ces dispositions, car l'intelligence en est nécessaire pour comprendre la loi nouvelle. Outre cette juri– diction sur elle-même, il donna à l'Université l'autorisation préalable; c'est-à-dire que, dans le régime actuel, aucune école ne peut s'établir en France qu'avec le consentement de l'autorité administrative en matière d'enseignement, c'est-à-dire de l'Université. Il lui donna, de plus, la faculté de ranger les établissements privés en deux catégories les uns de plein exercice; les autres qui ne sont pas de plein exercice; c'est-à-dire ceux qui peuvent tout enseigner, ceux qui ne peuvent pas tout enseigner. Il lui donna ce qu'on appelle, dans le langage technique de l'enseignement, la collation des grades. Vous savez que toute la jeunesse française, pour entrer - dans les carrières libérales, est obligée de faire preuve d'un certain savoir qui est constaté par l'examen du baccalauréat és lettres. C'est l'Université qui examine. C'est ce qu'on appelle la collation des grades. Il lui donna donc, outre l'autorisation préalable, la faculté d'examiner toute la jeunesse française, quand elle veut entrer dans les carrières libérales. Voilà l'Université, c'est-à-dire le gouvernement qui est sorti des écoles de l'État. En vertu de cette autorisation préalable, il faut que vous sachiez qu'il s'est formé un grand nombre d'établissements, qui, à eux tous, contiennent dans leur sein une jeunesse aussi nombreuse que celle qui est dans les collèges de l'État, dans les collèges communaux. Ces institutions sont la preuve que jusqu'aujourd'hui, s'il n'a pas existé en France une liberté de droit (car il faut reconnaître qu'il n'y a pas de liberté de droit quand il dépend de l'autorité administrative de l'Université de refuser aux établissements nouveaux la faculté de s'établir), s'il n'a pas existé une liberté de droit, il a existé une liberté de fait, et que l'Université, comme on l'a toujours reconnu quand on a discuté sérieusement, avait usé de ce monopole universitaire avec beaucoup de modération. Il y a à côté des cinquante-six grands collèges de l'État, appelés lycées, et des trois cents collèges communaux, il y a 800 institutions libres, privées, qui distribuent l'enseignement à près de 56,000 élèves; c'est le nombre de tous les élèves contenus dans les collèges de l'État et dans les collèges communaux. Dans ces institutions libres, il y en a de laïques, il y en a d'ecclésiastiques. Ainsi, à côté des établissements de l'État, le père particulièrement préoccupé de donner à son fils l'éducation religieuse, je ne parle toujours que de la liberté de fait, le peut; car il y a des institutions ecclésiastiques au nombre des institutions privées, placées en dehors des collèges de l'État. Il y a enfin une dernière catégorie, la plus importante pour l'examen de la loi actuelle ce sont les petits séminaires. Vous savez que le clergé a obtenu des lois antérieures que chaque évêque eût la faculté d'avoir auprès de lui une école secondaire ecclésiastique, qu'on appelle petit séminaire, dont il est seul le chef, le surveillant, l'administrateur; et, en retour de ce régime exceptionnel, on a dit au clergé : « Vous ne pourrez élever que des prêtres dans ces collèges-là. M. BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE. C'est la loi de 1814. M. THIERS. Oui, c'est la loi de 1814. Ainsi, au delà des collèges de l'État et des collèges communaux, se trouvent les institutions libres en nombre considérable, et au delà enfin les établissements du clergé appelés petits séminaires, qui ont été jusqu'à ce jour placés dans un régime exceptionnel, qui sont gouvernés exclusivement par les évêques, mais qui ne peuvent pas présenter leurs jeunes gens au baccalauréat. Voilà toutes les écoles existantes en France, et gouvernées par cette Université dont je vous ai décrit la constitution. Maintenant que vous avez eu la patience d'écouter ces détails, vous allez voir qu'ils vont vous servir puissamment à comprendre la loi et les nouveautés que nous vous avons apportées, et que l'on qualifie de transaction, de conciliation, comme on voudra. Messieurs, vous savez quelle est la grande querelle qui a occupé les dernières années du dernier gouvernement. Moi qui veux la conciliation, et qui la veux sérieusement, je ne vous rappellerai pas tous les détails de la querelle; j'en énumérerai les points prin wwwwwww cipaux. Ainsi le clergé et les partisans de l'Église disaient à l'Université : Votre enseignement n'est pas moral, il est irréligieux. D'autres adversaires de l'Université, qui lui adressaient des reproches, non pas au nom de l'Église, mais au nom de l'idée pure et abstraite de la liberté d'enseignement, disaient à l'Université : Vous n'avez que de vieilles doctrines; vous faites passer à la jeunesse ses meilleures années à apprendre du grec et du latin, à acquérir un savoir qui n'intéresse plus la génération actuelle; vous ne nous faites pas la génération dont nous avons besoin, pour la vie pratique, pour la vie du temps. Ainsi le clergé lui disait : Votre éducation n'est ni morale ni religieuse; et les partisans de la liberté d'enseignement lui disaient : Vous n'avez que de vieilles doctrines, que des méthodes surannées. L'Université répondait (et je jugerai plus tard, suivant que le sujet m'y conduira, la valeur de ces reproches; je les énonce pour bien fixer l'état de la question), l'Université répondait : Mon éducation est aussi morale que celle qui est donnée dans les établissements religieux. J'ai vu dans les commissions des preuves fournies de part et d'autre, des preuves écrites, et je crois que l'Université avait raison quand elle disait que, sous le rapport de la moralité, son éducation n'était inférieure à aucune autre. Elle disait : Mon éducation n'est pas religieuse; je n'impose pas la religion à la jeunesse, je l'enseigne avec sincérité et respect; je n'arrive pas à vous donner la jeunesse fervente et pieuse du temps de Louis XIV ou du temps de saint Louis; je vous donne la jeunesse de notre temps, laquelle n'est pas impie et cynique comme celle du dernier siècle, mais qui est respectueuse; je vous donne la jeunesse que comporte la société au milieu de laquelle je suis placée. Quant aux vieilles routines, j'élève la jeunesse dans le sein de l'antiquité; c'est là où il faut lui faire passer ses premières années; elle ne peut pas les mieux passer que dans la science antique. La science du temps présent, elle l'apprendra assez vite quand elle aura atteint l'âge adulte; son enfance, laissez-la dans le simple asile de l'antiquité. Les Romains faisaient vivre leur jeunesse dans les études grecques; nous, nous devons faire vivre notre jeunesse dans les études grecques et latines. L'Université disait tout cela au clergé, et elle ajoutait Vous voulez vous emparer de l'enseignement; eh bien, si vous pouviez exercer l'enseignement, soit encore; mais non, vous ne l'exercerez pas, vous le livrerez à une corporation célèbre, qui professe, sur les relations de l'Église française et de l'Église romaine, des doctrines qui ne sont pas les vraies doctrines françaises; vous ne ferez pas de très bons citoyens, vous les élèverez dans un sentiment hostile au gouvernement existant. Voilà ce qu'on disait à l'Université, voilà ce qu'elle répondait; je ne juge pas la querelle, je la mets sous vos yeux pour bien établir les pièces du procès. La révolution de 1848 nous a surpris au milieu de ce débat; elle nous a surpris (je prends la langue |