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qu'on a toujours adressé à cet impôt, c'est ce qui l'a rendu fort désagréable, fort dur pour l'Angleterre.

Par quel moyen a-t-on pourvu à cet inconvénient? On y a pourvu par la modicité extrême de l'impôt.

L'auteur d'une proposition réprouvée avant-hier par l'Assemblée, à la presque unanimité, nous proposait le tiers; vous nous proposez le cinquième dans votre système d'impôt hypothécaire. Dans le système repoussé, c'était 33 pour cent; dans le vôtre, c'est 20 pour cent.

Oh! Messieurs, lorsqu'on porte un jugement toujours aussi hasardeux que celui-ci : Vous avez 100, ou 50, ou 10,000 livres de rente, il faut que l'impôt soit modéré; que, s'il y a erreur, l'impôt soit peu important. Mais, quand l'impôt porte sur 33 pour 100, l'erreur peut être ruineuse pour celui au préjudice de qui on la commettrait. En Angleterre, l'income-tax n'est que de 3 pour cent; et, quand on dit à un homme qui a 100,000 francs de rente : Vous payerez 3,000 francs sur votre revenu, on se tromperait de quelque chose en lui en demandant 4,000 au lieu de 3,000, que le malheur ne serait pas grand. Lorsqu'à un homme qui a 10,000 francs de rente, au lieu de demander 300 francs, on en demanderait 400, le malheur ne serait pas bien grand, quoiqu'une injustice soit toujours un malheur. Mais enfin, reconnaissant que l'impôt sur le revenu est de sa nature un impôt arbitraire, parce qu'il est fondé sur la notoriété, on l'a rendu infini

ment modique dans le taux, pour que les erreurs fussent de peu de conséquence; et en Angleterre, quand, par suite de la guerre, on l'a porté à 6 pour cent, il y a eu des réclamations universelles, et l'une des causes qui ont fait que les Anglais ont salué avec acclamation la paix en 1815, c'est l'abolition de l'income-tax.

Eh bien, je distingue votre impôt de l'impôt sur les revenus; il n'y conduit pas. S'il y conduisait, ce serait une manière de préparer un essai. Il en est la négation; c'est une injustice. (Très bien!) Des quatre espèces de capitalistes possesseurs du capital mobilier, les prêteurs sur hypothèques, les prêteurs chirographaires, les prêteurs sur rentes et les prêteurs sur actions, de ces quatre classes vous frappez la plus pauvre, celle des créanciers hypothécaires, et la plus intéressante; vous la frappez exclusivement, vous la frappez de 20 pour cent, tandis que l'impôt sur le revenu ne frappe tous les capitalistes que de 3 pour cent; et vous commettez la faute financière de vous exposer, si vous continuiez, si l'impôt était maintenu, à faire élever le taux de l'intérêt de 1 pour cent, ce qui est la plus grande faute qu'on puisse commettre en économie politique.

Ainsi, si votre impôt devait être permanent, il serait condamné, car il est contraire à tout principe de justice et de bonne économie publique.

Il n'est que temporaire ! Voilà votre principale raison. Il ne doit exister que pour l'année 1848.

Eh bien, alors, je vous adresse cette objection:

Il causera, dans l'état de la détresse publique, d'incontestables douleurs; car il s'adresse à une classe très pauvre et très intéressante. On vous l'a démontré, la moyenne des prêts sur hypothèque est de 300 francs. Il causera donc des douleurs; cela est incontestable, des souffrances au moins. Et c'est pour un tel expédient que vous allez vous exposer à créer un impôt de six mois! Je le déclare, je ne crois pas, dans l'histoire financière tout entière, qu'on trouve l'exemple d'un impôt nouveau créé pour six mois. Mais, dit-on, l'équilibre !

Je suis, Messieurs, plus soucieux... (non, je ne dirai pas plus soucieux, nous le sommes tous également, car nous aimons tous notre pays et ses intérêts), mais je suis aussi soucieux que personne de l'équilibre, parce que je suis soucieux du bon état de nos finances, et, si je croyais que l'équilibre tînt à 20 millions, je n'hésiterais pas un instant à voter même des souffrances pour les contribuables, car la plus grande souffrance serait que vous n'acquittassiez pas vos engagements, ou que vous ne pussiez pourvoir à tous les services publics.

Mais est-ce que l'équilibre tient à ce moyen?

Oh! un impôt de 20 millions permanent est chose très importante, un impôt permanent de 20 millions est une chose de grande considération; car un revenu qui dure, qui se reproduit tous les ans, représente, non pas le revenu, mais le capital, auquel il correspond.

Ainsi, un impôt de 20 millions, quel qu'il soit, s'il est permanent, j'y attacherais une grande importance, je l'examinerais avec grand soin; mais un expédient, et j'appelle expédient ce qui doit durer six mois, un expédient de 20 millions, il ne faut pas y recourir.

En effet, Messieurs, quel est l'état de votre budget pour cette année?

L'administration précédente avait cru que le budget était en équilibre. Je ne lui ferai pas un reproche de son erreur; dans la mobilité de la situation actuelle, dans sa gravité, il est impossible de prévoir huit jours d'avance quel sera l'état vrai du trésor. Je reconnais que l'administration précédente a pu se tromper, sans qu'il y ait de graves reproches à lui faire. Mais enfin elle s'était trompée d'une somme que le comité des finances, dont l'honorable M. Goudchaux faisait partie avec moi, avait évaluée à 150 ou 200 millions, et que M. Goudchaux, arrivé au milieu des faits, croit devoir faire varier entre 200 et 300 millions.

Le déficit pour le budget de 1848 sera donc de 200, 250, peut-être 300 millions, si l'administration des finances est conduite avec la fermeté que je lui désire et que j'en espère, si elle marche d'accord avec le comité des finances...

A gauche.

M. THIERS.

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· Ah! ah!

Je ne suis pas, à moi tout seul, le comité des finances, je n'ai pas voté sur le projet en discussion, je ne faisais pas partie de la sous-commis

sion qui l'a examiné; ce n'est donc pas une opinion personnelle que je viens défendre ici.

Je dis que, si l'administration des finances est conduite avec la fermeté que je lui souhaite; que, si elle marche d'accord, en des vues de sage économie, avec le comité des finances, j'espère que le déficit pourra se renfermer peut-être dans une somme de 240 à 250 millions. Il est, du reste, impossible de le dire aujourd'hui; mais j'espère que ce déficit ne s'élèvera pas à 300 millions, à condition toutefois de beaucoup d'ordre et de sagesse dans l'administration de l'État. Je mets hors de compte, bien entendu, l'emploi possible de nos forces au dehors. Avec la paix, avec une bonne administration, je compte que le déficit pourra se renfermer entre 230, 240 ou 250 millions; on ne peut, à 20 millions près, le préciser. Je crois que M. le ministre s'abonnerait à l'instant même à ce que le déficit se renfermât dans le chiffre de 250 millions.

Eh bien, Messieurs, avec quoi avez-vous voulu y pourvoir? Ce n'est pas avec les impôts. Vous ne pouvez pas en avoir la prétention; on ne peut pas créer dans un an 250 millions d'impôts nouveaux. Avec quoi donc avez-vous voulu y pourvoir? Avec le crédit. Vous avez demandé 150 millions à la Banque : elle vous les a très patriotiquement accordés. Vous avez demandé 150, 175, 200 millions peut-être à l'emprunt. J'espère que nos capitalistes français se hâteront de vous donner ces 175 millions.

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