Slike stranica
PDF
ePub

encloué 82 bouches à feu, les a jetées dans les fossés, a chassé la garnison, et s'est rembarqué.

Est-ce que le Mexique ne pouvait pas raisonner comme vous raisonnez pour Rosas? Ne pouvait-il pas dire Je vais me retirer vers Mexico; il y a 80 lieues de la Vera-Cruz à Mexico. Est-ce que le Mexique a fait cela? Frappé par un coup de vigueur, il s'est rendu et a reconnu votre droit.

Et le Brésil? Quand l'amiral Roussin, sous la restauration, en 1828, est allé à Rio-Janeiro, il avait neuf vaisseaux, pas un soldat de débarquement. Il est entré audacieusement dans le vaste port de Rio-Janeiro, et a montré son pavillon. On s'est rendu.

Et quand nous avons envoyé, sous le dernier gouvernement, pour quelques insultes à nos nationaux, l'amiral Roussin dans le Tage, la position du Tage, la plus formidable du monde, il y est entré sous voile, malgré l'artillerie des deux côtés; il est venu se placer devant le port de Lisbonne. Dom Miguel, qu'avait-il à faire? Il avait à faire ce que vous conseillez à Rosas, d'attendre quelques jours. Notre flotte était prisonnière; il se rendit. Pourquoi? C'est que, quand une grande nation veut faire un acte de vigueur pour se faire respecter, elle y réussit. Il n'est pas vrai, il faut dire cela à des enfants qui n'ont jamais connu les choses humaines, que, pour se faire respecter, on ait besoin de faire une guerre de conquête. Ouvrez les pages de l'histoire contemporaine, de l'histoire de tous les temps est-ce que, quand les grandes na

tions maritimes ont eu à se faire respecter, elles ont été contraintes à faire des guerres de conquêtes? Elles ont envoyé leurs flottes avec ou sans troupes de débarquement; elles ont fait des actes de vigueur, et elles ont été respectées.

Je vous cite une quantité d'actes de ce genre; il y en a eu plus de dix ou quinze depuis la paix de 1815. Et l'on vient nous dire que la France, même à distance, ne peut se faire respecter! Je ne puis pas discuter des plans de campagne à la tribune, ce serait ridicule; j'affirme une chose, c'est qu'un acte de vigueur... vous le ferez comme vous voudrez. Notre gage de confiance, c'est de vous laisser le choix des moyens d'exécution; mais faites-le, car il faut enfin que la France soit respectée, qu'elle le soit dans cette Amérique du Sud, qui a la plus grande importance pour elle; il le faut pour son honneur, il le faut pour sa loyauté. Quant à la difficulté d'exécution, on ne pourra l'alléguer sans faire un déplorable aveu pour notre pays, un déplorable aveu d'impuissance. Venir nous dire que cela ne se peut pas, c'est un aveu qui nous couvre de confusion. Pourquoi payons-nous une marine de 120 millions par an? Pourquoi faisons-nous peser sur nos finances un poids aussi lourd que celui-là? Si nous n'avions pas ces 120 millions de dépense nous pourrions renforcer notre armée de terre et l'avoir bien plus forte, bien plus imposante qu'elle n'est et faire de grandes économies. Pourquoi payons-nous 120 millions? C'est pour pouvoir agir au

loin, pour que l'influence de la France ne se borne pas au Rhin et aux Pyrénées, mais pour aller à 2 et à 3,000 lieues faire ce que font les Anglais, nous faire respecter. Pourquoi donc ces 120 millions consacrés à notre marine, si vous déclarez que, parce que l'outrageur est loin de nous il peut impunément égorger et spolier vos nationaux ? Si votre marine est impuissante à les protéger, supprimez le budget de la marine. Quant à moi, je suis profondément convaincu, et ce n'est pas comme homme d'opposition que je le dis, c'est comme homme de gouvernement, quant à moi, je déclare que vous pouvez agir efficacement, sans difficulté aucune, sans complication aucune avec l'Europe.

Oh! si une complication était à craindre avec l'Europe, sur-le-champ je me rallierais à tous vos sentiments, et, permettez-moi d'ajouter un mot sans vous blesser, même à ce que j'appellerai vos préjugés. Je deviendrais partisan de la paix presque sans mesure, si l'on pouvait aujourd'hui troubler le monde; oui, dans l'état du monde, il faut éviter la moindre commotion. Mais il y a un nécessaire à faire partout. Quand il s'agit de notre commerce, de nos nationaux, il faut être comme les Anglais, qui, pour un matelot blessé, ont entrepris de grandes guerres; il faut que partout où votre pavillon se trouve, s'il y a un Français molesté, ce pavillon puisse apparaître pour le faire respecter.

On parle du commerce par la paix. Oui, le com

merce a besoin de la paix, cela est incontestable; ce sont de ces choses qu'on n'aurait pas besoin de dire même à l'école; mais, outre cela, le commerce a besoin d'être protégé. Et qui aurait osé dire à l'admirable bailly de Suffren, quand il était dans les mers de l'Inde, sur lesquelles il a failli établir l'influence de la France; quand il livrait ses admirables batailles qui sont la plus grande gloire de notre nation sous le rapport maritime, qui aurait osé lui dire qu'avec la paix on fonde le commerce, et non avec la guerre? Il aurait souri de pitié, s'il avait pu imaginer que les descendants des Français d'alors pourraient dire et entendre un jour de pareilles choses. (Très bien! Très bien!)

Je veux la paix. Elle n'a pas eu, ici, dans cette enceinte, quand c'était bien plus difficile qu'aujourd'hui, quand nous n'étions pas en majorité, elle n'a pas eu de plus chaleureux défenseur que moi. Elle me trouvera toujours pour défenseur, lorsque, dans l'état du monde, on viendra sérieusement l'ébranler; mais quand, sous le mot de paix, on cache une politique que je ne veux pas blâmer (je ne veux rien blâmer dans le pouvoir aujourd'hui), une politique sans résolution, sans idée, sur ce sujet au moins, oh! la paix ne doit pas couvrir de telles choses! Il est impossible qu'en envoyant un négociateur armé, avec des navires et quelques hommes, on aboutisse à la guerre. Rendez aux mots leur véritable sens; ce n'est pas la guerre, la guerre dont la crainte ébranle justement

beaucoup d'esprits; c'est la guerre avec Rosas. Ce n'est pas une guerre plus considérable que celle que nous avons faite à Saint-Jean-d'Ulloa et au Maroc; c'est une de ces guerres que les nations maritimes doivent savoir faire quand elles veulent se faire respecter dans le monde.

(Approbation prolongée.

- Aux voix! Aux voix!)

Après une réplique de M. Rouher, l'Assemblée, à la majorité de 338 voix contre 300, adopta un ordre du jour motivé présenté par M. de Rancé et ainsi conçu :

<< Considérant que le traité Le Prédour n'a pas été soumis à l'Assemblée nationale; considérant que le Gouvernement déclare qu'il entend continuer les négociations dans le but de garantir l'honneur et les intérêts de la république, et que nos nationaux seront sérieusement protégés contre toutes les éventualités sur les rives de la Plata, l'Assemblée passe à l'ordre du jour. »

« PrethodnaNastavi »