliant les habitants des États-Romains avec la souveraineté pontificale, la dispenser de revenir elle-même à Rome ou d'y laisser venir l'Autriche, deux moyens également regrettables pour tout le monde.

La France n'a trouvé le saint-père ni moins généreux ni moins libéral qu'il ne l'était en 1847. Mais les circonstances étaient malheureusement changées. Ceux qui avaient usé de ses bienfaits pour bouleverser l'Italie, pour chasser de leur capitale les princes les plus libéraux, avaient produit un redoublement de préjugés chez tous les ennemis de la liberté italienne, dont Pie IX, au début de son règne, avait si courageusement affronté les répugnances. Ne pas rouvrir la source d'où avaient découlé tant de maux était devenu la préoccupation exclusive de presque tous les hommes qui concourent au gouvernement romain. Les difficultés grandes, à l'origine de la liberté romaine, étaient donc singulièrement accrues par l'usage de cette liberté pendant les deux années qui viennent de s'écouler.

La France a dû dire que, s'il y avait danger de bouleversement à dépasser la mesure de liberté qui convient à un peuple, il y avait danger aussi à rester en deçà de cette mesure, et qu'il y avait péril à accorder trop peu, comme à accorder trop. Elle a dù dire que l'administration romaine, telle qu'elle a existé

VIII.

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jusqu'à l'avènement de Pie IX, était impossible à maintenir dans les États du Saint-Siège. Si l'on peut, en effet, contester aux Romains le droit de renverser, au nom de leur souveraineté, l'autorité temporelle du pape, nécessaire à l'Europe chrétienne, on ne peut leur contester le droit d'avoir un gouvernement équitable, éclairé, et conforme aux mœurs de notre époque.

Pie IX comprend parfaitement ces vérités, et un premier acte important vient d'émaner de sa volonté libre et réfléchie c'est le motu proprio, objet de si vives discussions. Votre commission a mûrement examiné cet acte, non pas qu'elle croie que la France a le droit de décider du mérite des institutions d'un peuple étranger, mais elle l'a examiné pour savoir si ́les conseils qu'elle était fondée à donner avaient porté des fruits tels qu'elle n'eût pas à regretter son intervention dans les affaires romaines.

Eh bien, en très grande majorité, votre commission déclare qu'elle aperçoit dans le motu proprio un premier bien très réel, et dont une injuste prévention peut seule méconnaître la valeur. Cet acte, nous l'examinerons avec détail, au nom de votre commission, lorsque s'engagera devant vous la discussion à laquelle ce sujet doit donner lieu. Mais, nous bornant en ce moment ǎ considérer le principe de cet acte, nous dirons qu'il donne les libertés municipales et provinciales désirables, et que, en ce qui regarde la liberté politique, celle qui consiste à décider des affaires d'un

pays dans une ou deux assemblées, de concert avec le pouvoir exécutif, comme en Angleterre, par exemple, il est vrai que le motu proprio ne l'accorde point, ou du moins qu'il n'en donne que les premiers rudiments, sous la forme d'une consulte privée de voix délibérative. La question, dès lors, est de savoir si les États-Romains sont actuellement aptes au régime que l'Angleterre est parvenue à se donner après deux siècles d'expérience et d'efforts. C'est là une question d'une immense gravité, qu'il appartenait au saintpère seul de résoudre, et au sujet de laquelle il importait à lui et au monde chrétien de ne rien hasarder. Qu'il ait préféré en cela le parti de la prudence, qu'après les expériences qu'il vient de faire il ait préféré ne pas rouvrir la carrière des agitations politiques pour un peuple qui s'y est montré si nouveau, nous ne nous reconnaissons pas le droit de l'en blâmer, et nous n'en voyons pas le motif.

Des libertés municipales et provinciales sont une première éducation, par laquelle il est utile de faire passer un peuple, quand on ne veut pas le jeter prématurément et violemment dans la carrière orageuse de la liberté politique.

Maintenant, l'acte important qu'on appelle le motu proprio suppose un ensemble de lois qui devront réformer la législation civile, assurer l'équité des tribunaux, amener une juste répartition des fonctions publiques entre les diverses classes de citoyens, procurer, en un mot, aux Romains les avantages d'un

gouvernement sagement libéral. Ces lois sont annoncées, et la parole de Pie IX suffit pour lever tous les doutes. Mais les conseils de la France devront être dirigés de manière à convertir en parole efficace ce motu proprio, et surtout à étendre la clémence du pontife sur tous ceux qui peuvent être amnistiés sans danger pour l'ordre public.

Ce doit être l'œuvre d'une influence continuée avec patience, avec calme, avec respect, influence qui constituerait, nous le répétons, une prétention inadmissible, si des circonstances impérieuses ne nous avaient amenés à l'exercer, mais qui, renfermée dans les bornes convenables, est parfaitement compatible avec l'indépendance et la dignité du saintsiège. Aussi, en présence des résultats obtenus, il nous est impossible de regretter que nos soldats soient au Vatican, lorsqu'ils y occupent la place qu'y occuperaient les soldats autrichiens; lorsqu'ils s'y sont conduits aussi vaillamment et aussi sagement qu'ils l'ont fait, lorsque enfin il est si notoire qu'ils y sauvent les principaux bienfaits que Pie IX avait libéralement dispensés à ses peuples lors de son avènement.

Maintenant, doivent-ils y être longtemps encore? Question actuellement difficile à résoudre, car il est impossible de dire le moment où le pape pourra se passer de notre armée dans un pays qui a été le théâtre de commotions si récentes. L'intérêt de la France est d'abréger le plus possible son occupation, car elle n'a voulu ni faire une conquête ni exercer

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