Nous avons maintenu la juridiction. Il s'agissait de la collation des grades. On nous dit : Pourquoi donc l'Université est-elle chargée de conférer les grades? Comment! Un élève des petits séminaires, des institutions libres, se présentant au baccalauréat, sera jugé par les membres de l'Université? Ce seront des juges partiaux; nous n'en voulons pas. On dit que la conciliation est bien difficile. Eh bien, dans la commission où se trouvaient, d'un côté, des hommes éminents du corps universitaire, et, de l'autre côté, des hommes éminents du clergé, on a discuté, et il a été reconnu, en présence les uns des autres (et je suis convaincu que le rapprochement, loin de produire la guerre, amènera la pacification), il a été reconnu, ce qui était vrai, évident, que jamais l'Université n'avait été partiale dans la collation des grades, que jamais un jeune homme n'avait été écarté parce qu'il venait d'un établissement ecclésiastique ou d'un établissement privé. Nous avons maintenu à l'Université la collation des grades; c'était un des articles les plus importants de son existence. Vous me parlerez de quelques misérables articles insignifiants je vous parle des attributions essentielles; je vous prouve qu'elles sont maintenues, et vous contestez encore. Si vous voulez infirmer la valeur de mon raisonnement, il faut me prouver que ce ne sont pas là les points essentiels pour un homme de gouvernement. Je vous dis que les points essentiels ont été victorieusement sauvegardés contre toutes les attaques. Vous aurez beau nier, vous ne pourrez pas contester ce que j'affirme là. Eh bien, nous avons maintenu à l'Université la juridiction, la collation des grades. Savez-vous ce que nous lui avons maintenu de plus? C'est l'inspection. Et on nous disait : Comment! Nous, membres du clergé, nous, membres de l'enseignement libre, nous qui professons telles ou telles doctrines, nous qui sommes connus pour telles ou telles tendances politiques ou morales, nous qui professons d'après telles ou telles méthodes, nous serons jugés par les inspecteurs de l'Université? Ce sera intolérable! Nous avons répondu : Voulez-vous que nous fassions comme en Belgique ? Voulez-vous que ce soit un corps politique qui désigne les inspecteurs? Mais alors ce ne sont plus des hommes de science qui inspectent, ce sont les partis politiques qui se succèdent tour à tour au pouvoir. Ce serait une organisation déplorable. Nous maintenons l'inspection à la science, c'est-à-dire à l'Université. Comme nous lui avons maintenu le riche personnel qui sort de ses écoles, nous lui avons maintenu sa juridiction, la collation des grades, l'inspection, c'est-à-dire le gouvernement tout entier. Et vous dites que nous l'avons détruite ! J'arrive au seul point contesté, et, à mon avis, bien peu susceptible de contestation. Quand je dis : Nous avons maintenu l'inspection à l'Université, il faut nous entendre; il fallait que nous eussions une réponse valable à ceux qui disaient: Comment! Vous allez faire juger une école ecclésiastique, un professeur ecclésiastique ou bien un professeur de l'enseignement libre, vous allez le faire juger par un membre de l'Université! Mais il nous faut des garanties d'impartialité! On nous disait: Vous allez faire conférer les grades par l'Université, vous allez les faire conférer à des jeunes gens sortis de l'enseignement libre? Mais il nous faut des garanties d'impartialité! On nous disait : Vous voulez tout faire inspecter par l'Université? Il nous faut encore des garanties d'impartialité! C'était vrai, nous ne pouvions plus composer le conseil délibérant de l'Université comme il l'était autrefois. Nous ne pouvions plus, par exemple, quand nous allions faire juger par le conseil général, par le conseil particulier d'académie, tous les enseignements quelconques, et l'enseignement religieux, et l'enseignement privé, et ceux qui auraient des méthodes différentes, quand nous allions les faire juger par l'Université, il fallait modifier la composition du corps, il fallait la modifier de manière que la justice y fût possible. (Exclamations.) M. VICTOR LEFRANC. Vous dites le contraire de ce que vous avez dit tout à l'heure. M. THIERS. - Nous voici à la difficulté. Eh bien, vous allez voir comme elle est grave, si l'on veut prendre les choses pour ce qu'elles sont. On ne peut pas me contester ce point, que ce gouvernement est maintenu, consacré tout entier; mais on se récrie contre la composition. Maintenant, supposez qu'on ne voulût pas tirer de cette composition un argument pour la cir constance, pour attaquer la loi, et que, n'ayant pas cette préoccupation, on vous dît: Il faut faire juger tels ou tels intérêts; par qui les ferez-vous juger? Vous les ferez juger par ceux qui sont le mieux placés pour les connaître, et qui sont successivement engagés dans cet intérêt. Quand vous créez le jury, de quoi le composez-vous? Vous le composez de la société elle-même. Quand vous vouliez faire juger tous les membres de l'enseignement, il fallait, comme nous l'avons dit, que la partie gouvernée tout entière fût gouvernante à son tour. Comment! Vous comprenez dans l'enseignement des écoles ecclésiastiques, des écoles privées et laïques, des écoles de diverses méthodes, et vous ne voulez pas que toutes ces écoles aient leurs représentants dans le corps universitaire! Mais vous voudriez une chose inique, absurde, qui serait insoutenable. (Marques d'approbation à droite.) Une voix à gauche. Ce n'est pas la question! M. DE MONTALEMBERT. C'est l'âme de la question! (Agitation.) M. THIERS. - Où voulez-vous donc que je la prenne la question? A gauche. Personne n'a dit cela. M. LE PRÉSIDENT. Pourquoi interrompez-vous, alors? Un membre à droite. La question est dans l'inquisition. (On rit.) Un autre membre. Elle est en Espagne ou en Italie. de ce que j'appellerai tous les grands intérêts mo raux. Ainsi voyez cette composition, et jugez si nous avons été partiaux. Le total des membres du conseil ne serait que de vingt-sept, si l'on ne corrigeait pas l'un des chiffres énoncés dans le dénombrement. Je ne sais sur lequel doit porter la correction, n'ayant pas le projet de loi sous la main. Le conseil supérieur se composera de huit membres commission permanente, qui, naturellement, comme on n'a pas manqué de nous le dire, et c'est vrai, il faut le reconnaître, sera surtout composée d'universitaires. Et puis nous avons admis un conseil extraordinaire, se réunissant quatre fois par an, et qui sera composé, voyez la partialité, de trois membres de l'enseignement libre, de trois membres de l'Institut, de trois membres de la magistrature, de trois membres du conseil d'État, de quatre membres du clergé, de trois membres des cultes ou protestant ou israélite. Voilà donc un conseil composé de vingt-huit personnes, dans lequel sont représentés, outre l'Université par la commission permanente, le conseil d'Etat, la cour de cassation, l'Institut et les cultes de France; et, quand il y en a trois, ou protestants ou israélites, nous avons mis quatre membres du clergé catholique. Je vous demande si cette composition a quelque chose de partial et d'exclusif. |