Eh bien, comme il était très difficile alors de faire accepter au clergé le droit commun, c'est-à-dire l'inspection, en retour de ce qu'il demandait, on n'avait pas, jusque-là, voulu faire cette concession. Mais vous l'avez faite, vous l'avez faite dans la Constitution, et, après la Constitution, vous l'avez faite dans le projet de loi qu'avait présenté M. Jules Simon, votre ami, l'objet de votre juste estime, et pour son caractère et pour son esprit. Vous avez dit, je ne lis pas l'article, mais il ne peut pas être contesté, vous avez dit que tout établissement était libre d'enseigner pour toutes les carrières, mais que tout établissement subirait l'inspection. Ah! si, après l'article de la Constitution, le clergé avait dit : « Je ne veux pas être inspecté! » à la bonne heure; mais le clergé a dit : « Je serai inspecté comme tous les autres établissements. » Et ce jour-là le contrat a été signé, la paix a été faite. Oui, voilà la grande concession, si concession il y a; oui, les petits séminaires seront une université ; eux aussi, ils pourront enseigner pour toutes les carrières. Je vous défie de me montrer dans la loi une autre concession sérieuse que celle-là. Quant à la présence du clergé (je le ferai voir tout à l'heure) soit dans le conseil général de l'Université, soit dans les conseils académiques, Mer l'évêque de Langres a eu raison de le dire, ce n'est pas une faveur, c'est une charge. (Mouvements divers. - Agitation.) J'en demande pardon aux partisans de l'Église... (pour la commodité de la discussion, je dirai : Les partisans de l'État et les partisans de l'Église, il faut se faire un langage pour chaque question), je dirai donc aux partisans de l'Église : Pardonnez-moi d'employer le mot de concession; ce n'est pas une concession que l'exécution pure et simple d'un article de la Constitution, c'est un droit. Mais enfin on nous accuse de livrer la jeunesse de France au clergé. Pour quiconque connaît la matière, il n'est pas possible de contester ce que j'avance ici la grande concession, si concession il y a, c'est que les petits séminaires pourront enseigner pour toutes les carrières. Ce n'est pas nous, je le répète, qui avons fait cette grande concession; c'est la Constitution. : M. GRÉVY.- La Charte de 1830 l'avait faite! M. THIERS. A gauche. Non! Comment, non! Mais c'est évident! M. THIERS. C'est évident! Vous allez voir. Si la Charte avait été positive à cet égard, est-ce que vous croyez que les partisans de l'Église alors n'auraient pas réclamé, au nom de la Charte? M. ARNAUD (Ariège.) — Ils l'ont fait. M. THIERS. Permettez ! La Charte avait dit : «< On procédera le plus prochainement possible à l'organisation de la liberté d'enseignement; » mais votre Constitution a dit que tous les établissements étaient libres et seraient tous soumis, sans exception, à l'inspection. Or ces mots : Tous, sans exception, ne pouvaient s'appliquer qu'aux petits séminaires, et, en s'appliquant aux petits séminaires pour l'inspection, pour la charge, ils doivent aussi s'y appliquer pour l'avantage (rire approbatif à droite), et, en donnant l'inspection ils donnaient la liberté, cela est évident. (Très bien!) M. PASCAL DUPRAT. -Ce n'est pas la question. M. THIERS. Comment! Ce n'est pas la question! (Rires et exclamations à droite.) Comment! Messieurs, ce n'est pas pour me plaindre, mais de grâce, comment, vous dites que je ne suis pas à la question!... M. PASCAL DUPRAT. Ce n'est pas dans ce sens-là. Si M. Thiers veut bien me permettre un mot... M. THIERS. Oui! M. PASCAL DUPRAT. Ce n'est pas sur le terrain indiqué par M. Thiers que se sont placés les adversaires de la loi. M. LE PRÉSIDENT. - Précisément, il vous reproche de ne vous être pas placés sur le vrai terrain de la loi. (Rires approbatifs à droite.) M. THIERS. En vérité, voilà un étrange reproche! M. Pascal Duprat me dit : Les adversaires de la loi ne se sont pas placés sur ce terrain. Je le sais bien. Mais cependant c'est le terrain vrai, et je les y ramène; c'est mon devoir et mon droit... (Rires et approbations à droite.) M. PASCAL DUPRAT. - Je demande la parole. M. THIERS. Il vous est bien commode de vous donner l'honneur de toutes les libertés, et de nous laisser, à nous, l'odieux du contraire; et puis, quand ces libertés produisent des résultats fâcheux, vous répudiez ces résultats et venez dire Ils sont à vous, les résultats! Vous proclamez la liberté d'enseignement; elle est applicable au clergé comme à d'autres. Eh bien, quand le clergé profite des avantages de cette liberté, vous nous dites que nous livrons la jeunesse au parti clérical. (Rire approbatif sur les bancs de la majorité.) Comptez sur moi, comptez sur cette habitude, quelquefois fatigante pour une assemblée, que j'ai prise de parcourir toujours un sujet du commencement à la fin, et de n'en négliger aucune partie; je vais examiner tout à l'heure si la liberté n'est pas dans le projet. Oh! je sais bien qu'on trouve toujours qu'il y en a trop pour ses adversaires et pas assez pour soi. (Rires d'adhésion à droite.) Je ne me suis pas plaint, j'ai écouté à mon banc mes adversaires autant qu'il dépendait de moi; j'ai cherché à les faire écouter même quand ils parlaient de l'histoire d'Espagne et d'Italie, et de la première révolution et de la deuxième révolution. Je ne parle pas de toutes ces révolutions; je parle de la loi et de la Constitution; pourquoi interrompre? (Rire général d'approbation.) Je tiens pour incontestablement établi, et, quoique très privé de forces, je l'établirai contre tous ceux qui voudront le contester, ce point irréfragable que, pour quiconque connaît la matière, le grand avantage accordé à l'Église, c'est la faculté d'enseigner donnée aux petits séminaires. M. DUMAS, ministre de l'agriculture et du commerce. C'est là le point important! M. THIERS. C'est là ce qui rend la conciliation sérieuse. Je ne le regrette pas. Je l'aurais regretté il y a trois ans; je ne le regrette plus aujourd'hui. Je vais vous en dire la raison avec une audacieuse franchise. (Écoutez! Écoutez!) Eh bien, oui, c'est vrai, aujourd'hui je n'ai pas, à l'égard du clergé, les jalousies, les ombrages que j'avais il y a deux ans; c'est vrai, et je vais vous en dire les motifs. J'étais très sensible, il y a deux ans, à des différences comme celle-ci, très sensible, et je le disais, non pas dans mon rapport, mais dans les bureaux. On a cité des discours que j'y avais prononcés, dont la pensée est à moi, le langage pas toujours. Je parlais vivement, comme il est dans ma nature de dire les choses. Je craignais certaines doctrines, j'étais très sensible à ces différences. Ainsi des prêtres, des docteurs de l'Église, croyaient que l'Église française devait dépendre complètement de l'Église romaine. Ces docteurs-là me plaisaient moins que Bossuet, qui voulait que l'Église française fût soumise, mais indépendante. Il y avait, outre son génie sublime, il y avait dans cette fière indépendance de Bossuet, dans cette soumission mêlée de tant de fierté, quelque chose qui me charmait; et les quatre pro |